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Pourquoi rêver les rêves des autres ? Lettres de mon ailleurs, Fernando Pessoa (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 11 Juin 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Correspondance, Langue portugaise

Pourquoi rêver les rêves des autres ? Lettres de mon ailleurs, Editions L’Orma, Coll. Les Plis, mars 2020, trad. portugais, Lorenzo Flabbi, 64 pages, 7,95 € . Ecrivain(s): Fernando Pessoa

 

Sous jaquette en forme d’une lettre à affranchir, la collection propose après des noms tels que Stendhal, Austen, Leopardi, un ensemble de « lettres », signées Pessoa, Alvaro de Campos, adressées à des amis, à Ofélia Queiros (la seule amoureuse), à sa mère, à des éminents occultistes français ou anglophones.

On n’aura jamais fini d’exhumer de la « grande malle » les trésors d’une écriture qui ne fut à peu de choses près jamais publique (mis à part les contributions à des revues « Orpheu », « Presença », deux plaquettes de poèmes en anglais, une publication poétique tardive, Mensagem, un an avant son décès).

Depuis, nombre d’éditions du Livre de l’intranquillité du semi-hétéronyme Bernardo Soares, des poèmes (en Pléiade), chez les éditeurs La Différence et Bourgois… sans compter des plaquettes bibliophiliques (Fata Morgana…)

Récemment, Livre(s) de l’inquiétude.

Le Temps suivi de Notre-Dame, William Cliff (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 05 Juin 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, La Table Ronde

Le Temps suivi de Notre-Dame, mars 2020, 128p., 15€. . Ecrivain(s): William Cliff Edition: La Table Ronde

 

Ce seizième livre de poèmes (un sixième chez l’éditeur parisien) prend le « temps » comme sujet, comme « matière » ouverte, et sert une sorte de fil rouge qui mène en amont à Autobiographie ou à Journal d’un innocent, puisque le poème a pour projet d’évoquer ce « temps » de soi, au fil de très longs poèmes descriptifs, narratifs, dédiés à la jeunesse, passée à Louvain l’Ancienne, à quelques voyages (le poète est un hardi promeneur), à des rencontres, à des amours, à de pauvres résidences, si peu meublées, si peu coûteuses, bien inconfortables pour y loger patience et écriture.

Et pourtant, de là sont nés ces textes, largement autobiographiques, âprement personnels par leur diction, très syntaxique, leurs supports (alexandrins, dizains…) classiques, leur langue (ne rechignant guère à proposer archaïsmes, orthographe médiévale et autres néologismes) fidèle à la pure tradition des Villon et Verlaine.

Cliff relate ainsi ce métier difficile de professeur de français, se blâme de l’avoir pratiqué sans grande conviction parfois, mais de là sont venus ces poèmes lucides, francs, un peu tristounets, pleins d’alarmes et de doutes, vécus de l’intérieur et tout de même de promesses peu visibles :

Carnets du Barroso, Serge Prioul (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 26 Mai 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

Carnets du Barroso, Serge Prioul, éditions Vagamundo, coll. Liber, 2014, 64 pages, 21 €

 

Entre Bretagne et Lusitanie

Ce serait tentant de pasticher le grand Jules : « Il vous naît un ami, et voilà qu’il vous cherche… ». Il est vrai que cette machine – tout de même – souvent décriée offre de belles rencontres, et que le virtuel ma foi a bien d’autres acceptions…

Voilà un poète, né comme moi en 55, autant dire, « y a deux siècles », tant le confinement nous renvoie à d’autres usages ; voilà un poète chèvre donc, qui s’amuse des pierres et les taille pour en faire des murets, des murettes ; voilà un poète qui cisèle des poèmes vrais.

La vraie vie coule dans ces textes nés d’une ferveur : il en va de ces écrivains qui, par le biais de leurs textes, proses ou poèmes, respirent, transpirent la vraie vie, tant la charge du vrai pèse sur leurs frêles épaules. Mais le poète, ici, a la paysanne force de ceux qui ont œuvré, les épaules larges du soutènement.

Éphéméride, Valérie Rouzeau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 22 Mai 2020. , dans La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon, Les Livres, Critiques, Poésie

Éphéméride, mars 2020, 144 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Valérie Rouzeau

 

De Nevers – cité qui incite à la poésie –, Valérie Rouzeau a tenu pour nous un journal poétique du 11 mai 2019 à fin décembre, mêlant dans un joyeux désordre surréaliste et signifiant, notes, poèmes, menues activités, rencontres, fragments de pairs aimés, chronologie intime et intimiste des événements d’une « vie ordinaire », où le registre des faits, des gestes, des textes sonne comme une victoire contre ce temps chenapan et tapageur, période difficile aussi à vivre, sans espérer un peu que la poésie puisse comme un baume joindre à l’amer un peu de beauté et d’inventivité.

Et en matière d’inventivité, Rouzeau ne manque pas de ressources, se régalant à commettre sur le dos des signifiants, nombre de forfaits poétiques notoires, selon la logique de « l’effet mère ride », Valérie consigne ainsi :

Dans les veines ce fleuve d’argent, Dario Franceschini (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 15 Mai 2020. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Italie, Roman, Gallimard

Dans les veines ce fleuve d’argent, Dario Franceschini, Gallimard, Folio, 2008, trad. italien Chantal Moiroud, 160 pages, 5,70 € Edition: Gallimard

 

Paru en Italie en 2006, ce premier roman de l’écrivain, né à Ferrare en 1958, rend hommage à une région, à un fleuve, le Pô, à ses pêcheurs d’esturgeon, et avant tout à la force de l’amitié, qui n’a que faire du temps et des longues années pour poursuivre son fil, son courant.

Initiatique, ce roman l’est à plus d’un titre ; le personnage principal, Primo Bottardi, le grand âge venu, veut répondre enfin à la question qu’un ami d’enfance lui a posée, il y a plus de quarante ans.

Coûte que coûte, il faut retrouver cet ami et l’aventure, le long du fleuve peut commencer, et les rencontres, pittoresques, réalistes existentielles vont ouvrir les portes d’une Aventure, essentielle. Longer le fleuve à la recherche de l’ami perdu, Civolani, figure d’une photo de classe, devenu lui-même pêcheur du Pô. Il a un sobriquet, Capoccia. Les villages défilent, au rythme de la charrette d’Artioli, qui connaît la région et le fleuve comme ses poches : Cantarana, village de Primo ; Lenticchia, Paletto…