Cachées par la forêt, Éric Dussert (par Philippe Leuckx)
Cachées par la forêt, octobre 2018, 576 pages, 22 €
Ecrivain(s): Éric Dussert Edition: La Table Ronde
Ce livre qui rend hommage à des écrivaines oubliées par le monde des lettres ou introuvables en librairie prend la forme d’un véritable dictionnaire chronologique de ces femmes talentueuses que de nombreuses circonstances ont « cachées » du parcours régulier, à l’ombre de grands noms ou de personnalités qui se sont mises en avant.
De Ono No Komachi (825-900) à Emma Dante (1967), l’essayiste dresse un beau bilan de noms à sauver de l’oubli même si la sentence qui clôt nombre de notices s’intitule « Aucun livre de * n’est disponible ».
Beaucoup de découvertes, et aussi plusieurs noms qui sonnent leur reconnaissance, je n’en veux pour preuves que ceux d’Inès Cagnati, de Grazia Deledda, de Marguerite Audoux, de Christiane Rochefort. Les auteures du Jour de congé ou des Petits enfants du siècle sont de nouveau éclairées et ce n’est que justice.
Le travail fourni par Eric Dussert, exploration philologique et historique de voix négligées, est un immense chantier, précis, rigoureux et éclairant : le style enjoué ou légèrement ironique, les coups de griffe bienvenus ou les enchantements déclarés profitent au lecteur et ordonnent une lecture féconde, intéressante de bout en bout.
Certaines notices sont de véritables renaissances et Betty Duhamel reçoit de la part d’Eric Dussert une sorte de réhabilitation que légitiment les faits : pourquoi cet auteur a-t-il dû subir l’ombre portée de son ancien petit ami Modiano ? Etrange, note Dussert, que son ouvrage célébré dans les années 70/80, ne soit plus édité chez Gallimard. Il est vrai que le roman était peu flatteur pour notre futur Nobel de Littérature : fréquenter la droite à la Chardonne ! Dussert est courageux. Modiano le lira-t-il ? Modiano lira-t-il ces lignes ? Peu importe : la justice prime.
Le lecteur fera son plein marché de livres à découvrir, à redécouvrir : l’érudition de Dussert fait merveille et nous incite à replonger sans cesse dans ce livre bien écrit, fluide et d’une culture époustouflante – ce qui devient rare.
Toutes les bonnes bibliothèques devraient disposer de ce gros volume.
Philippe Leuckx
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