Ce que le bleu ne sait pas du fragile, Anne-Marielle Wilwerth (par Philippe Leuckx)
Ce que le bleu ne sait pas du fragile, Éditions Le Taillis Pré, 2019, 98 pages, 14 €
Ecrivain(s): Anne-Marielle Wilwerth
Sur le papier, toutes les garanties : un bon éditeur, une belle présentation graphique, un auteur chevronné, dont on avait apprécié le dernier livre de poèmes, et, hélas, à l’arrivée, des déconvenues à lire et relire cet ensemble de poèmes, lestés de clichés, de « qui, que, dont, où, ce qui » quasi à toutes les pages de ces sizains. Ajoutons-y la lourdeur de participes présents, l’abus d’adjectifs qui font poétique, les métaphores au génitif, les termes qui font philosophique (l’inécrit, l’inachevé, l’inouï, l’inattendu, l’informulé, l’intranquille, l’inchoisi), l’abus de ne… que restrictif… sans oublier les infinitifs nominalisés (le devenir…).
On voudrait aimer ; on voit les chevilles, les tics de langage, la suavité doucereuse, les naïvetés, voire les coutures.
Le tremblé
des mots
aquarelle
notre mémoire vive
Une tendresse nous encapuche
et réclame la mer (p.49)
On entend pétiller
les âmes
qui savent
Surtout
ne pas les blesser
par des gestes précipités (p.94)
Comment le si soudain
peut-il éblouir
à ce point
au confluent
des soleils émus
et de l’enfin (p.90)
Que dire de « Nous dévêtirons / l’informulé » ? Ou « l’intensément / bleu/ du vivre » ?
Ou encore « les émotions pleuvent à verse » ?
Ou « Une liberté généreuse/ nous clandestine alors » ?
L’auteure multiplie les caractérisations : « quais ébouriffés » quand « le vent/ vient pianoter/ sur la rouille de nos ancrages », ou brûle « de nous menotter/ aux joies traversières » et distille d’autres « fleuri de l’éphémère » et « encre / des chagrins »…
« Je deviens / pur infini » semble parodier l’Ungaretti de « Je m’éblouis d’infini ».
De quoi parle le recueil ? Je serais bien en peine d’en évoquer les thèmes, tant les mots choisis les phagocytent. Je cite :
Il n’existe parfois
que ce craquement
auquel on s’attendait
en posant le pied
sur la flaque gelée
du lointain hiver de la pensée (p.17)
Vraiment dommage.
Philippe Leuckx
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