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Critiques

N’appartenir, Karim Miské

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mardi, 16 Juin 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Récits, Viviane Hamy

N’appartenir, mai 2015, 83 pages, 12,50 € . Ecrivain(s): Karim Miské Edition: Viviane Hamy

N’appartenir est un livre très autobiographique, mais en même temps il touche à des questions qui nous concernent tous plus ou moins dans un monde mondialisé et inégalitaire, où chacun doit se débrouiller pour trouver sa place et résoudre une partie des paradoxes qui l’entourent. La philosophie et la sociologie critiques attirent notre attention depuis un moment sur ce phénomène : dans nos sociétés inégalitaires et mondialisées, la question de la reconnaissance, et donc de l’identité et de l’appartenance, sont devenues des questions centrales pour la plupart de nos sociétés. Le métissage, quant à lui n’est pas une question bien neuve, et le fait qu’elle s’impose de plus en plus comme la norme, l’ordinaire de chacun d’entre nous, ne la rend ni plus simple ni plus facile à vivre, même dans ce même « monde mondialisé ». Surtout dans ce monde où la réalité et la peur de l’ouverture génèrent aussi les plus redoutables fermetures.

Il faut dire que les paradoxes du métissage, Karim Miské les a connus avec une certaine radicalité. Un père mauritanien, souvent absent, diplomate tiers-mondiste et anticolonialiste, puis sympathisant déclaré du Front Polisario, et une mère française issue de la France que l’on dit profonde, catholique, mais militante communiste jusqu’au bout des ongles qui fera découvrir les « merveilles » du communisme albanais à son fils.

Nos souvenirs flottent dans une mare poisseuse, Michaël Uras

Ecrit par Arnaud Genon , le Mardi, 16 Juin 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Nos souvenirs flottent dans une mare poisseuse, Christophe Lucquin Éditeur, mai 2014, 224 p. 16 € . Ecrivain(s): Michaël Uras

A l’ombre des souvenirs retrouvés

A lire les informations que l’on trouve ça et là sur Internet concernant la vie de l’auteur, on se dit que le petit Jacques, narrateur de Nos souvenirs flottent dans une eau poisseuse, n’est pas étranger à Michaël Uras. Mêmes origines italiennes du côté du père, maçon de profession, mêmes voyages l’été en direction de la Sardaigne, mêmes enfances et adolescences dans « une petite ville perdue »… Il parle d’ailleurs de ce roman, son deuxième (1), comme d’une « autofiction » (2), même s’il relève davantage, par le mélange assumé du réel et du fictif et par l’absence de pacte, du roman autobiographique.

Mais l’essentiel est ailleurs. A travers un ensemble de situations anecdotiques – premières amours, départs en vacances, jeux avec les enfants du quartier… – le narrateur nous plonge dans son âge tendre qui est celui d’un jeune garçon d’origine modeste, entouré de ses deux frères, de sa mère et de son père immigré italien, vivant dans une petite ville française où se côtoient, au sein du même lotissement, classes moyennes et populaires. Les aventures heureuses et malheureuses de Jacques se succèdent à travers une vingtaine de chapitres qui constituent un ensemble, mais peuvent se lire de manière autonome.

Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, Ben Fountain

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 16 Juin 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, 10/18

Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn, septembre 2014, trad. de l’anglais (E-U) par Michel Lederer, 408 pages, 8,40 € . Ecrivain(s): Ben Fountain Edition: 10/18

 

 

Lorsqu’on s’intéresse au récit de guerre, force est de constater que les guerres du Golfe semblent avoir peu inspiré les auteurs – ou alors, peu sont traduits, ce qui est aussi une possibilité. Peut-être, par rapport aux guerres précédentes, est-ce l’omniprésence des images journalistiques (qui en plus ne montrent rien ou presque) qui rend difficile la narration ? Car même au point de vue cinématographique, le résultat est plutôt maigre. Dans ce contexte créatif, on constate en plus que l’écriture « intello » est parfois au rendez-vous (voir le pénible Yellow Birds, par Kevin Powers), et on est donc d’autant plus heureusement surpris de tomber sur une véritable perle littéraire : Fin de Mi-Temps pour le Soldat Billy Lynn, par Ben Fountain (1958). Ce roman, publié en 2012 dans sa langue d’origine, n’est pas un récit de guerre dont l’auteur serait un ancien soldat, et ce fait seul peut expliquer la saine mise à distance dont Fountain fait preuve.

Indalo, Christian Saint-Paul

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 16 Juin 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Encres vives

Indalo, avril 2015, Format A4, 16 pages, 6,10 € . Ecrivain(s): Christian Saint-Paul Edition: Encres vives

 

C’est à une très belle flânerie andalouse que nous convie Christian Saint-Paul dans ce 441ème Encres Vives, placé sous le signe de l’indalo, la figure préhistorique qui est devenue le symbole de la ville et de la province d’Almeria, et qu’on pouvait déjà voir peint sur les maisons en guise de protection contre les orages et le mauvais œil. Christian Saint-Paul a le don de nous faire vivre les paysages, les lieux et leur histoire au travers de son regard de poète doublé d’un talent de conteur, et il ne fait pas que raconter ce qu’il a vu, il nous le fait voir, littéralement, c’est-à-dire ressentir aussi.

« La nuit encore/le soleil étouffant/mutile la fermentation du sommeil/Nous vivons désormais/lovés dans ce désert/où la terre n’est que/poussière montant au ciel/ »

Christian Saint-Paul a le regard d’un poète convaincu, tel Machado, de l’absolu nécessité d’être homme, en toute humilité, un homme à qui rien n’échappe, ni la beauté des lieux ni « des îlots d’immeubles/parsemés le long d’avenues/vides – sans utilité–/témoignent de la chute folle de la finance ».

La France contre les robots, Georges Bernanos

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 11 Juin 2015. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Le Castor Astral

La France contre les robots, avril 2015, 247 pages, 18 € . Ecrivain(s): Georges Bernanos Edition: Le Castor Astral

 

Une phrase, croisée au détour d’un recueil de citations, suffit parfois à donner envie de lire l’œuvre dont elle est extraite : On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. De cette phrase percutante, d’une actualité troublante, on apprend qu’elle est signée Georges Bernanos (1888-1948) et qu’elle est extraite d’un essai intitulé La France contre les Robots (1947). A ceci près que ce texte écrit en 1945 n’était plus disponible couramment ; grâces soient donc rendues au Castor Astral pour cette réédition bienvenue, des particularités de laquelle il sera question plus loin, dû aux textes inédits qu’elle contient.

Dès les premières pages, Bernanos, qui écrit alors que la victoire alliée se dessine de plus en plus nettement, met en garde : la Révolution doit se faire, peu importe les conséquences, car « si nous pensions que ce système est capable de se réformer, qu’il peut rompre de lui-même le cours de sa fatale évolution vers la Dictature – la Dictature de l’argent, de la race, de la classe ou de la Nation – nous nous refuserions certainement à courir le risque d’une explosion capable de détruire des choses précieuses qui ne se reconstruiront qu’avec beaucoup de temps, de persévérance, de désintéressement et d’amour ».