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Chateaubriand et la violence de l’histoire dans les « Mémoires d’outre-tombe », Anne-Sophie Morel

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 07 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Editions Honoré Champion

Chateaubriand et la violence de l’histoire dans les « Mémoires d’outre-tombe », collection Romantisme et modernités, avril 2014, 672 p. 115 € . Ecrivain(s): Anne-Sophie Morel Edition: Editions Honoré Champion

Chateaubriand et la violence Rectifions immédiatement : non pas la violence, mais les violences. D’emblée, explique Anne-Sophie Morel, il apparaît impossible d’analyser la violence « d’une manière univoque, de la prendre comme un phénomène unique, et par là même d’en donner une définition absolue. Son caractère complexe réside dans la diversité des situations de violence. Il faut considérer ses acteurs – foule, individus isolés, État, armées –, leurs motivations, les modalités de production de la violence et la nature même de l’acte violent ». Celui-ci peut en effet consister en une atteinte, « soit à l’intégrité physique de l’adversaire, soit à son intégrité psychique et morale, soit à ses biens, soit à ses proches et à ses appartenances culturelles ». Et l’auteure d’ajouter avec finesse : « La violence représente une notion d’autant plus cruciale pour le discours qu’elle en parcourt tous les champs : ontologie, métaphysique, cosmologie, mais aussi politique, anthropologie, psychologie et esthétique. Dans chacun de ces domaines, elle joue un rôle, occupe une fonction spécifique et entretient des rapports de proximité avec d’autres concepts possédant des frontières communes. Aussi serait-ce appauvrir le sujet que de donner de la violence une définition objective, indépendante de la diversité et de la relativité des situations, et des critères invoqués ».

Interstellar de Christopher Nolan : une réflexion sur les potentialités de la prière ?

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 01 Novembre 2014. , dans La Une CED, Les Dossiers, Côté écrans

Il y a dans Interstellar – le nouveau film de Christopher Nolan dont la première date de sortie est le 4 novembre, à Londres –, un moment fascinant. Et terriblement anodin. Mais c’est justement parce que ce moment n’a l’air de rien qu’il se révèle être si fascinant. Car il contient, à lui seul, une magnifique réflexion sur la prière que développe l’ensemble du film (et nous n’en dirons pas davantage, pour ne rien révéler de son contenu). Ce moment se passe au début. Et immédiatement passe, semblant fait pour être oublié. Dans la chambre de Murphy, il s’est produit quelque chose. Quelque chose d’étrange. De la poussière est répandue à terre, en un dessin d’une incompréhensible précision. Murphy regarde le spectacle. Son père (interprété par Matthew McConaughey) aussi. Ils sont immobiles. Il s’agit de comprendre. Le père prendra un cahier, un crayon, et la présence du cahier comme la façon qu’aura Matthew McConaughey d’incarner ses mains, dans leurs mouvements les plus imperceptibles, feront le lien avec la première saison de la série True Detective. Clin d’œil voulu de l’acteur ? Sans doute. Mais il est vrai que le soin absolu qu’a McConaughey envers la précision des mouvements de ses mains (dans leurs nuances et l’infime auquel ils donnent voix), pour porter son jeu, est l’une des caractéristiques de son travail, lequel soin est bien évidemment à mettre en relation avec la manière – stupéfiante – qu’il a de donner corps, sans recherche d’effet, et toujours avec une douceur folle, à la moindre inflexion de sa voix (voilà pourquoi regarder Interstellar en version française serait une hérésie).

Frankenstein et autres romans gothiques en La Pléiade

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 28 Octobre 2014. , dans La Une Livres, La Pléiade Gallimard, Les Livres, Critiques, Roman

Frankenstein et autres romans gothiques, traduction de l’anglais par Alain Morvan et Marc Porée, sous la direction d’Alain Morvan avec Marc Porée, 23 octobre 2014. 1440 p. Px de lancement jusqu'au 312 janvier 2015 58 € Edition: La Pléiade Gallimard

 

Le terme « gothique » s’est employé et s’emploie encore dans les contextes les plus divers, de l’ethnicité à la mode vestimentaire et cosmétique, en passant par la typographie ou par l’architecture. Mais qu’en est-il du gothique littéraire, à l’effarante contagiosité (le roman gothique a connu et connaît encore le succès que l’on sait) ?

À la différence du classicisme, du symbolisme ou du réalisme, la littérature gothique ne se contente pas de se constituer en école – ce qu’elle n’a d’ailleurs jamais été tout à fait –, ni en mode ou en genre – ce qu’elle fut sans conteste. « C’est une orientation, une pente, une certaine forme de sensibilité, et même de vision ». Et un goût, pourrait-on ajouter.

Un goût pour – notamment – le spectaculaire, conçu comme frère du monstrueux, goût dont témoigne Le Château d’Otrante, roman d’Horace Walpole qui constitue, en 1764, l’acte de naissance du gothique littéraire.

Oui (Molly)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 25 Octobre 2014. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

[Ce poème est constitué entièrement de parties du monologue de Molly dans Ulysse de Joyce, traduction d’Auguste Morel, revue par Valery Larbaud, Stuart Gilbert et l’auteur, Paris, Gallimard, collection Du Monde entier, 1980]

 

oui il devait avoir 11 ans

mais à quoi ça rimait-il

de me mettre en deuil

pour quelqu’un qui ne nous était rien

naturellement il y avait tenu

il se mettrait en deuil

pour le chat je pense

qu’il est un homme

à l’heure qu’il est

Orpheline, Marc Pautrel

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 13 Octobre 2014. , dans La Une Livres, La rentrée littéraire, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Roman, Gallimard

Orpheline, octobre 2014, 96 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Gallimard

Dans le précédent roman de Marc Pautrel, Polaire (Gallimard, collection L’Infini, 2012), il y avait un bref instant par quoi la joie s’imposait, par quoi le narrateur tutoyait, dans son corps entier, des pleurs de joie, une joie pascalienne et enfantine tout à la fois :

« Je continue de croire qu’un jour quelque chose va arriver entre elle et moi. Je sais que c’est écrit. Tous les fleuves coulent vers la mer. Simplement, je ne sais pas quand la chose se passera, peut-être dans un mois, peut-être dans dix ans. Les existences sont animées par des moteurs aux soubresauts étranges et aux développements non prédictibles. Un dimanche d’octobre, vers midi trente, elle m’appelle enfin, elle vient de monter dans le tramway à la gare, elle arrive de Dordogne, elle est descendue du train cinq minutes avant, elle voudrait qu’on se voie. Je suis en train de manger, je lui propose de la rejoindre dans l’après-midi. Elle voudrait plus tôt, elle voudrait maintenant, je lui dis : D’accord, le temps d’arriver. Elle répond : Je t’attends. Je saute de joie, au sens propre, comme chaque fois que je sais que je vais la voir de nouveau : tout seul dans mon salon je fais de petits sauts verticaux, à la façon des Massaï du Kenya, trampoline sur un sol devenu soudain élastique, le corps bien droit, comme une succession d’ascensions fulgurantes et de plus en plus élevées, je saute, je bondis, je chantonne, je ris tout seul. Je suis plus heureux que si je venais de ressusciter d’entre les morts. Mais cette fois-ci, ma joie est encore plus forte que d’habitude, je sais que l’instant que je vis est un instant sacré ».