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Roman

Chantiers, Marie-Hélène Lafon

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Samedi, 24 Octobre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, Editions des Busclats

Chantiers, août 2015, 120 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marie-Hélène Lafon Edition: Editions des Busclats

 

« C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche ». C’est cette phrase de Pierre Soulages qui sert d’exergue à Chantiers, le dernier ouvrage de Marie-Hélène Lafon publié en août 2015 aux éditions des Busclats.

On comprend aisément les raisons du choix de cette phrase car elle résume pleinement la façon dont elle travaille. En effet, cette femme a le corps et l’esprit constamment en alerte et chacun de ses ouvrages creuse encore plus profondément ses champs d’exploration. Elle pourrait tout aussi bien retourner cette formule en énonçant : « Je cherche, donc j’apprends ». Dans son œuvre, Marie-Hélène Lafon fait feu de tout bois. Tout lui sert à élargir son investigation de l’âme humaine et à échafauder un jeu de piste car ce sont bien toutes les étapes d’un jeu de piste qui se dévoile à nous dans ce livre qui n’est ni un essai, ni un ouvrage de fiction mais qui est un texte hybride dans lequel on se laisse emporter à revisiter chaque étape de son chemin semé de petits cailloux où elle pose son pied pour traverser le gué. Elle ne se refuse pas de nous convoquer à la suivre dans cette traversés en déployant tous les genres avec une égale jubilation pour elle et pour nous lecteur.

La septième fonction du langage, Laurent Binet

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 23 Octobre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset, La rentrée littéraire

La septième fonction du langage, Qui a tué Roland Barthes ?, août 2015, 495 pages, 22 € . Ecrivain(s): Laurent Binet Edition: Grasset

 

On a beaucoup parlé, on parle toujours beaucoup, et on parlera longtemps de ce deuxième roman de Laurent Binet.

Parmi les critiques en vogue qui se sont exprimés, il y en a eu qui ont affirmé, parfois avec une étrange emphase, l’ennui qu’ils auraient ressenti à la lecture de ce livre. Ceux-là sont des cuistres, des ignares, des béotiens, évidemment incapables d’apprécier l’ouvrage, qui croient pouvoir dissimuler leur inculture en dénigrant ce qu’ils ne peuvent comprendre, à la manière de tel personnage politique s’exclamant à propos de La Princesse de Clèves qu’il n’y a pas de texte plus ennuyeux…

Car ce roman est le chef d’œuvre de l’année, c’est une évidence.

Mais c’est un chef d’œuvre qui se mérite.

Plusieurs trames narratives s’y superposent, plusieurs intrigues s’y intriquent.

La fiancée de Bruno Schulz, Agata Tuszynska

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 22 Octobre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Grasset, La rentrée littéraire

La fiancée de Bruno Schulz, septembre 2015, traduit du polonais par Isabelle Jannès-Kalinowski, 400 pages, 22 € . Ecrivain(s): Agata Tuszynska Edition: Grasset

 

Dans quelle mesure le souvenir, la mémoire, et l’imagination peuvent-elles concourir à la restitution d’une vie ? Ou la travestir par le mensonge ? C’est ce processus passionnant que décrit Agata Tuszynska dans son roman, La fiancée de Bruno Schulz. Mais qui est Bruno Schulz ? Nous le découvrons au cours des différentes phases du récit, composé de trois parties distinctes : L’avant-guerre, se déroulant dans la ville de Drohobycz, dans les Carpates polonaises, et à Varsovie, dans les cercles littéraires et artistiques de la ville, la période de l’occupation et l’après-guerre qui clôt le récit. Jozefina Szelinska, dite Juna, muse, compagne de Bruno Schulz, le fréquenta de 1933 à 1937. Cette dernière est professeure, elle aime, comme lui, Kafka et Rilke qu’ils lisent tous deux dans le texte.

Ce qui fascine d’emblée le lecteur dans ce roman, c’est de constater que rapidement, d’une manière presque évidente, Bruno Schulz, auteur de nouvelles et de romans, dessinateur, est habité par la peur, des crises d’angoisse, de profonds doutes : « Je ne me rendais pas compte que les rues inconnues le fatiguaient, qu’il était effrayé par le trafic urbain et la foule (…) Il se recroquevillait comme un escargot dans sa coquille de peur que quelqu’un l’écrase. J’ai compris cela trop tard ».

Le Goût du divin, Franck Aria

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 22 Octobre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Edilivre

Le Goût du divin, juin 2015, 118 pages, 13 € . Ecrivain(s): Franck Aria Edition: Edilivre

 

« Que vienne la grande Musique, celle dont on s’éprenne, la belle, la vraie, celle de Bach à Coltrane, de Mozart, de Stravinski, de Vivaldi à Miles, cette merveille qui chaque jour promet du jouir en combattant les peines, offre du libre à penser, éveille à la pensée et au recueillement de l’être. Un chef d’œuvre ne s’épuise jamais ».

Le Goût du divin est le livre de ce désir, désir de musique, du divin, désir d’amour, mais aussi et c’est fort heureux désir de croiser la plume, comme l’on croise le fer avec la Réforme, le Diable et ceux qui s’en réclament. Le Goût du divin chemine aux côtés d’écrivains vivants, qu’ils n’aient plus ouvertement donné signe de vie ne change rien à l’affaire, ils sont là, et bien là : Voltaire, De Maistre, Faulkner, mais aussi Dante, Pascal, tour à tour saisis par le divin et son art, qui n’est pas étranger à leur style – ce nectar de la pensée. Franck Aria est aussi un lecteur attentif de Philippe Sollers – La guerre du goût –, des scissionnistes de Ligne de Risque* et de Stéphane Zagdanski qui l’accueille parfois dans sa librairie**. Il sera donc question du religieux, du divin, de sa musique, de sa joie, et de ses divines occupations, c’est l’un des enjeux du Goût du divin, qui s’emploie également à retourner Luther, comme l’on retourne une mauvaise carte.

Mon amour, Julie Bonnie

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 21 Octobre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

Mon amour, mars 2015, 224 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Julie Bonnie Edition: Grasset

 

Je suis passée de l’autre côté d’une barrière dont j’ignorais l’existence. Finie, la vie de jolie fille. Bienvenue dans le monde des mères et des sourires complices de femmes. Adieu les regards d’hommes. Je m’étonne.

Au centre de Chambre 2, le premier roman de Julie Bonnie, il y avait déjà le corps, le corps des femmes totalement chamboulé et parfois même saccagé par la maternité, il y avait déjà l’art et la musique et le fossé que la naissance d’un enfant pouvait creuser entre l’homme et la femme. Fossé physique, fossé psychique, parfois un gouffre. Julie Bonnie a une façon très particulière, splendide et ultra sincère de raconter ce corps, les émotions et les sentiments souvent contradictoires qui l’écartèlent. Dans Mon amour, son deuxième roman, nous retrouvons cette matière qui lui tient à cœur.

Ici, il y a une femme qui vient d’accoucher, la mère donc, d’une petite Tess. Et un homme, en pleine ascension vers sa gloire, pianiste virtuose de jazz, le père donc, et lui-même fils d’un grand pianiste. Tess a quatre jours quand le père part en tournée internationale avec trois autres musiciens. C’était prévu avant même qu’elle ne tombe enceinte, alors elle, sa fée comme il l’appelle, se retrouve seule à Paris en plein été, avec son tout petit bébé.