Identification

Critiques

Le mémo d’Amiens, Jean-Louis Rambour

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 02 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Editions Henry

Le mémo d’Amiens, 2014, vignette de couverture Isabelle Clement, 96 pages, 8 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Rambour Edition: Editions Henry

 

« C’est un pays étrange, cette ville, avec tous ces gens », c’est sur cette citation du Clézio que s’ouvre ce recueil, qui bien que tenant dans la poche, pèse son poids de vies humaines et d’un siècle condensé. 90 poèmes-photos, 90 portraits de 14 lignes. Une ville, Amiens et des gens, des habitants. Des prénoms, quelques noms, des histoires, des rêves, des ambitions, des douleurs, des misères, des saloperies aussi de tout un siècle découpé en guerres, en entre-deux, en révolutions.

 

Ici Julia parle de la grande souffrance d’Amiens (…)

La grande souffrance dit-elle Deux guerres mondiales

À elle seule L’idée qu’on a pris forme humaine

Pour vivre la somme des malheurs la note élevée

Pris forme humaine pour offrir ses ruines

Héloïse, ouille !, Jean Teulé

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 01 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Julliard, Histoire

Héloïse, ouille !, Julliard, mars 2015, 352 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean Teulé Edition: Julliard

 

Qui d’autre que Jean Teulé aurait osé lever le voile et la soutane sur les amours charnels des deux figures mythiques du XIIe siècle, Héloïse et Abélard ? Et qui d’autre que lui aurait su le faire de manière aussi crue et dévergoigneuse ? Confiée par son oncle le chanoine Fulbert aux bons soins pédagogiques du plus grand, du plus célèbre et adulé philosophe de son temps, de vingt ans son aîné, maître Abélard, la très jeune, très belle, très intelligente et très dégourdie Héloïse va bénéficier jour après jour d’un enseignement particulier, voire très particulier. Là, où les historiens notent pudiquement un an et demi à deux ans de relations amoureuses, la plume débridée de l’écrivain plonge dans les délices des turpitudes et folies érotiques de deux êtres dévorés par la passion. Il se livre à l’exercice avec un plaisir jubilatoire, un humour féroce et une liberté de style qui mêle avec gourmandise et provocation le plus poétique et le plus trivial. Une langue aux accents moyenâgeux, ponctuée de phrases, apartés populaires très contemporains.

Un livre de cul ? Oui, pour les deux tiers, mais quel cul !

Toutes les vagues de l’océan, Victor del Árbol

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 01 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Roman, Espagne, Actes Noirs (Actes Sud)

Toutes les vagues de l’océan (Un millón de gotas), février 2015, trad. de l’espagnol par Claude Bleton, 608 p. 23,80 € . Ecrivain(s): Victor del Arbol Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

Attendu par les amateurs depuis des mois, le troisième titre d’un maître du thriller « made in Barcelona » traduit en France, toujours chez Actes Sud et dans une traduction de Claude Bleton : Toutes les vagues de l’océan (Un millón de gotas) de Víctor del Árbol. Un roman qui a demandé à son auteur, de son propre aveu, un important travail et qui fut plus « éprouvant » que les précédents (La maison des chagrins / Respirar por la herrida ; La tristesse du samouraï / La tristeza del samurai ; précédé par El peso de los muertos (pas traduit) et El abismo de los sueños (primé mais pas publié).

Un avocat discret, un peu débordé par la vie et les événements, Gonzalo Gil, est confronté à la mort de sa sœur, Laura, et à tout ce que celle-ci va entraîner. C’est que Laura, son aînée de quelques années, n’est pas quelqu’un de très ordinaire. Elle a commencé par publier un article qui contestait la légende entourant la vie et la disparition de leur père, est entrée dans la police alors que d’autres carrières, plus enviables, se présentaient à elle, s’est retrouvée dans une enquête qui semble avoir coûté la vie à son jeune fils pour être finalement accusée d’avoir cruellement exécuté l’assassin de celui-ci avant de se donner la mort. Gonzalo a du mal à simplement admettre ce qui s’est passé, ce qui se serait passé, et va partir à la chasse aux fantômes de son père, éveillant d’autres fantômes, encore trop vivants.

Les défricheurs de nouveaux mondes, Roger Béteille

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mardi, 31 Mars 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Le Rouergue

Les défricheurs de nouveaux mondes, janvier 2015, 376 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Roger Béteille Edition: Le Rouergue

Terre chrysalide ; femme chrysalide…

Béteille et son Rouergue. Un livre, encore un, droit sorti de ses mains d’artisan soigneux, « fignoleux » de l’écriture et des mémoires. Un bonheur de lecture de plus, qu’on emprunte, comme un chemin certifié qualité-littéraire, avec la confiance qui sied à ce qui aboutira – sûr – à nous rendre à notre vie profonde, bien au-delà des Grands Causses, même à l’autre bout du monde, simplement parce que c’est l’Homme qu’on pioche là, de vérit(é) en vérit(és).

Béteille est autant paysan que géographe, autant historien qu’arpenteur de ces terres rouges ou blanches, hautes et impressionnantes, vertes et en combes douces. Les Grands Causses. Ceux qu’il nous fait aimer, de livre en livre. Qu’il aborde, comme on prend un chemin pour grimper, tant par la face-permanences d’un XIXème siècle, déjà si loin de nous, que par la face-mutations, qui signe, et le siècle, et ses paysans, et semble nous tendre la main. Faces si diverses, se rejoignant pourtant, dans ce vécu si particulier de la vie des campagnes : une auge au manger à cochons : surface apparemment lisse, et dessous ce qui grouille. Changements ; univers presque sidéral par ses immenses paysages, qui bascule par pans entiers – peut-on dire dans la modernité ? dans autre chose, assurément.

Noir parfait, Valentin Retz

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 30 Mars 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Noir parfait, janvier 2015, 168 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Valentin Retz Edition: Gallimard

 

« Durant deux longues années, le pourtour de mes yeux, mes pommettes, mes tempes, mais également, et curieusement, le bas de mes chevilles, ont grillé nuit et jour sur l’autel de mes nerfs. Je me suis consommé en un lent sacrifice ».

C’est ainsi que s’ouvre Noir parfait, à la manière d’un opéra. Les nerfs du roman se consument comme ceux de Don Giovanni. Le corps du narrateur est en feu, il grille en silence comme touché par quelque maléfice. Alors, il s’agit de guérir, mais aussi de comprendre d’où vient cette malédiction. Et si tout s’était joué en Grèce, lors d’un séjour avec son épouse et son fils, Daphné et Hermès. On ne visite pas les dieux et les hommes sans quelque risque, on ne rencontre pas un Bohémien handicapé, on ne se glisse pas dans le temple d’Apollon Épikourios sans quelque dommage – souffrir sans raison peut réellement rendre fou et (que) la folie démultiplie en général les circonstances fatidiques. Le narrateur saisi au vif par ce feu – cet Enfer ? – ne sait plus à quel miracle se vouer, à quel saint se confier et à quel dieu s’offrir pour ne plus souffrir – le Paradis ? – (que) je brûlerais mes brûlures en brûlant six cent cierges, avant que sa résurrection ne surgisse d’un changement de regard.