p(H)ommes de terre, René Lovy & Thomas Vinau
p(H)ommes de terre, coll. Les petits farcis, janvier 2015, 72 pages couleurs, 16,50 €
Ecrivain(s): René Lovy & Thomas Vinau Edition: La Boucherie Littéraire
On sait Thomas Vinau attentif aux pierres, aux fleurs de cerisiers, aux nuages, aux arbres, aux papillons de nuit, aux fruits, aux bruits de la terre, aux éclairs du Luberon, aux songes et à la beauté amusée des association d’idées et de mots, à la souplesse des petites fictions vives et réjouissantes. On le découvre amateur de Solanum tuberosum, de pommes de terre que sculpte René Lovy. Ce gracieux petit livre est la trace d’une rencontre potagère et inspirée entre deux artistes. L’un jongle – l’art de la plaisanterie – avec ses mots, l’autre avec ses tubercules. Les deux façonnent et saisissent des gueules et des tronches qui se tordent – de rire et de doute –, boudent, sourient et tremblent. Bestiaire de la laideur et de la stupeur où les bouches se tordent et les yeux se plissent, monstres surgis de l’humus inspiré du sculpteur.
Thomas Vinau est un écrivain du réel imaginaire, de l’imaginaire réaliste, de la plongée en apnée littéraire. Il collectionne les mots rares comme des pierres précieuses, il saute sur un pied de phrases en phrases, et ses livres sont des sentiers où il est réjouissant de s’égarer. René Lovy a toujours une pomme de terre à la main, tubercule qu’il fait tourner entre ses doigts, jouant du pouce avec leur naturelle déformation, les accentuant, il les dote de deux yeux, d’un nez et d’une bouche, une gueule de l’emploi en quelque sorte. La rencontre entre les deux fait des étincelles. Jeux de mots, mots enjoués pour ces gueules déformées, mots rageurs et ravageurs qui s’attaquent à la peau d’une Gourmandine, mots rêveurs qui germent comme une Charlotte oubliée dans un grenier.
Thomas Vinau sculpte sa langue, joue avec les aphorismes – le véritable aboutissement de la sagesse c’est la pourriture – prend aux mots les pommes de terre de son compère – germer gémir durcir / c’est ma façon de mourir qui me dessine – décrit en quelques mots les cris et les humeurs sculptés des pommes de terre René Lovy – je suis la première tronche / la première tranche de vie.
Philippe Chauché
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