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Aucun homme ni dieu, William Giraldi

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 23 Avril 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Autrement

Aucun homme ni dieu (Hold the dark). Traduit de l’américain par Mathilde Bach. Mars 2015. 310 p. 19 € . Ecrivain(s): William Giraldi Edition: Autrement

 

« Notre vie est un voyage

dans l’hiver et dans la nuit

nous cherchons notre passage

dans ce ciel où rien ne luit »

 

C’est à un voyage glacial et sombre que William Giraldi nous convie. L’espace – aux confins de l’Alaska – le cœur de ses étranges habitants, les affreux événements, le poil des loups, tout est noir comme la nuit la plus profonde. Pas une lueur. On pense souvent à ces paroles d’une chanson des grognards de Napoléon qui ouvrent le « Voyage au bout de la nuit » de Céline, cités ici en épigraphe.

Les Fiancés, Déborah Lévy-Bertherat

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 09 Avril 2015. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Roman

Les Fiancés, Mars 2015, 220 p. 18 € . Ecrivain(s): Déborah Lévy-Bertherat Edition: Rivages

 

Délicieux univers que celui de ce roman. La douleur pourtant y est omniprésente mais, Déborah Lévy-Bertherat déroule les pelotes du temps qui passe avec une douceur, une délicatesse, une finesse infinies. La tragédie humaine – celle, universelle, de l’inéluctable vieillesse et sa fin – prend du coup des couleurs moins sombres, est irisée d’arcs-en-ciel. Il faut dire que l’écriture ici, poétique et soignée, n’a pas pour objet la noirceur. Et elle atteint parfaitement ses fins : parler du destin sans verser, jamais, dans le pathos du romantisme désespéré.

Pourtant, le sujet aurait pu y tomber. Deux vieillards, un homme et une femme, Madeleine et René, se croisent dans une maison de retraite au crépuscule de leurs vies.  Et ils vont connaître une dernière – très belle – histoire d’amour. A partir de cette matrice, Déborah Lévy-Bertherat va décliner un beau roman sur le temps. Le temps perdu, à jamais. Le temps récurrent, celui de la mémoire, le temps retrouvé enfin, celui de l’affect (re)vécu.

Mémoires d'un bon à rien, Gary Shteyngart

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 02 Avril 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, L'Olivier (Seuil), Roman, USA

Mémoires d’un bon à rien (Little Failure). Traduit de l’américain par Stéphane Roques Mars 2015. 396 p. 23,50 € . Ecrivain(s): Gary Shteyngart Edition: L'Olivier (Seuil)

Commençons par l’essentiel : Gary Shteyngart est un grand écrivain. On le savait déjà depuis son premier roman jusqu’à « Une super triste histoire d’amour » mais là, avec ces « mémoires » (qui sont de vraies mémoires), notre new yorkais signe une œuvre majeure, de l’étoffe de celles qui vont compter dans la littérature américaine.

Le temps donc. L’auteur va nous emmener dans son enfance, son adolescence, sa maturation d’homme et d’écrivain. Et la matière ne manque pas pour faire souffler des accents d’épopée. Nous allons le suivre non seulement dans ses étapes de vie mais surtout dans de véritables métamorphoses : culturelles, identitaires, psychiques, linguistiques, et même physiques.

La Russie d’abord (alors URSS, au temps de la naissance de l’auteur), terre matricielle, terre des ancêtres, terre aimée et crainte, attachante et meurtrière. La famille Shteyngart a subi, comme toutes les familles juives de Russie, les souffrances du peuple juif soumis à l’antisémitisme, à la pauvreté. Elle a subi en plus, les souffrances du peuple russe, ses guerres et ses révolutions. Le trio central de la famille Shteyngart, le père, la mère et le petit Igor (oui Igor, Gary ne viendra que plus tard, on vous l’a dit « métamorphoses ») est le produit parfait de cette histoire : vivant en diable, pansant tant bien que mal ses douleurs, et surtout étonnant d’énergie. Seul le petit Igor est souffreteux, asthmatique, craintif, timide.

Le Juif errant est arrivé, Albert Londres (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 26 Mars 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Histoire, Arléa, Récits

Le Juif errant est arrivé. 224 p. 9€ . Ecrivain(s): Albert Londres Edition: Arléa

 

L’entreprise d’Albert Londres n’a pas d’équivalent connu. En 1929, en pleine « prospérité » de l’antisémitisme partout en Europe, il entreprend – en tant que journaliste – une vaste enquête-reportage sur les communautés juives d’Europe centrale et de Palestine. Ces choix sont parfaitement ciblés : Londres veut mesurer le chemin qui mène des ghettos misérables de Pologne par exemple à la genèse de la réalisation de l’idéal sioniste. « Ses » Juifs sont juifs. Pas « Israélites », terme qui désignait alors – pour les détacher du vilain Juif tout noir – les Juifs occidentaux, de France, d’Angleterre ou d’Italie entre autres, intégrés, prospères et propres sur eux.

Dans sa quête, Albert Londres va plonger au fond du gouffre sombre qu’est alors la vie juive des Shtetls (villages juifs) et des Ghettos de Varsovie ou de Prague. Son témoignage est hallucinant. A la représentation antisémite du Juif riche, puissant et influent, Londres va opposer, visite après visite, presque maison après maison, la réalité terrible d’une misère juive proche de la condition animale. Londres a tout pourtant pour dormir sur ses lauriers – son livre, Au Bagne, vient d’être joué sur la scène, tous ses livres sont des best-sellers – mais non, il va « s’embarquer » dans une aventure-reportage longue et difficile. Albert Londres ne connaît rien au sujet. Pour lui, c’est une raison de plus. Pour nous, un étonnement de plus.

Le langage des cactus, O. Henry (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 19 Mars 2015. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Nouvelles, USA

Le langage des cactus, traduit de l’américain par Jean-Paul Gratias, 153 p. 7,65 € . Ecrivain(s): O. Henry Edition: Rivages

 

Attention, ce petit recueil peut vous faire mourir. De rire. Huit petites nouvelles, écrites à l’aube du XXème siècle, d’une modernité saisissante et d’une drôlerie de chaque instant vous attendent dans ce recueil. Encore une fois, Rivages est allé dénicher une pépite en la plume de O. Henry, journaliste et écrivain dont le talent de nouvelliste était tel qu’en 1919, neuf ans après sa mort, le plus prestigieux prix de la nouvelle américain a pris son nom, le « O. Henry Award ».

Les univers de O. Henry sont très souvent ancrés dans New-York, son dynamisme, son expansion foudroyante, sa modernité unique au monde en ce temps. Les personnages de ces nouvelles sont journalistes, malfrats, hommes d’affaires (c’est souvent la même chose ici), écrivains (encore la même chose ?). Tous rêvent de réussite, de gloire, d’argent. L’American Dream en est à ses palpitants débuts post-industriels. Mais chez O. Henry, ce rêve n’est jamais pris au sérieux et ses personnages s’y empêtrent, s’y débattent comme ils peuvent, à leur grand dam et à notre grande joie de lecteurs.  Le dérisoire le dispute au pathétique et tout y passe : la réussite, la richesse, même les étranges nouveaux statuts sociaux :