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Jusqu’à Faulkner, Pierre Bergounioux (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Novembre 2024. , dans La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Essais, Récits, Gallimard

Jusqu’à Faulkner, Pierre Bergounioux, Gallimard l'un et l'autre, 160 p. 15 € . Ecrivain(s): Pierre Bergounioux Edition: Gallimard

 

Un essai sur la littérature ? Peut-être. Sûrement. Mais aussi et surtout le journal personnel d’un homme d’écriture. Son cheminement à travers les œuvres et les auteurs de sa vie. La réflexion de Pierre Bergounioux est éminemment intime, mais elle touche aussi à l’universel, par la rigueur de la pensée, l’objectivation des arguments, les références incontestables. Cet ouvrage est une démonstration, s’il en fallait, que la littérature n’est pas seulement une affaire de goût, mais surtout de qualité objective, d’inspiration, de talent, d’écriture, en un mot, de style. Jacques Lacan disait « tout ce qui n’est pas matérialité est escroquerie » ; Bergounioux le dit à sa manière pour la littérature.

Depuis les débuts de l’écriture les hommes veulent raconter leur existence, en rapportant des faits puisés dans la réalité ou dans leur imagination. Mais en racontant, ils créent, à leur insu, une autre réalité, détachée de la première. La médiation écrite crée un univers en soi dont l’étendue échappe à la chose racontée. Un peu comme un signifiant détaché du signifié. Bergounioux rappelle ainsi avec force que – longtemps dans la littérature occidentale – seule l’écriture a compté vraiment.

Récits de la guerre de Sécession (Tales of the Civil War), Ambrose Bierce (par Leon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 17 Octobre 2024. , dans La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Nouvelles, USA, Pocket

Récits de la guerre de Sécession (Tales of the Civil War), Ambrose Bierce, Pocket bilingue, trad. américain, Dominique Lescanne, 139 pages Edition: Pocket

 

Par toutes sortes de ruissellements, directs ou indirects, la Guerre Civile américaine a été, est encore, la nourriture première d’une part essentielle de la littérature du pays. Très au-delà de sa place comme thématique principale de romans, nouvelles ou poèmes, elle irrigue comme un sous-sol humide une myriade d’ouvrages éminents.

On pense d’abord, bien sûr, à la littérature sudiste, littéralement rivée à la mémoire de la plus horrible guerre de l’Histoire des USA. Faulkner, Stephen Crane, Foote, Mitchell, Fast, Lent, Gibbons, Doctorow, James Lee Burke et bien d’autres, ont fait de cet événement la matrice de leur œuvre. Du côté des vainqueurs, les écrivains nordistes ne sont pas en reste : Louisa May Alcott, Laird Hunt, William Styron, Ron Rash et, le premier de tous, celui qui vécut l’effroyable cauchemar de l’Amérique, dont le carnage de Shiloh, Ambrose Bierce.

Bien-être (Wellness), Nathan Hill (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 10 Octobre 2024. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, USA, Gallimard

Bien-être (Wellness), Nathan Hill, Gallimard, août 2024, trad. américain, Nathalie Bru, 668 pages, 26 €

 

Il fut un temps – récent – où parler de « roman américain » envoyait aussitôt dans les vents et marées de la littérature bouillonnante, aventureuse, spectaculaire, détonante. Si on dit de Bien-être que c’est LE roman américain du moment, on peut alors dire que l’Amérique a bien changé et sa littérature avec : écriture atone, pour une histoire atone, dans un Chicago atone.

Nathan Hill maîtrise parfaitement ce choix de linéarité narrative, de platitude apparente. Le lecteur français ne peut éviter de penser à Michel Houellebecq : on retrouve ici la même sorte d’insignifiance. Chaque événement – jusqu’au plus petit – est décortiqué avec soin, dans une sorte de souci maniaque du détail : les ingrédients d’un plat, les mimiques des enfants quand ils parlent, les particularités d’un vêtement. La vie d’un couple, puis d’une famille dans une linéarité forcenée, obsessionnelle. Un glissement progressif d’une existence vers la quête éperdue d’un « bien-être » qui aura perdu tout sens commun.

Patient X, Le dossier Ryūnosuke Akutagawa, David Peace (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 03 Octobre 2024. , dans La Une Livres, Rivages, En Vitrine, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman

Patient X, Le dossier Ryūnosuke Akutagawa, David Peace, Rivages, octobre 2024, trad. anglais, Jean-Paul Gratias, 366 pages, 24 € . Ecrivain(s): David Peace Edition: Rivages

 

David Peace n’a jamais rien fait comme tout le monde. Ses terrifiants « polars » étaient un véritable laboratoire littéraire dans lequel il dynamitait toutes les règles du genre, les contraignant à des pages sombres et souvent absconses, d’une poésie admirable. Ses célébrations du football étaient des exercices de style dont les échos – Li-ver-pool – Li-ver-pool – ne finiront jamais de résonner à nos oreilles.

Avec Patient X, Peace s’attache à présenter une sorte de biographie d’un écrivain japonais célèbre auquel il voue un véritable culte, Ryūnosuke Akutagawa. Une fois cela dit, il faut se précipiter à préciser que l’ouvrage ne ressemble à aucune biographie jamais éditée. L’intimité de Peace avec son modèle tisse une sorte de patchwork fait de passages romancés de la vie de l’auteur (vérité ? Fiction ? la magie romanesque prend en charge la question), d’articles de journaux d’époque, d’extraits de paroles de l’écrivain. La tresse entière est une résurrection de Ryūnosuke, une biographie partielle, partiale, totalement subjective.

Variations sur le Baudelaire de Claude Pichois et Jean Ziegler (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 19 Septembre 2024. , dans La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine, Les Livres, Critiques, Biographie, Poésie, Fayard

Baudelaire, Claude Pichois & Jean Ziegler, Ed. Fayard, 838 p. 36 € Edition: Fayard

 

Il ressort de ce livre-somme une figure baudelairienne parée de toutes ses ombres et lumières. Ni ange ni démon mais assurément trop humain, le poète ici emprunte à la figure christique le poids des douleurs et des amertumes. Dès vingt ans, Charles entre en souffrance comme on entre dans les ordres, avec la volonté d’y entrer et d’y souffrir pour s’approcher de l’inaccessible beauté. Pour s’emparer de la boue et en faire de l’or.

Baudelaire – nous l’avons souvent écrit ici – n’est pas spontanément un personnage séduisant ; loin des figures de bons ou mauvais anges de la littérature française, les Villon, Louise Labé, Rimbaud, Nerval, Apollinaire. Ses portraits, nombreux (dont beaucoup se retrouvent groupés dans cet ouvrage dans un folio central), semblent figer pour l’éternité un regard fiévreux et inquiet, un visage émacié et glabre, des lèvres minces, comme pincées par une tension permanente.