Identification

Critiques

Mes clandestines, Sylvie Gracia

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 18 Mai 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Editions Jacqueline Chambon

Mes clandestines, Jacqueline Chambon, hors collection (Actes Sud), mars 2015, 271 pages, 22 € . Ecrivain(s): Sylvie Gracia Edition: Editions Jacqueline Chambon

 

Elle aime les livres d’Annie Ernaux, Sylvie Gracia, et si elle ne l’avait pas dit, on l’aurait d’emblée deviné. Mais elle n’écrit pour autant pas Ernaux, mais bien Gracia. Elle a la matière, et pas moins la manière…

Livre dense aux mots pesés, comme à la balance du changeur ; livre à la façon de ces manuscrits d’heures médiévaux, qui aidaient à vivre, et, bien autant à mourir un jour. Livre re-fléchi de l’observatrice des autres qu’elle est, qu’elle a toujours été, qui jette ses pincées de souvenirs, de pensées même, là où il faut, pour que nous, ses lecteurs, on ramasse ce paquet de cailloux – toutes formes, toutes couleurs, afin qu’il nous serve à bâtir notre chemin, à nous. Livre chuchoté de femme à femme, mais d’une voix si claire et marquante !

Écrire pour avancer en soi, et tendre aux autres le miroir de la page ; la bonne blague ! Qui ne le sait, ne le pressent. Sauf, qu’il y a mots et mots, respiration des phrases, là et là, bref, sujets, bref, écriture ! Tout ça n’étant clairement pas  toujours signé du mot littérature. Ici, l’évidence éclate à chaque page ; Gracia offre un objet littéraire droit sorti de la source qui fait les plus grands :

Chut, Charly Delwart

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 18 Mai 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Seuil

Chut, Seuil, coll. Fiction et Cie, janvier 2015, 176 pages, 17 € . Ecrivain(s): Charly Delwart Edition: Seuil

 

« L’univers est un test d’intelligence », Timothy Leary

 

Ce livre semble parfois un peu difficile à lire, le style de l’auteur est particulier, comme heurté, des tournures, des cassures, qui déstabilisent, mais en nous glissant dans la peau d’une jeune athénienne de 14 ans, Charly Delwart nous fait revivre les évènements qui ont fait culbuter la Grèce. La Grèce exsangue de la Troïka, otage du FMI, de la BCE et de comptes falsifiés avec la complicité de la Goldman Sachs… Une Grèce qui ne peut oublier Alexandros Grigoropoulos « abattu par un policier lors d’une manifestation liée à la situation économique du pays », en 2008, il avait 15 ans. Une Grèce, grand laboratoire à ciel ouvert aux quatre veines, de politiques toujours plus d’austérité, une Grèce où les vieillards se suicident pour ne pas peser sur leurs enfants, le premier fut Dimitris Christoulas, pharmacien à la retraite de 77 ans, qui se met une balle dans la tête sur la place Syntagma. Une Grèce où des mères ne reviennent pas chercher leurs enfants à la crèche, sachant qu’au moins là-bas ils seront nourris, la Grèce qui bascule dans un gouffre sous la loupe de l’Europe…

Ground Zéro, Jean-Paul Chaumeil

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 16 Mai 2015. , dans Critiques, Les Livres, Polars, La Une Livres, Roman, Le Rouergue

Ground Zéro, janvier 2015, 216 pages, 19 € . Ecrivain(s): Jean-Paul Chaumeil Edition: Le Rouergue

 

« J’aime l’acier poli du canon ou le bois spécial pour la crosse ainsi que l’élégance et la finesse des mécanismes qui propulsent la mort. Celui-ci était un Glock 17, fabrication autrichienne, de couleur chat noir ».

Ground Zéro, ou la passion des armes, de l’art précis du tir embusqué, où tout est toujours question de juste place, de position du tireur couché (1). Roman de l’aventure d’un tireur d’élite qui vend ses services de haute valeur ajoutée à quelques commanditaires qui eux seuls savent à quoi et à qui tous ces assassinats peuvent servir, Ground Zéro est un roman guerrier. Glacial, terrifiant, troublant, mêlant l’art subtil de l’intrigue à celui tout aussi saisissant de la manipulation et de l’assassinat politique.

« Je n’ai jamais de contact organisé avec les politiques, et il va de soi aussi que je suis inconnu des DRH des groupes qui font appel à moi, car ce genre d’initiative échappe à leur compétence officielle. Certaines activités de mes contacts dans les conglomérats financiers ou autres sont inconnues même de leurs escort girls, si vos voyez ce que je veux dire ».

Mon prochain est un arbre, Francine Charron

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Samedi, 16 Mai 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Mon prochain est un arbre, Ed. L’Arachnoïde, avril 2014, 64 pages, 13 € . Ecrivain(s): Francine Charron

 

Francine Charron écrit la fragilité des êtres, et des rencontres entre ces êtres.

« peur dans la peur, noir dans le noir,

tu coupes et tu retranches les bras vifs de la nuit ».

 

Pour ne pas perdre l’autre, on est prêt à tout, à « nourrir la fosse… veiller l’argile sur tes lèvres qui enfoncent… je veux bien creuser ma plaie, qu’elle te couvre… »

Entre feu des passions et soleils d’ombres, nerfs tendus entre angoisse et désir, le désespoir se creuse et fait son trou à l’intérieur, là où il avait déjà une place « mère… j’ai appris ta leçon dure ».

Lire écrire vivre, Christa Wolf

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 15 Mai 2015. , dans Critiques, Les Livres, Livres décortiqués, Essais, La Une Livres, Langue allemande, Christian Bourgois

Lire écrire vivre, traduit de l’allemand par Alain Lance et Renate Lance-Otterbein, janvier 2015, 200 pages, 17 € . Ecrivain(s): Christa Wolf Edition: Christian Bourgois

 

Avec Lire écrire vivre, les éditions Christian Bourgois offrent de l’œuvre de Christa Wolf des textes jusqu’alors inédits en traduction française. Le titre indique à lui seul le rôle essentiel, existentiel accordé à l’activité scripturale, littéraire. Du Lire et de l’Écrire découle une densité du Vivre engagé corps et âme dans une transformation, une reformulation du réel, sans cesse reconduites et inédites dans leur expression et représentativité. Mais ce qui s’avère en fait possible, écrit Ingebord Bachmann à laquelle Christa Wolf consacre le premier essai ici traduit, intitulé « La Vérité qu’il nous faut affronter », c’est la transformation. Et l’effet transformateur qui émane des œuvres nouvelles nous éduque à une perception nouvelle, à un sentiment nouveau, à une conscience nouvelle (Leçons de poétique de Francfort).

Ancrée dans une situation historique donnée, l’écriture engage ici totalement, par une « authenticité subjective », la dynamique existentielle de son auteur. Écrire revient à répondre pleinement de ses actes (l’auteur authentique répond de ses actes dans l’activité scripturale, par le truchement et le viatique de celle-ci). Écrire revient à faire émerger, en la faisant sourdre du réel même où elle se tient toujours dans son possible surgissement et son actualité brûlante – son immanente résurgence – une signification inscrite/écrite « derrière des événements apparemment sans lien et insignifiants » (p.14).