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Actes Sud

Échec et mat au paradis, Récit, Sébastien Lapaque (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 13 Décembre 2024. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

Échec et mat au paradis, Récit, Sébastien Lapaque, Actes Sud, septembre 2024, 336 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Sébastien Lapaque Edition: Actes Sud

 

« Au cours de son adolescence passée à Vienne, c’est dans les cafés qu’il a eu la révélation du jeu d’échecs. Il incarnait pour lui un style de vie, fait plutôt de rêveries que de défis mathématiques. Il aimait ses rites, ses codes, sa dramaturgie ».

« Lors de sa rencontre avec Stefan Zweig, quinze mois plus tard, Georges Bernanos lui a peut-être rappelé la leçon de saint Thomas d’Aquin reçue de la bouche d’un père dominicain ou d’un moine bénédictin du temps de sa jeunesse : l’espoir est une passion tournée vers ce qui est difficile ».

Nous sommes au début de l’année 1942 au Brésil dans la ferme de la Croix-des-Âmes à Barbacena, où Georges Bernanos reçoit Stefan Zweig, une longue rencontre, un dialogue sans fin, dont on ne saura rien, mais que Sébastien Lapaque va imaginer ; ce sera le cœur vibrant d’Échec et mat au paradis. Dans ce dialogue lumineusement inventé, on sent poindre la profonde inquiétude de Stefan Zweig, son désarroi d’avoir perdu sa patrie, sa terre, ses amis, et de sentir l’ombre nazi le frôler, même ici au Brésil.

Démolition, Anna Enquist (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 17 Juin 2024. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman

Démolition, Anna Enquist, Actes Sud, janvier 2024, trad. néerlandais (Pays-Bas), Emmanuelle Tardif, 320 pages, 22,80 € . Ecrivain(s): Anna Enquist Edition: Actes Sud

 

Comme des variations musicales

La musique et la littérature entretiennent des liens souvent étroits, des formes de correspondances ou d’étonnants cheminements parallèles. Du côté littéraire, un auteur peut poursuivre une musique des mots ou construire son récit comme une symphonie ; et du côté musical, une partition peut être narrative ou chargée d’éléments littéraires. Les exemples ne manquent pas de ces échos que ces deux arts font résonner. Pour en rester aux grands classiques, Stendhal, Gide, Alejo Carpentier dans le somptueux Concert Baroque, et Wagner, Berlioz, Satie, ont regardé, chacun à leur façon, de l’autre côté de la barrière qui enclot leur domaine de création. On pense immanquablement à toute cette tradition en lisant Démolition d’Anna Enquist, dont la musique parcourt nombre de ses romans. L’éditeur nous présente la romancière comme l’une des plus grandes auteures d’aujourd’hui aux Pays-Bas, mais, avouons-le, la déception est aussi au rendez-vous dans ce récit. Mais, après tout, n’est-ce pas au lecteur d’imaginer ce qu’aurait pu être un roman ?

Le Cheval en Feu, Anuradha Roy (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 01 Avril 2024. , dans Actes Sud, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Asie, Roman

Le Cheval en Feu, Anuradha Roy, Actes Sud, novembre 2023, trad. anglais (Inde), Myriam Bellehigue, 271 pages, 22,50 € Edition: Actes Sud

« Il était une fois, il y a fort longtemps, un potier, qui était tombé amoureux d’une femme. Ils vivaient dans le même quartier, il la croisait tous les jours, mais il ne pouvait aller la trouver pour lui dire ce qu’il ressentait. Cet homme et cette femme appartenaient à deux tribus qui se détestaient. Il savait bien que jamais ils ne pourraient vivre ensemble. Une nuit, un cheval de terre cuite le visita en songe : ses naseaux crachaient du feu, il avait des yeux de braise et il s’adressa à lui si clairement que le potier comprit chacun de ses mots. S’il apprenait à chevaucher ce cheval de feu sur la terre et sous l’eau, la femme serait à lui. Il se réveilla avec la certitude que ce cheval devait voir le jour et que c’était à lui de le créer ».

Nous sommes en Inde, le potier se nomme Elango. Il a dans les mains un savoir-faire hérité de ses ancêtres, il ne cède en rien aux modes du moment, ce qui pourrait pourtant le sortir de la misère. C’est son histoire que raconte Sara, étudiante à Londres, qui, pour tromper l’ennui et la solitude, pratique l’art traditionnel de la poterie que lui a enseigné Elango, alors qu’elle était petite fille dans un village en Inde.

La Dernière Partie, Wiesław Myśliwski (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 19 Janvier 2024. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman

La Dernière Partie, Wiesław Myśliwski, Actes Sud, 2016, trad. polonais, Margot Carlier, 448 pages, 23,80 € Edition: Actes Sud

 

Cet imposant roman de Myśliwski constitue une invite à un foisonnant vagabondage mémoriel. Ecrit à la première personne par un narrateur qui se livre, et ce faisant, potentiellement, se délivre, il conduit le lecteur à décomposer et recomposer le cheminement d’une vie, dans sa plus stricte intimité, par le recoupement d’une série d’épisodes se succédant, se chevauchant parfois, d’une manière absolument décousue, ce qui apparaît comme pouvant métaphoriquement évoquer la période durant laquelle le personnage, alors jeune apprenti tailleur, a pour tâche unique, répétitive, de découdre des vêtements apportés par les clients dans la perspective qu’en soient réutilisées les pièces pour la création d’un nouvel habit.

« Même les gens m’apparaissaient comme à travers leurs coutures, et plus j’observais quelqu’un, plus je ne retenais de lui que ses coutures. En apparence, la personne semblait entière, mais à regarder de plus près, elle se révélait rapiécée avec des morceaux, des bouts, des fragments divers… ».

La Ville introuvable, Yu Hua (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 20 Décembre 2023. , dans Actes Sud, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman

La Ville introuvable, Yu Hua, Actes Sud, septembre 2023, trad. chinois, Angel Pino, Isabelle Rabut, 480 pages, 24,50 € Edition: Actes Sud

 

Au nord du Yangzi Jiang, vivait à la fin du XIXe siècle Lin Xiangfu, le seul survivant d’une famille de riches propriétaires fonciers. Malgré sa fortune, son statut de lettré et sa grande connaissance de la menuiserie, il ne trouvait pas femme ayant sa condition. Les entremetteuses avaient beau faire, il restait célibataire. Un jour alors qu’il avait déjà vingt-quatre ans, un jeune homme habillé d’une robe bleue et une jeune femme vêtue d’un qipao à petites fleurs se présentèrent à sa porte. L’homme, qui portait un baluchon, parlait à la femme dans une langue rapide qu’il ne comprenait pas. Lorsqu’il ouvrit l’entrée de sa demeure, le voyageur s’adressa alors à lui dans un langage plus compréhensible. Il expliqua que leur voiture à cheval avait une roue cassée et qu’ils ne savaient pas où passer la nuit, l’auberge la plus proche étant à plus de dix li. Le propriétaire leur proposa de les loger. Alors qu’ils dînaient, Lin Xiangfu, qui les croyait mari et femme, apprit qu’il s’agissait d’un frère et d’une sœur prénommés respectivement Aqiang et Xiaomi, qu’ils venaient de Wencheng, et qu’ils allaient à la capitale pour rencontrer un oncle. Le lendemain, Xiaomi se réveilla souffrante mais Aqiang devait partir. Il fut décidé que la jeune femme resterait chez leur hôte et que son frère reprendrait la route.