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Roman

Tsili, Aharon Appelfeld

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 06 Novembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Points, Moyen Orient

Tsili, août 2015, traduit de l’hébreu par Arlette Pierrot, 160 pages, 5,60 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: Points

 

Publié pour la première fois en 1982, Tsili, quatorzième livre de l’Israëlien Aharon Appelfeld (1932), connaît une nouvelle jeunesse en édition de poche due à une adaptation cinématographique signée Amos Gitai. Pour celui qui n’a jamais fréquenté l’œuvre d’Appelfeld, mais qui s’entend régulièrement dire qu’elle gagne à l’être, fréquentée, ce bref roman peut sembler une porte d’entrée idéale. Dont acte.

Tsili, c’est le nom de la jeune fille héroïne des quelque cent soixante pages de ce roman qui s’apparente à une longue nouvelle. Elle a douze ans en 1942, au moment où sa famille quitte son domicile, le laissant à sa garde, suite au durcissement de la répression anti-juive dans la partie de l’Europe centrale où vit Tsili. Celle-ci est donc abandonnée à son sort (ce qui paraît hautement improbable – mais c’est peut-être lié à l’aspect « conte » évoqué ci-après), et doit survivre dans la nature, comme le fit Appelfeld lui-même durant son adolescence et pour les mêmes raisons, à ceci près que la jeune femme se présente partout comme une « fille de Maria », appellation dont on a tôt fait de comprendre qu’elle désigne une prostituée, ce qui lui vaut des accueils mitigés.

En toute franchise, Richard Ford

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Novembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, L'Olivier (Seuil)

En toute franchise (Let me be frank with you), août 2015. 232 p. 21,50 € . Ecrivain(s): Richard Ford Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Frank Bascombe est de retour. C’est évidemment une belle nouvelle pour les lecteurs de Richard Ford qui ont – forcément – adoré « Un week-end dans le Michigan » « Indépendance » ou « Etat des lieux ». Frank, qui vieillit avec son auteur, mais qui garde bon pied, bon œil encore. Bascombe, avec son empathie, sa patience, son ironie bonhomme.

L’ouragan Sandy a dévasté le New Jersey, laissant derrière lui destruction, malheur, dévastation des choses et des gens. Frank, qui a quitté la côte depuis quelques années, décide de revenir, en visite, en particulier pour y rencontrer un ami sinistré. Devant le tableau effroyable de la côte, c’est au tour de Frank d’être dévasté, dans son âme.

« Et puis tout à coup je ne supporte plus d’être là. Toutes les défenses dont je m’étais bardé dans l’intérieur des terres se sont délitées ; me voici devenu… une cible. Celle de la perte. De la tristesse. C’est ce que je tenais à éviter et la raison même pour laquelle je me suis abstenu de me risquer ici, ces dernières semaines. J’ai eu tort de venir. »

La vie prodigieuse de Garnet Ferrari, Marie Manilla

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 05 Novembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Autrement

La vie prodigieuse de Garnet Ferrari, Traduit de l’américain par Sabine Porte mars 2015, 585 pages, 24 € . Ecrivain(s): Marie Manilla Edition: Autrement

 

Ce premier roman traduit en français de Marie Manilla est une histoire enchanteresse et pleine de poésie qui sublime la différence. Garnet Ferrari, dotée d’une chevelure rousse peu commune et de taches de vin qui recouvrent tout son corps façon mappemonde, n’est pas du tout le joli bébé joufflu tant attendu. Alors que ses parents s’astreignent à faire le deuil de leur fille idéalisée, sa grand mère Nonna y décide d’y voir la réincarnation de Sainte Garnet, une guérisseuse légendaire sicilienne. Ces taches de vin ne peuvent pas être le fruit du hasard. Nonna est terriblement superstitieuse : le moindre grain de sable et elle y voit le signe d’un mauvais sort. Elle ne peut imaginer la vie sans amulettes. Sa petite-fille a le pouvoir d’accomplir des miracles, notamment soigner toutes les maladies de peau (eczéma, poireaux, verrues, rien ne lui résiste…) et elle le fait savoir. Son vilain petit canard a le pouvoir de réenchanter le monde ! Entre les superstitions siciliennes à l’accent chantant, l’envie de sauver les apparences à l’américaine et l’humour « volcanocynique », ce livre nous amuse.

Les maîtres du printemps, Isabelle Stibbe

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 03 Novembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Serge Safran éditeur

Les maîtres du printemps, août 2015, 181 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Isabelle Stibbe Edition: Serge Safran éditeur

 

« Ici vous entendrez parler acier, métallurgistes, syndicalistes, ici vous entendrez parler usines, nationalisation, chômage. Si pour vous ces mots sont synonymes de nuisances et de laideur, s’ils vous font l’effet de répulsifs, si vous prétendez qu’ils doivent être réservés aux colonnes des journaux, section économie ou société, refermez aussitôt ce livre ou, pour les plus modernes d’entre vous, éteignez votre liseuse, en tout cas passez votre chemin, ce texte n’est pas pour vous, autant vous prévenir tout de suite. Entre le ciel et la boue, préférez le ciel, c’est moins salissant ».

Voilà, le ton est donné, ce livre qui a autant de corps que d’âme, une écriture travaillée à la hauteur du sujet, est dédié avant tout « aux combattants sincères de Florange », puis dédié plus largement à tous les travailleurs de ces hauts-fourneaux de Lorraine qui ont fermé, les uns après les autres, et dédié encore plus largement à la mémoire ouvrière, sans misérabilisme, sans naïveté. Fouillé, il vise avec justesse son but, mettre en lumière la dignité de cette classe considérée comme une sous-classe, classe qui après avoir été exploitée pendant plus d’un siècle, se voit maintenant mise à la rue, comme un encombrant obsolète.

Péchés Capitaux, Jim Harrison

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 02 Novembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Flammarion

Péchés Capitaux, septembre 2015, trad. de l’anglais (USA) par Brice Matthieussent, 350 pages, 21 € . Ecrivain(s): Jim Harrison Edition: Flammarion

 

Depuis 1971, l’œuvre de Jim Harrison (1937) s’étoffe environ tous les deux ans d’un nouvel ouvrage, et, force est de l’admettre, après en avoir lu sept ou huit, dont les inévitables Sorcier, Dalva, La Route du Retour ou encore Légendes d’Automne, on peut avoir l’impression d’avoir eu un bon aperçu de son œuvre et se dire qu’on va passer à autre chose. A vrai dire, depuis la parution des Aventures d’un Gourmand Vagabond et, l’année suivante, d’une autobiographie, on avait un peu l’impression que Harrison lui-même avait fait le tour de la question et qu’on était trop paresseux pour aller y voir… Puis, à force de néanmoins lire environ tous les deux ans dans la presse spécialisée que le dernier Harrison est un excellent roman, on se dit qu’on va craquer et s’en lire un. Autant le préciser de suite : il m’est impossible de comparer avec un quelconque de ses romans publiés durant les années 2000, mais j’ai l’impression que Péchés Capitaux est 1° un tout grand roman même aux normes de Harrison ; 2° une fameuse cure de jouvence par rapport à ses thématiques habituelles ; 3° un roman-somme ludique. En somme, une perle rare.