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N’appartenir, Karim Miské

Ecrit par Marc Ossorguine 16.06.15 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Récits, Viviane Hamy

N’appartenir, mai 2015, 83 pages, 12,50 €

Ecrivain(s): Karim Miské Edition: Viviane Hamy

N’appartenir, Karim Miské

N’appartenir est un livre très autobiographique, mais en même temps il touche à des questions qui nous concernent tous plus ou moins dans un monde mondialisé et inégalitaire, où chacun doit se débrouiller pour trouver sa place et résoudre une partie des paradoxes qui l’entourent. La philosophie et la sociologie critiques attirent notre attention depuis un moment sur ce phénomène : dans nos sociétés inégalitaires et mondialisées, la question de la reconnaissance, et donc de l’identité et de l’appartenance, sont devenues des questions centrales pour la plupart de nos sociétés. Le métissage, quant à lui n’est pas une question bien neuve, et le fait qu’elle s’impose de plus en plus comme la norme, l’ordinaire de chacun d’entre nous, ne la rend ni plus simple ni plus facile à vivre, même dans ce même « monde mondialisé ». Surtout dans ce monde où la réalité et la peur de l’ouverture génèrent aussi les plus redoutables fermetures.

Il faut dire que les paradoxes du métissage, Karim Miské les a connus avec une certaine radicalité. Un père mauritanien, souvent absent, diplomate tiers-mondiste et anticolonialiste, puis sympathisant déclaré du Front Polisario, et une mère française issue de la France que l’on dit profonde, catholique, mais militante communiste jusqu’au bout des ongles qui fera découvrir les « merveilles » du communisme albanais à son fils.

Karim Miské revisite son passé et tous les paradoxes, les contradictions qui l’ont mis en permanence sur le fil, le conduisant à finalement renoncer, et même à se méfier de toute appartenance : raciale, culturelle, religieuse, politique… Il le fait avec une certaine colère transformée par l’humour et le sens de la dérision, par une adresse directe au lecteur, à la fois très écrite et très orale.

A la lecture, on rit, on sourit, on apprend aussi, avec un sentiment de complicité qui peut donner une franche envie de poursuivre la discussion avec l’auteur. On rit lorsqu’il nous raconte sa découverte du pays de ses ancêtres paternels (récit qu’il avait déjà fait dans un numéro de la revue Autrement consacré au retour) où l’adolescent athée doit faire preuve de son observance des rites musulmans, où le jeune révolutionnaire se découvre esclavagiste malgré lui. Nous sourions des gaffes de l’enfant qui pose les questions qu’il ne faut pas, en découvrant, en privilégié accueilli, la nomenklatura locale, la réalité du paradis albanais d’Enver Hoxha. En même temps, cet humour bienveillant est une forme d’élégance pour parler de questions graves, qui pourraient autant nous désespérer que nous mettre en colère, nous révolter.

On descend tous de longues lignées de traumatisés qui s’en remettent plus ou moins. Tous.

Heureusement, il y a la littérature. Et la musique. De George Orwell à Patti Smith. D’Hannah Arendt aux Sex Pistols et à Johnny Rotten.

Oui je sais, ça en fait des citations, mais c’est ça qui me permet de vivre au jour le jour, depuis toujours. Les mots, les pensées des autres qui ont regardé le monde avant moi, et continuent.

Une belle raison, pour nous lecteurs, de lire Karim Miské, cet écrivain documentariste qui continue de regarder le monde.

Récompensé en 2012 pour Arab Jazz, Karim Miské (Grand Prix de la Littérature Policière) a commencé sa carrière comme documentariste et sa filmographie est à ce jour plus longue que sa bibliographie, avec notamment la série documentaire Juifs et musulmans, diffusée sur Arte en 2013, récompensée elle aussi d’un prix. Nous étions de ceux qui avaient apprécié Arab Jazz et qui attendaient avec curiosité la suite, elle nous surprend mais ne nous déçoit certainement pas. Un auteur décidément à suivre !

 

Marc Ossorguine

 


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A propos de l'écrivain

Karim Miské

 

Né en 1964 à Abidjan d’un père mauritanien et d’une mère française, Karim Miské grandit à Paris avant de partir étudier le journalisme à Dakar.
De retour en France, il réalise à partir de 1990 des films documentaires sur des sujets aussi variés que la surdité (il apprend pour cela le langage des signes), le néo-fondamentalisme juif, chrétien et musulman, et les interruptions médicales de grossesse. Ses films ont été diffusés sur Arte, France 2, Canal +, Channel four et de nombreuses chaines de télévisions à travers le monde.

En 1997, Karim Miské publie un récit (dans l’ouvrage collectif « Le livre du retour » éditions Autrement) qui relate sa découverte du monde arabe, de l’Afrique et de l’islam lors de son premier voyage en Mauritanie à l’âge de quinze ans et les rapports complexes qu’il entretient depuis lors avec les différentes composantes de son identité.

À partir de 2010, il écrit plusieurs tribunes sur la racialisation de la société française pour Rue89, Le Monde et Respect Magazine. Il a tenu un blog, « chronique des années dix », sur le site des Inrockuptibles.
Arab Jazz a été son premier roman.

 


A propos du rédacteur

Marc Ossorguine

 

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Rédacteur

Domaines de prédilection : littérature espagnole (et hispanophone, notamment Argentine) et catalane, littératures d'Europe centrale (surtout tchèque et hongroise), Suisse, littératures caraïbéennes, littératures scandinaves et parfois extrême orient (Japon, Corée, Chine) - en général les littératures non-francophone (avec exception pour la Suisse)

Genres et/ou formes : roman, poésie, théâtre, nouvelles, noir et polar... et les inclassables!

Maisons d'édition plus particulièrement suivies : La Contre Allée, Quidam, Métailié, Agone, L'Age d'homme, Zulma, Viviane Hamy - dans l'ensemble, très curieux du travail des "petits" éditeurs

 

Né la même année que la Ve République, et impliqué depuis plus de vingt ans dans le travail social et la formation, j'écris assez régulièrement pour des revues professionnelles mais je n'ai jamais renié mes passions premières, la musique (classique et jazz surtout) et les livres et la langue, les langues. Les livres envahissent ma maison chaque jour un peu plus et le monde entier y est bienvenu, que ce soit sous la forme de romans, de poésies, de théâtre, d'essais, de BD… traduits ou en V.O., en français, en anglais, en espagnol ou en catalan… Mon plaisir depuis quelques temps, est de les partager au travers de blogs et de groupes de lecture.

Blog : filsdelectures.fr