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Roman

Un merveilleux souvenir, Marc Pautrel (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 20 Avril 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Un merveilleux souvenir, Marc Pautrel, Gallimard, Coll. L’Infini, février 2023, 88 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel

« J’ai la chance de travailler avec l’un des plus grands romanciers vivants, tout à la fois auteur et éditeur depuis soixante-ans, un cas unique dans l’histoire littéraire, d’ailleurs célébrissime, et un homme de si précieux conseils pour moi depuis une quinzaine d’années que nous nous connaissons ».

« J’ai comme perdu ma sœur. Je ne sais pas si je la reverrai un jour. Je l’espère, mais je n’y crois pas vraiment. Trop de petits drames de l’enfance handicapent les adultes. J’ai été sauvé par miracle, enlevé par les phrases et protégé par elles, celles des autres puis les miennes. Elle, elle a dû se battre dix fois plus, et contre des dangers bien plus grands ».

Un merveilleux souvenir est publié par Philippe Sollers, dont le nom n’est jamais nommé dans ce merveilleux petit roman, mais dont la présence l’irrigue. Il accompagne l’écrivain depuis bien longtemps dans L’Infini, la Collection qu’il dirige avec toute la finesse d’un capitaine de corvette et d’un grand lecteur de la haute mer, depuis L’homme pacifique en 2009 – C’est un homme qui parle sans arrêt, et sans doute même parle-t-il tout seul chez lui. Mais il ne veut pas seulement parler, il veut raconter des histoires –, en passant par Un voyage humain, Polaire ou encore Le peuple de Manet, son petit livre sur Ozu (1), jusqu’à ce très vif roman familial où un drame ancien rôde et nous échappe.

Le Glorieux et le Maudit, Olivier Charneux (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 20 Avril 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Seuil

Le Glorieux et le Maudit, Olivier Charneux, Le Seuil, mars 2023, 268 pages, 19,50 € Edition: Seuil

 

Quand l’imagination s’ankylose ou devient suspecte, l’autofiction est un recours facile. Autre commodité : écrire la biographie arrangée d’un auteur à demi obscur ; faire ajouter « roman » sur la couverture pour appâter le chaland ; se présenter comme un redresseur de torts, un réparateur d’injustices ; viser un public moyen – moyennement cultivé, moyennement intéressé, moyennement paresseux. Avec un peu de chance et une solide campagne de promotion, le succès sera au rendez-vous. On peut rêver, avec plus de chance encore, à une adaptation cinématographique ou, de façon plus modeste, à un téléfilm diffusé en prime time.

Après le médiocre Mourir avant que d’apparaître, de Rémi David (1), chroniqué ici-même, consacré à la relation passionnée entre Genet et Abdallah Bentaga, voici Le Glorieux et le Maudit d’Olivier Charneux qui retrace l’histoire d’amour (tumultueuse) entre Jean Cocteau et Jean Desbordes, né en 1906 à Rupt-sur-Moselle et qui succéda auprès de l’Oiseleur à Raymond Radiguet.

La pluie jaune, Julio Llamazares (Par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 18 Avril 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espagne, Verdier

La pluie jaune (La Lluvia amarilla, 1985), Julio Llamazares, Verdier Poche, 2009, trad. espagnol, Michèle Planel, 141 pages, 10 € Edition: Verdier

 

Le vieil homme meurt. C’est sa dernière nuit dans le village fantôme dont il est le dernier vivant. Avec lui, va s’envoler la dernière âme, le dernier cœur battant, les dernières souffrances. Le bonheur, l’espoir, la joie, eux étaient partis depuis très longtemps, depuis que Sabina, la femme du vieil homme, est morte. Ils étaient les derniers habitants du village, tous les autres étaient déjà partis au fil des années, morts ou émigrés ici ou là.

La mort traverse ce court roman, celle du vieux comme un point d’orgue à celle du village de montagne dont il est le dernier souffle vivant. La mort non comme un événement mettant fin, mais comme un lent progrès de la décrépitude, du pourrissement, de la chute. Murs, toits, poutres, portes, fenêtres font écho dans leur anéantissement à celui des êtres qui, naguère, ont vécu ici, travaillé, parlé, aimé. La mémoire du vieil homme, comme un long thrène lugubre, résonne comme la malédiction inéluctable qui s’est abattue sur le village dans un destin ténébreux : après la rudesse des hivers, la dureté des travaux, la pauvreté extrême, toutes les plaies d’une humanité oubliée, est venu l’exode inexorable, le départ des jeunes rêvant d’ailleurs, puis celui des vieux, ne pouvant plus subsister dans ce mouroir abandonné qu’est devenu Ainielle (1).

A ceux qui ont tout perdu, Avril Bénard (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 13 Avril 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres

A ceux qui ont tout perdu, Avril Bénard, Editions des Instants, janvier 2023, 195 pages, 19 €

 

Que feriez-vous si demain des soldats vous demandaient de faire vos bagages en 2 heures pour prendre un bus et se sauver ? Comment « faire le bagage d’une vie » ? C’est ce qu’a imaginé l’auteure à travers 8 personnages : Manon et Jeanne (sa fille), Louis (son mari), Paul, Marek, une dame âgée, Shoresh (sourd de naissance), Guy (« SDF ») et Totem (son chien). Ainsi qu’une famille nombreuse, qui forme la psyché d’une famille unie et un « je », né comme l’auteure en 1986. La date est importante car elle témoigne du début d’un certain désenchantement du monde industriel. Les années 80 ont créé de jeunes adultes fragiles, une génération qui croit en l’avenir et non pas en dieu. Mais à quel saint se vouer une fois que l’avenir se dissout et que l’on ne réussit plus à l’imaginer ?

Ce roman est particulièrement incisif car il reflète à la fois la légèreté de la vie moderne et sa fragilité. Tout peut basculer du jour au lendemain. L’auteure arrive à jouer plusieurs partitions à partir d’un même évènement. Elle sait mettre en valeur la différence de coloration psychique d’un fait identique qui rebondit de chapitre en chapitre à travers chaque personnage.

La Côte Sauvage, Jean-René Huguenin (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 12 Avril 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Points

La Côte Sauvage, Jean-René Huguenin (1960), Points, 1995, 172 pages, 6,50 € Edition: Points

 

Une vie foudroyée, un succès foudroyant, un oubli qui ne l’est pas moins. Voilà résumé le passage de Jean-René Huguenin sur cette terre, passage marqué au fer rouge par cet ouvrage en particulier, roman de la jeunesse traversé par les lumières et les ombres qu’elle implique, inévitablement. Huguenin est mort broyé dans une voiture le 22 septembre 1962, à 26 ans, à toute vitesse, dans la cruelle ardeur de son âge. La lecture de son brûlant Journal (Points Signatures) nous découvre un jeune homme ardent, blessé par la mollesse de son époque, fasciné par le dépassement de soi et la recherche de la force de caractère. Tous les témoignages de ceux qui l’ont connu concordent pour dresser le portrait d’un garçon redoutablement séduisant, exerçant une forte influence sur ses camarades, cassant et hautain. Ce jeune homme ressemble fort au héros de ce roman, Olivier, personnage doté d’une grande puissance mais souffrant de blessures intimes aussi irréparables que d’origine mystérieuse.