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Roman

Hana, Alena Mornštajnová (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 05 Décembre 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est

Hana, Alena Mornštajnová, Les éditions Bleu et Jaune, juin 2022, trad. tchèque, Benoît Meunier, 336 pages, 23 €

 

Hana, personnage mutique, décharné, maladif, d’apparence effrayante, tout de noir vêtue et toujours des mêmes vêtements, traverse ce roman comme une incarnation de la meurtrissure et de la mort.

Hana, Mira sa nièce, les autres, les événements personnels, politiques, effroyables, dévoilent peu à peu cette femme qu’on fuit, qui fuit. Dans son sillage rôdent la déchirure, la mort bien amarrée à elle… jusqu’au plus profond de l’horreur.

A la toute fin du roman cette femme, totalement innocente, entièrement défigurée par la vie se révèle un adjuvant incontrôlable, mû sans aucune sorte de culpabilité que celle de porter l’amour et également le malheur.

Hana, jeune fille a pour elle beauté, vivacité, intelligence du cœur et de l’âme, et une indéniable qualité de brodeuse. Elle ne se raconte pas, elle tisse innocemment la blessure, préside malgré elle au destin des siens, personnage central qui revient d’au-delà de l’horreur – pour encore – la semer.

Au-dessous du volcan, Malcolm Lowry (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 30 Novembre 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Folio (Gallimard)

Au-dessous du volcan, Malcolm Lowry, 594 pages, 10,60 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Il serait pour le moins présomptueux, et probablement ridicule, de prétendre apprendre quoi que ce soit aux « initiés » à l’occasion de la réédition en Poche chez Gallimard de cette œuvre monumentale, magistralement traduite de l’anglais par Stephen Spriel avec la collaboration de Clarisse Francillon et de l’auteur lui-même. Cette présentation ne s’adresse donc qu’aux lecteurs de notre magazine qui n’auraient pas eu encore l’inappréciable loisir de vivre l’expérience inoubliable que constitue cette journée à passer « au-dessous du volcan ».

L’exercice est d’ailleurs rendu particulièrement ingrat par le fait que le texte de la présente édition est encadré par une préface lumineuse de Maurice Nadeau et, en postface, par une analyse précise et érudite de Max-Pol Fouchet. Si on y ajoute cette autre préface rédigée en 1948 par Malcolm Lowry lui-même, il ne reste guère d’espace critique à un modeste rédacteur de chroniques littéraires, qui se trouvera contraint, au milieu de quelques modestes commentaires personnels, de reprendre entre guillemets convenus et convenables quelques particules élémentaires des décryptages brillamment opérés par Nadeau et Fouchet, et une phrase ou deux de la présentation de l’ouvrage par l’auteur.

Le Palais de glace, Tarjei Vesaas (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 29 Novembre 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Babel (Actes Sud)

Le Palais de glace, Tarjei Vesaas, Actes Sud Babel, 2016, trad. norvégien, Jean-Baptiste Coursaud, 219 pages, 7,70 € . Ecrivain(s): Tarjei Vesaas

 

Roman poétique, poésie romanesque, Tarjei Vesaas nous offre un modèle du genre tant l’histoire racontée est attachante et forte et la langue d’une beauté à la fois éthérée et puissante. La bulle de glace qui se forme à la tête de la cascade, créant une authentique demeure naturelle de cristal, une protubérance creuse à l’intérieur, dans laquelle pénètre à flots une lumière diffractée, étincelante, le « palais de glace », est un phénomène qui ne se produit que certaines années particulièrement froides et, cette année-là, le froid dépasse de loin les normes. Le Froid, dieu génial et terrifiant qui tient dans ses mains les habitants de ce village perdu au nord de la Norvège, et qui, en cet automne glacé, remodèle leur monde, le rend sublime et mortellement dangereux. La glace, en se formant et s’épaississant sur le lac voisin, gémit et résonne, accompagnant en particulier les nuits de détonations sourdes et inquiétantes. Les nuits, très précoces en cette période, noires et angoissantes, pleines de menaces diffuses et oppressantes.

Je suis Jésus, Giosuè Calaciura (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 29 Novembre 2022. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Italie, Editions Noir sur Blanc

Je suis Jésus, Giosuè Calaciura, Les Éditions Noir sur Blanc, Coll. Notabilia, août 2022, trad. italien, Lise Chapuis, 351 pages, 21 € . Ecrivain(s): Giosuè Calaciura Edition: Editions Noir sur Blanc

 

Jésus, tout jeune enfant, est pris entre deux regards qu’il sent peser sur lui : attentif et pourtant fuyant, celui de son père, Joseph, insistant et en attente, celui de sa mère, Marie. Deux regards qui s’affrontent en lui, dont il ne comprend pas le sens, deux regards différents, presque opposés dont il ne sait que penser : « Mon père ne me raconta jamais ma naissance. Il écoutait la version de ma mère tout en s’affairant à alléger notre fatigue, à nous couvrir avec des peaux de mouton, à raviver des braises ; il sortait et rentrait au rythme de l’huile qui se consumait dans la lampe : “Où va mon père ?” demandais-je à ma mère » (p.11). Celui de son père sera le premier, et le seul, à céder. « De trop », il s’enfuira un matin et son abandon entraînera la quête du père chez Jésus :

« Et je répétais ma question : Père, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (p.180). C’est pour le rejoindre, pour comprendre que Jésus quittera sa mère – en cachette –, reproduisant le modèle paternel : « Quelle douleur cela m’a coûté de te tourner le dos, de partir ! Mais je devais retrouver mon père » (p.42).

Les Agents, Grégoire Courtois (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 28 Novembre 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Les Agents, Grégoire Courtois, Folio SF, septembre 2022, 320 pages, 8,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Allons au plus bref : ce roman est tout simplement illisible. Tâchons d’expliquer pourquoi, malgré l’envie de juste en rester à cette phrase.

L’histoire se déroule dans un futur indéterminé ; le narrateur appartient à une « guilde » réfugiée à l’étage 122 de la tour 135 du quartier sud d’une ville indéterminée. L’objectif ? Survivre dans un univers de données affichées sur écran, alors que d’autres guildes, survivant dans la même tour, tentent d’éliminer leurs concurrents, et que la rue est devenue un enfer ou une jungle, ou un truc du genre. Métaphore d’un capitalisme poussé à outrance, probablement ; contre-utopie où des lecteurs autrement complaisants liront une référence au Ubik de Philip K. Dick, on peut y songer par charité. Il doit y avoir de tout cela, et on aurait aimé voir où Courtois allait emmener le lecteur.