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Roman

Et le jour sera pour moi comme la nuit, Françoise Grard (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 17 Mai 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Editions Maurice Nadeau

Et le jour sera pour moi comme la nuit, Françoise Grard, Editions Maurice Nadeau, Les Lettres Nouvelles, février 2023, 135 pages, 18 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

Dans la série des romans autobiographiques, l’autrice narratrice livre le récit intime, intimiste, de son existence de mal-voyante, de la brutale perte totale de la vue vers l’âge de soixante ans et des interventions cliniques qui lui permettront de recouvrer une vision très partielle mais cruciale pour un retour à une vie à peu près « normale ».

Le roman a pour repère temporel un certain 5 septembre. Ce jour-là, alors que, exerçant la profession d’enseignante en surmontant le handicap de la malvoyance, elle se rend à son lycée, se produit un décollement de rétine qui la rend complètement aveugle.

Le récit s’articule entre l’avant et l’après de cet événement tragique, sans toutefois qu’il y ait passage narratif marqué de l’un à l’autre, passé, présent et futur s’imbriquant tout du long.

Colombian Psycho, Santiago Gamboa (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 16 Mai 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Métailié

Colombian Psycho, Santiago Gamboa, Métailié, mars 2023, trad. espagnol, François Gaudry, 592 pages, 23 € . Ecrivain(s): Santiago Gamboa Edition: Métailié


Après Des Hommes en noir, traduit et publié aux Editions Métailié en 2019, Colombian Psycho est le second volet des enquêtes d’Edilson Jutsiñamuy, un procureur colombien originaire de l’ethnie indigène Huitoto et d’une journaliste d’investigation, Julieta, flanquée de son assistante Johana, une ex-guérillera des FARC.

« Une main solitaire émergeait de la terre, comme si elle s’était lassée de reposer au milieu des cailloux et des fourmis et voulait indiquer quelque chose. Ou dire simplement : Je suis là, maintenant vous devez m’écouter. /…/ Une sombre fleur au milieu de l’herbe et de la pierraille. Tels ces crabes noirs qui, sur l’ile de la Providencia, descendent pour pondre au bord de la mer et s’arrêtent en chemin, surpris par la lumière.

Une main abandonnée, poing fermé. Une tarentule immobile indiquant quelque chose ».

Ehrengarde, Karen Blixen (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 16 Mai 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Folio (Gallimard)

Ehrengarde, Karen Blixen, Folio, février 2023, trad. anglais (Danemark), Doris Febvre, 112 pages, 3 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Dû à l’adaptation cinématographique du roman La Ferme africaine (1942) sous le titre Out of Africa et de la nouvelle Le Dîner de Babette (1958) sous le titre Le Festin de Babette, le reste de l’œuvre de la Danoise Karen Blixen est quelque peu éclipsé par ces deux récits, plus qu’appréciables au demeurant. L’occasion est donc belle d’évoquer son talent narratif le temps d’un conte publié de façon posthume, Ehrengarde.

En une centaine de pages, Blixen démontre un talent de conteuse ludique extraordinaire, se jouant du lecteur comme des règles narratives. En effet, la narratrice d’Ehrengarde prétend au secret (« Je ne vais pas vous donner le véritable nom de ce pays, ni celui des dames et des nobles seigneurs de cette histoire ; cela leur aurait déplu ») mais dévoile peu à peu un certain rapport au réel – qui éclate à la fin du conte de façon plus que plaisante. De surcroît, Blixen mélange les genres : Ehrengarde débute tel un des contes collectés par les frères Grimm (« Le grand-duc et la grande-duchesse de Babenhausen demeurèrent longtemps sans enfants, ce qui les affligeait profondément »), et continue à la façon d’un conte libertin du XVIIIe siècle français (le personnage masculin principal, Cazotte, envoie des lettres dignes d’un Valmont), pour finir avec l’éclat d’une belle ironie historique :

Le gardien de Téhéran, Stéphanie Perez (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mardi, 16 Mai 2023. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Plon

Le gardien de Téhéran, Stéphanie Perez, éd. PLON, mars 2023, 235 pages, 20 € Edition: Plon

 

En 1967 les rues de Téhéran sont en liesse. Reza Pahlavi se fait empereur en intronisant par la même occasion l’impératrice Farah. Le peuple, lui, souffre et les opposants du régime sont traqués par la Savak. L’impératrice Farah inaugure, en grandes pompes, le Musée de Téhéran où seront exposées les toiles de plusieurs impressionnistes et des peintres modernes, tel Warhol, Pollock, etc.

Cyrus est engagé comme chauffeur pour véhiculer les œuvres. Cyrus se pose en observateur d’un monde qui change tandis que son amie Azadeh, opposante au régime, est arrêtée : « L’Iranien moyen n’a jamais assisté à un tel show dans le pays, la collision entre les deux mondes est brutale. Les souverains ne sont-ils pas déconnectés de la réalité ? Il se demande si tout ne va pas trop vite, si cet Ouest inaccessible n’est pas une vision caricaturale qu’on leur jette à la figure sans ménagement ».

L’auteure fera d’habiles raccourcis entre l’Art et la révolution qui éclate : « Le chemin tortueux de ses pensées le conduit vers la toile de Pollock et la fureur de ses taches colorées. La puissance de cette colère serait-elle en réalité celle de son peuple qui ne demande qu’à éclater ? Les couleurs en furie sont-elles prêtes à s’échapper de leur cadre étriqué ? ».

Les deux Beune, Pierre Michon (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Lundi, 15 Mai 2023. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Verdier

Les deux Beune, Pierre Michon, éditions Verdier, 160 p. 18,50 € Edition: Verdier

 

Pierre Michon, auteur rare, aura écrit en deux temps ses deux Beune ! Quasi trente ans les séparent. Point-virgule et mots précieux se réjouissent ! Michon n’avait rien publié depuis Les Onze en 2009 !

Entre lèvres et lièvres

Pierre Michon est rare.

C’est notre autre Gracq. Leurs langues nous fascinent pour peu qu’encore la langue fascine. Langue non pas traquée ni pressée, urbanisée, mais haute langue de littérature, au plus ancien sens du terme. C’est-à-dire qu’elle entoure, enveloppe, ensorcelle voire, nous prend là, si vous voyez où là est.

Là : le ventre, les rêves, le sens du sens.

L’essentiel.