Identification

Articles taggés avec: Gosztola Matthieu

Seascapes, Hiroshi Sugimoto

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 27 Août 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts

Seascapes, éd. Xavier Barral, 2015, 273 pages dont 3 dépl., 60 € . Ecrivain(s): Hiroshi Sugimoto

 

L’océan. Pour être à même de dire quelque chose de l’océan, – l’océan qui fait que se tient ensemble l’horizon (comme un seul tout, alors qu’il est divers), dans une sauvagerie pure qui nous interdit de la rejoindre –, il faut trois choses, comme dirait Erri De Luca. Pas une, pas deux. Trois.

En premier lieu, il faut s’en référer à la mythologie. Écoutons ainsi Munesuke Mita (in Seascapes) traduit du japonais par Corinne Atlan (« La ligne d’horizon du temps, ou l’arrêt fécond ») :

« Selon le mythe babylonien de la création du monde, au commencement étaient les eaux rugissantes de l’océan. Cet élément où régnait le chaos, personnifié par la déesse Tiamat, fut vaincu par Mardouk, fils du dieu Éa, qui fendit son corps en deux, créant ainsi d’une part la Terre, de l’autre le Ciel. Tiamat était représentée sous la forme d’un gigantesque dragon. Toutes les civilisations possèdent des mythes similaires : les dieux ou les héros de la genèse créent l’ordre du monde en terrassant un dragon (ou un serpent). C’est, en Égypte, la victoire du dieu Rê sur le serpent Apophis ; dans l’Ancien Testament, l’anéantissement du Léviathan par Yahvé ; en Inde, la mort de Vritra, écrasé par Indra ; au Japon, la victoire de Susanoo sur Yamata no Orochi ; en Perse, le triomphe de Thraetaona sur un dragon tricéphale, etc.

Francesca Woodman (1958-1981), Devenir un ange

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 18 Juin 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts

Francesca Woodman (1958-1981), Devenir un ange, préface Agnès Sire, essai Anna Tellgren, Anna-Karin Palm et George Woodman, Éditions Xavier Barral, mai 2016, 232 pages, 35 € (version anglaise coédition Moderna Museet et Koening Books)

« Il a pleu à Nostre Seigneur que j’aye eu quelquesfois cette vision : je voyois un Ange aupres de moy vers le costé gauche en forme corporelle, ce que je n’ay pas accoustumé de voir que rarement, quoy que souvent des anges m’apparoissent ; mais lors je ne les voy point qu’à la manière de la vision precedente. Or Nostre Seigneur voulut que je le visse de la sorte. Il estoit petit, fort beau, le visage si enflammé, qu’il sembloit estre de ces esprits sublimes qui paroissent tout ardens, je croy que c’est de ceux qu’on nomme Serafins – car ils ne me disent pas leur nom. Je voy bien toutesfois que dans le ciel il y a tant de difference entre cet Ange et cet autre, entre ceux-cy et ceux-là, que je ne pourrois jamais assez le donner à entendre. Or je voyois qu’il tenoit en ses mains un long dard qui estoit d’or, et à l’extremité du fer, il paroissoit y avoir un peu de feu : il me sembloit que cet Ange me fichoit quelquesfois ce dard dans le cœur, et qu’il me navroit les entrailles ; et quand il le retiroit, je me les sentois emporter avec ce trait, demeurant toute embrazée d’un grand amour de Dieu. La douleur estoit si grande qu’elle me faisoit faire ces plaintes, mais d’autre part la douceur que je reçois de cette douleur est si excessive que je ne desire pas d’en estre privée, et que l’ame ne se contente de rien qui soit moins que Dieu.

Nikolaï Zabolotski (1903-1958), Le loup toqué

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 04 Juin 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

Nikolaï Zabolotski (1903-1958), Le loup toqué, anthologie poétique, 1926-1958, traduit du russe par Jean-Baptiste Para, Éditions La rumeur libre, collection La Bibliothèque, 2016, 224 pages, 18 €

 

Jean-Baptiste Para est un poète rare et de grande valeur. Ces seuls fragments de La Faim des ombres suffisent à en témoigner : « La sonnerie des cloches a tiré l’enfant de son rêve. / Il marchait dans la forêt où il fait noir comme au fond de la mer. / Il a ouvert les yeux, s’est redressé sur son matelas de paille. / Le souffle de sa mère fut une rosée blanche / Sur la fin du sommeil. // « Grand-mère est morte cette nuit, on a trouvé dans les avoines son corps transi ». « L’enfant est descendu à la fontaine. / Il a lavé son visage dans l’eau où la vieille femme plongeait ses tresses. / Il a posé son front sur la pierre froide du bac / Et ses lèvres pâles ont touché la pierre qui n’a pas d’enfance » (L’Inconcevable).

C’est aussi un traducteur émérite, qui permet aujourd’hui – grâce lui soit rendue – que paraisse en France une anthologie substantielle du grand poète russe Nikolaï Zabolotski.

Jules Verne en la Pléiade, avril 2016

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mardi, 24 Mai 2016. , dans La Une Livres, La Pléiade Gallimard, Les Livres, Critiques, Aventures, Roman, Science-fiction

. Ecrivain(s): Jules Verne Edition: La Pléiade Gallimard

 

Voyage au centre de la terre, écrit en 1864, témoigne de l’engouement de Verne – qui peut apparaître par certains aspects comme un écrivain fantastique – pour la science. Celle-ci est devenue, à cette époque, comme en témoigne Arvède Barine dans un ouvrage paru en 1898 (Névrosés, Hoffmann, Quincey, Edgar Poe, G. de Nerval), « l’alliée, et, plus encore, l’inspiratrice de l’écrivain fantastique » et ce également parce qu’« elle l’encourage à rêver de mondes imaginaires en lui parlant sans cesse de mondes ignorés », que l’on aurait pu juger parfaitement impossibles.

Les voyages extraordinaires : l’on se souvient que c’est le nom qu’a donné Pierre-Jules Hetzel à la collection créée par lui pour abriter la production romanesque de Verne, écrivain on ne peut plus prolifique, puisqu’il est l’auteur de près de deux cents romans, nouvelles, poèmes, essais, pièce de théâtre, livrets d’opérettes et d’opéras comiques, volumes d’histoire et de géographie…

Ainsi, pour donner forme à l’extraordinaire, Verne fait-il usage, de romanesque manière, de la façon qu’a la science – tout à la fois frémissante et toute-puissante – d’affleurer au quotidien, à cette époque, dans les découvertes qui lui donnent et son aura et son mystère… Ainsi en est-il, par exemple, de l’électricité.

La face nord de Juliau, treize à seize, Nicolas Pesquès

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 29 Avril 2016. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Flammarion

La face nord de Juliau, treize à seize, 2016, 240 pages, 18 € . Ecrivain(s): Nicolas Pesquès Edition: Flammarion

 

« Il y a tout de suite de l’écart. Il y a tout de suite un instant qui s’en va ».

1.

 

1. 1. 1. « J’écris dans la bouche ».

1. 1. 2. « J’écris dans la bouche jusqu’à la jouissance des yeux ».

 

1. 2. 1. « [I]l n’y a pas de contradiction entre les mots et les choses, et […] la grammaire n’est pas un socle sûr et définitif, mais notre corps nécessairement étendu ».

1. 2. 2. « Ce que les phrases font est comparable à ce que la colline procure. Corps et paysage sont des composés l’un de l’autre, ils communiquent facilement ».