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Critiques

La Maison au toit rouge, Kyoko Nakajima

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 21 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Seuil, Japon

La Maison au toit rouge, traduit du japonais par Sophie Refle, mars 2015, 301 pages, 21 € . Ecrivain(s): Kyoko Nakajima Edition: Seuil

 

Une dame d’âge respectable, Taki, rédige pour son neveu les souvenirs de ses années de service passées dans la famille Hirai, un foyer de la bourgeoisie tokyoïte. Le maître de maison est sous-directeur d’une entreprise de jouets, passablement prospère. Il a fait construire récemment une maison à Tokyo pour son épouse, Tokiko, et le fils de celle-ci. Tout le récit du roman de Kyoko Nakajima est articulé autour du basculement incessant entre deux époques, celle des années 30 du Japon de l’entre deux-guerres, conquérant, impérialiste, mais où il fait bon vivre, où les mœurs sont stables, confinent à l’immobilité ; et le Japon des années soixante, celui de la croissance économique, d’une entrée dans le monde occidental, au moins en apparence…

Ainsi, la narratrice souligne-t-elle le temps que les maîtresses de maisons dignes de ce nom devaient passer à préparer le nouvel an, à peaufiner la préparation des mets, à la visite systématique de tous les voisins… Tâches perçues pourtant par Taki comme nobles, valorisantes. Dans le domaine de la perception de l’histoire de son pays, Taki, peut-être à l’instar d’une grande majorité de ses compatriotes, revisite l’histoire de son pays d’une manière surprenante, qu’un observateur contemporain pourrait aisément qualifier de révisionniste. Le fils de son neveu, Takeshi, lui fait remarquer que le Japon faisait déjà la guerre en 1936 :

De la légèreté, Gilles Lipovetsky

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 20 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Grasset

De la légèreté, janvier 2015, 364 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gilles Lipovetsky Edition: Grasset

 

Gilles Lipovetsky nous a habitués, depuis L’Ère du vide en 1983, à des analyses plutôt séduisantes à différents titres, analyses pour lesquelles il porte la double casquette de philosophe et de sociologue. Lire Lipovetsky, c’est d’abord faire l’expérience d’une lecture singulière, qui peut offrir de l’emphase servie par une rhétorique tout aussi importante que l’argument. Le plaisir de la lecture est donc tout aussi présent que la précision de l’argument, et quand le tout se met au service d’études des différents aspects du quotidien, on ne peut que saluer la démonstration.

De la légèreté propose une immersion dans un monde animé, selon le philosophe, par une frénésie de vivre tous les aspects de notre quotidien sur le mode de la légèreté. Après L’Ère du vide, L’empire de l’éphémère ou plus récemment L’Occident mondialisé, ce sont des comportements que le « léger, le fluide et le mobile » caractérisent dorénavant que l’auteur analyse. Et le premier paradoxe soulevé est bien le monde matériel dans lequel nous vivons, qui en raison d’une omniprésence matérielle pouvait laisser supposer une imposante lourdeur.

Une femme à gros seins qui court le marathon, Éric Dejaeger

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 20 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Gros Textes

Une femme à gros seins qui court le marathon, décembre 2014, 78 pages, 8 € . Ecrivain(s): Éric Dejaeger Edition: Gros Textes

 

On pourrait croire que ce titre – accompagné d’une illustration explicite de Sarah Dejaeger (toute ressemblance avec le nom de l’auteur n’est pas fortuite) – est racoleur, et si certains tombent dans le panneau, ils seront punis de poésie, car Éric Dejaeger n’a rien à vendre, et racoler n’est pas son genre, il aurait même plutôt tendance à rabrouer si on l’emmerde de trop près.

Le titre est celui du poème du même nom :

 

« Ce titre m’est venu

À l’esprit

En voyant une femme plantureuse

Faire du jogging »

p(H)ommes de terre, René Lovy & Thomas Vinau

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 18 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Arts, La Boucherie Littéraire

p(H)ommes de terre, coll. Les petits farcis, janvier 2015, 72 pages couleurs, 16,50 € . Ecrivain(s): René Lovy & Thomas Vinau Edition: La Boucherie Littéraire

 

 

On sait Thomas Vinau attentif aux pierres, aux fleurs de cerisiers, aux nuages, aux arbres, aux papillons de nuit, aux fruits, aux bruits de la terre, aux éclairs du Luberon, aux songes et à la beauté amusée des association d’idées et de mots, à la souplesse des petites fictions vives et réjouissantes. On le découvre amateur de Solanum tuberosum, de pommes de terre que sculpte René Lovy. Ce gracieux petit livre est la trace d’une rencontre potagère et inspirée entre deux artistes. L’un jongle – l’art de la plaisanterie – avec ses mots, l’autre avec ses tubercules. Les deux façonnent et saisissent des gueules et des tronches qui se tordent – de rire et de doute –, boudent, sourient et tremblent. Bestiaire de la laideur et de la stupeur où les bouches se tordent et les yeux se plissent, monstres surgis de l’humus inspiré du sculpteur.

La chaise numéro 14, Fabienne Juhel

Ecrit par Martine L. Petauton , le Samedi, 18 Avril 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La Brune (Le Rouergue)

La chaise numéro 14, février 2015, 280 pages, 21 € . Ecrivain(s): Fabienne Juhel Edition: La Brune (Le Rouergue)

 

« La mission : il s’agissait de se rendre en ville pour tondre une putain, la femme avait couché avec l’ennemi. Pas plus compliqué que ça… Ils avaient dit oui. Ils étaient partants ».

Le sujet : cerné comme dans une tragédie de l’âge classique, mené avec ces unités de temps, de lieu, qu’on trouve chez Corneille. Les femmes tondues, en France, à La Libération ; les excès de l’Épuration, comme on dit en Histoire, quand – et ce n’est que normal – on repousse en paragraphe de fin ces moments-là dans l’ombre de la Résistance ou de la Collaboration. Parce que l’essentiel en termes de quantité et d’importance est ailleurs. Jusqu’à un livre comme celui-ci, où l’éclairage change d’objet, et, où passe, à travers l’incarnation, le chagrin et pas mal d’humanité ; de quoi retenir son souffle.

Fabienne Juhel, souvent, écrit des récits à couleur fantastique, parfois épiques à souhait. Là, elle livre une sonatine – quelques instruments, où dominent les pleurs du violoncelle, quelques couleurs comme dans un Goya – dominante le blanc sur fond sombre. Sobre et rigoureux est ce conte moderne, aux airs de tragédie inéluctable.