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Articles taggés avec: Leuckx Philippe

Des lézards, des liqueurs, Joël Bastard (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 25 Janvier 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Gallimard

Des lézards, des liqueurs, juin 2018, 176 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Joël Bastard Edition: Gallimard

Un titre à la Jacques Izoard (tissé d’appositions), une composition en dix-huit sections, une volonté d’inscrire dans le poème sa fabrique (merci Ponge), des injonctions au lecteur, ou à soi écrivant, voilà des textes qui déconcertent.

 

Le désir d’écrire vient de pousser la porte, tant mieux, nous sommes nus

La surprise d’être un homme commença au berceau.

Nous peinons aujourd’hui de ne pas être volants.

Ce qui t’appartient, Garth Greenwell (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 18 Janvier 2019. , dans La Une Livres, Rivages, Les Livres, Critiques, Roman, USA

Ce qui t’appartient, octobre 2018, trad. anglais Clélia Laventure, 256 pages, 21 € . Ecrivain(s): Garth Greenwell Edition: Rivages

 

Ce premier roman de Garth Greenwell (Louisville, Kentucky, 19 mars 1978), paru en 2016 (What Belongs to You, Farrar, Strauss & Giroux), est une extraordinaire plongée dans les émotions d’un professeur américain, exilé à Sofia, travaillant à l’American College : parents désaccordés, liens difficiles avec le père découvrant son homosexualité, passé familial chargé (du côté paternel : grand-mère, génitrice d’enfants de pères différents).

La rencontre amoureuse, sensuelle de Mitko B., jeune Bulgare d’un peu plus de vingt ans, ouvre dans la vie du professeur de nouvelles brèches, heureuses ou épuisantes. L’errance des sentiments relaie alors la propre errance de l’Américain, longeant les « blokove » déshumanisés (achélèmes en béton, longilignes, couverts de graffitis). Et un jour les hôpitaux s’invitent pour brouiller cet amour.

En trois parties, MitkoUn tombeauVérole, le roman déroule la gravité par paliers, menant le lecteur par une empathie sensible. Le narrateur, ce professeur si subtil à se décrire et à décrire les autres, nous conduit à l’inexorable : le délitement des liens, l’absence, la maladie, les retours de flammes vains, la mélancolie sûre, celle qui ne s’oublie jamais et fait écrire.

Un homme qui savait, Emmanuel Bove (Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 10 Janvier 2019. , dans La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon, Les Livres, Critiques, Roman

Un homme qui savait, 216 pages, 7,10 € . Ecrivain(s): Emmanuel Bove Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Romancier précoce (un premier livre à 26 ans), Emmanuel Bove a publié, le temps d’une carrière fulgurante (il mourut dès 1945), une vingtaine de livres.

La réédition de ce roman écrit en 1942 permet à un large public de redécouvrir une plume que l’on compare souvent à d’autres figures incontournables de ces années-là, disparues, puis ressuscitées : Gadenne, Calet, Hardellet, Vialatte, merveilleux stylistes.

Un homme qui savait est le genre de titre particulièrement voltairien, puisque le lecteur se rendra vite compte des abîmes qui enfouissent le destin de ce médecin, Maurice Lesca, qui a rompu avec son passé pour finir son périple d’homme, sans rien savoir de sûr, dans une pauvre piaule, mendiant l’amitié d’une Madame Maze, libraire de son état, comme celle de sa sœur Emily qu’il a fini par héberger, elle qui a laissé un fils à Noyon.

Mes amis, Emmanuel Bove (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 18 Décembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Mes amis, octobre 2018, l'Arbre Vengeur, 200 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Emmanuel Bove

 

Cette réédition (l’œuvre est désormais du domaine public) d’un roman de 1924 (l’auteur n’avait que vingt-six ans), un premier livre, encouragé par Colette, est une extraordinaire surprise. Dès l’incipit (« Quand je m’éveille, ma bouche est ouverte »), l’écriture, simple, dense, économe, éblouit par ses qualités de narration et d’atmosphère. Le personnage-narrateur, Victor Bâton, nous conte sa vie ordinaire, son pauvre garni, sa quête incertaine d’amis, lui, si dépourvu, si fragile. Ce serait superbe si les amis venaient éclairer les pans de sa vie. Hélas, pour notre antihéros, dans ce Paris faubourien, on est à Montrouge et il habite un immeuble de rapport, les locataires et la concierge le voient d’un mauvais œil parce qu’il a une rente militaire (une pension pour avoir fait la guerre de 14) et ne travaille pas. Ce n’est pas faute d’essayer de rameuter la tendresse où qu’elle se trouve, mais beaucoup de rencontres s’achèvent en eau de boudin ou sur les rails de l’ingratitude. Victor voudrait tant être tendre, partager le peu qu’il reçoit. Parfois une Lucie ou une Blanche lui apportent quelque réconfort mais décidément l’errance recommence, la solitude est trop forte.

Gomorra, Dans l’empire de la camorra, Roberto Saviano (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 14 Décembre 2018. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Folio (Gallimard), Roman

Gomorra, Dans l’empire de la camorra, octobre 2018, réédition avec l’ajout d’une préface de l’auteur, 480 pages, 9,40 € . Ecrivain(s): Roberto Saviano Edition: Folio (Gallimard)

 

Gomorra (publié en 2007) d’un Roberto Saviano de vingt-huit ans et en exil de sa Naples natale, est une vertigineuse plongée en terre infernale.

Dès l’entame – une virée dans un port de tous les trafics entre Chinois de la Triade, douanes et astuces anti-douanières –, le ton est donné. On ne va pas rigoler et en matière de mafia, de collusion, d’infection, la dose est tout, sauf homéopathique. On accompagne la mort d’une jeune Chinoise, plongée dans un puits pour avoir refusé quelques avances. On accompagne… et c’est aussi la vraie dimension d’une œuvre où l’empathie – Roberto témoin, observateur, fidèle à sa ville et dégoûté par elle – l’emporte sans cesser d’être atrocement critique, férocement vraie.

On suit Roberto en Vespa au nord de Naples, dans l’enceinte de ces villages bardés d’explosifs, de commerces illicites, de groupes, de cavales, de poursuites, de règlements de comptes.

On accompagne, écœuré. Les clans (Di Lauro, des Espagnols) se déchaînent.