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Roman

Biribi, Georges Darien (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 06 Octobre 2022. , dans Roman, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Biribi, Georges Darien, Editions de Londres, réédition format Poche, 2011, 360 pages 7,10 €

 

Biribi est un terme officieux qui désignait, non un lieu unique, mais un ensemble de compagnies disciplinaires installées dans des camps pénitentiaires, dans l’Afrique du Nord en cours de colonisation au XIXe siècle, où étaient déportés et internés les militaires français réfractaires ou indisciplinés.

Biribi est le titre d’un roman écrit en 1888 par Georges Darien et publié en 1890 par l’éditeur Alfred Savine, dont les éléments se fondent sur l’expérience personnelle de l’auteur.

« Le récit s’inscrit, dit en préface l’éditeur, dans la catégorie des romans et récits carcéraux, dont Le zéro et l’infini d’Arthur Koestler, Souvenirs de la maison des morts de Dostoïevski, ou encore Letter from Birmingham jail de Martin Luther King et les textes de Nelson Mandela. Il est aussi à l’origine du reportage d’Albert Londres sur ces mêmes camps disciplinaires, Dante n’avait rien vu, dont la publication entraînera la fermeture de… Biribi ».

Vila Real, João Ubaldo Ribeiro (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 04 Octobre 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Gallimard

Vila Real, João Ubaldo Ribeiro (1979), Gallimard, 1986, trad. portugais (Brésil) Alice Raillard, 169 pages, 13,15 € Edition: Gallimard

 

João Ubaldo Ribeiro nous ramène une fois encore dans la nudité du Sertão, son âpre brûlure, son étendue poussiéreuse, ses miséreux endémiques. La beauté biblique du style emporte le lecteur dans un récit qui tient de la prière, du thrène, du chœur des pauvres rejetés de terre en terre par la vorace modernité, indifférente au mal, qui ne cherche dans la terre que la matière de sa richesse et de son pouvoir. Ribeiro chante la dignité des pauvres errants, leur fierté et leur courage, car c’est d’une guerre qu’il s’agit, de la guerre des gueux contre les puissants. Une guerre inégale dont l’enjeu n’est pas l’éventuelle et douteuse victoire mais la sauvegarde d’une âme, d’une identité, d’une humanité – celle du Sertão et de ceux qui triment pour en extraire de quoi survivre.

Des gueux rendus furieux par la misère, le vol de leur vie ; des gueux qui ne craignent plus rien parce qu’ils n’ont plus rien.

Madame Edwarda, Georges Bataille (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 30 Septembre 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Madame Edwarda, Georges Bataille, éd. Jean-Jacques Pauvert, 1956, 71 pages, 10 €

 

Ce curieux petit récit érotique de Georges Bataille initialement publié en éditions clandestines en 1941 sous le pseudonyme de Pierre Angélique n’est sorti en librairie qu’en 1956 chez Pauvert, Bataille n’ayant alors accepté d’y faire figurer son vrai nom qu’au bas de la préface.

Dans cette préface, l’auteur présente ainsi la thématique du texte :

« Un ensemble de conditions nous conduit à nous faire de l’homme (de l’humanité), une image également éloignée du plaisir extrême et de l’extrême douleur : les interdits les plus communs frappent les uns la vie sexuelle et les autres la mort, si bien que l’une et l’autre ont formé un domaine sacré, qui relève de la religion. Le plus pénible commença lorsque les interdits touchant les circonstances de la disparition de l’être reçurent seuls un aspect grave et que ceux qui touchaient les circonstances de l’apparition – toute l’activité génétique – ont été pris à la légère ».

Ma vie de cafard (My Life as a Rat), Joyce Carol Oates (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 29 Septembre 2022. , dans Roman, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, USA

Ma vie de cafard (My Life as a Rat), Joyce Carol Oates, éd. Points, octobre 2021, trad. anglais USA, Claude Seban, 456 pages, 8,30 €


« Une famille ressemble à un arbre géant. Il peut être gravement atteint, en train de mourir ou de pourrir, ses racines restent inextricablement enchevêtrées ».

Des coins un peu perdus, là-haut, au nord de l’état de New York, pas loin de Buffalo, au bord des Chutes dont le bruit roulant – et la brume constante – émaillent tout le livre. Des coins « province » avec leur way of life particulière, une société coupée entre petits blancs propres sur eux et noirs vite assimilés à la racaille. Années 70/80, pas encore la grande désindustrialisation du nord, mais déjà, une société qui se sent basculer vers du moins bien.

Nous nous aimions, Kéthévane Davrichewy (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 28 Septembre 2022. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Sabine Wespieser

Nous nous aimions, Kéthévane Davrichewy, août 2022, 145 pages, 19 € Edition: Sabine Wespieser

 

Le titre même du roman fait appel au sentiment de nostalgie et de durée, par l’emploi de l’imparfait. Kéthévane Davrichewy décrit dans ce roman sensible le parcours de deux sœurs, Kessané et Tina, qui se sont établies en France mais retournent régulièrement en Géorgie passer leurs vacances sur la terre de leurs ancêtres caucasiens. Leur mère, Daredjane, tient à la préservation de ce lien, de ces racines ; elle espère que son époux, Tamaz, les rejoindra dans leur résidence du Vésinet, pour y couler des jours heureux avec elle et ses filles.

C’est la force et l’omniprésence des souvenirs de l’enfance et de l’adolescence qui marquent de leur empreinte les vies de Kessané et de Tina. La première se confronte aux premières épreuves humaines, teste les qualités et défauts de son propre corps : « Elle fait l’apprentissage de la solitude. Elle y tient et aime de plus en plus s’endormir seule. (…) Elle s’examine sans complaisance, de la tête aux pieds. Elle aime bien ses épaules, pas ses bras. Ses jambes, pas ses pieds. Ses seins, ça dépend des jours et des poses qu’elle prend ».