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Roman

Corps Conducteurs, Sean Michaels

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 19 Janvier 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Canada anglophone, Rivages

Corps Conducteurs, janvier 2016, trad. anglais (Canada) Catherine Leroux, 448 pages, 22 € . Ecrivain(s): Sean Michaels Edition: Rivages

 

Sean Michaels (1982) est un Canadien multi-talentueux : créateur du très influent blog Said The Gramophone, il a écrit sur la musique, ainsi que sur les voyages et la culture, dans nombre de médias importants, de Pitchfork au Guardian en passant par The Wire. Dans toutes ces publications, il a pu exercer sa plume et se montrer fin et sensible observateur (il fait partie des premiers journalistes à avoir repéré Arcade Fire entre autres). Il est donc peu surprenant que son premier roman ait pour thème un musicien, ou du moins un inventeur ayant donné son nom à un instrument de musique, Léon Thérémine (1896-1993, en russe : Lev Sergueïevitch Termen) et soit un bijou d’écriture sensible, finement ciselé.

Corps Conducteurs se présente comme une autobiographie, une réflexion sur la propre histoire de son narrateur, ainsi que l’indique la première phrase : « J’étais Léon Termen avant d’être le docteur Thérémine, et avant d’être Léon, j’étais Lev Sergueïevitch ». Mais l’auteur prévient en note : « Ce livre est un ouvrage de fiction rempli de distorsions, d’élisions, d’omissions et de mensonges. […] Quiconque souhaite connaître la véritable histoire de Termen devrait lire Theremin : Ether Music and Espionage, d’Albert Glinsky, un volume méticuleusement documenté auquel ce roman est grandement redevable ».

Le Problème à N corps, Catherine Quilliet

Ecrit par Laurent Bettoni , le Lundi, 18 Janvier 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Paul & Mike

Le Problème à N corps, novembre 2015, 232 pages, 14 € . Ecrivain(s): Catherine Quilliet Edition: Paul & Mike

 

Vincent retrouve un jour, par hasard, dans ses affaires, le journal intime qu’il tenait dix ans auparavant, alors qu’il usait encore ses fonds de culotte sur les bancs de la faculté de mathématiques de Grenoble. Une soixantaine de pages attirent particulièrement son attention, des pages enflammées consacrées à une certaine Marianne, pour laquelle il nourrissait, a priori, un amour dévorant.

A priori. Car Vincent n’a aucun souvenir, ni de la jeune femme ni d’avoir écrit ces lignes qu’il juge d’une beauté époustouflante, à l’image de leur inspiratrice. Comment lui, le matheux, l’homme d’équations et de chiffres, a-t-il pu être à ce point un homme de lettres et l’avoir oublié ? Peut-on oublier que l’on possède un talent pareil ? Peut-on oublier une telle passion de jeunesse et peut-on oublier les traits de celle qui vous avait tant tourné les sens ? D’accord, Vincent est tête en l’air et a certainement une mémoire sélective. Par exemple, il égare toujours le téléphone portable que lui a offert sa compagne Claire, sur lequel elle a renoncé à tenter de le joindre depuis déjà un fameux bail. D’accord. Mais un amour flamboyant qui vous a fait sortir de vous-même des phrases d’une telle intensité, d’une telle force, on s’en souvient toute sa vie, non ?

Une jeunesse de Blaise Pascal, Marc Pautrel

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 15 Janvier 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Une jeunesse de Blaise Pascal, janvier 2016, 96 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel Edition: Gallimard

 

« En l’absence de son père et ignorant des secrets, Blaise trace ses triangles et ses cercles à la craie sur le sol, assis pendant des heures sur le carrelage de la salle à manger devenu pour lui une immense ardoise de calcul ».

Cette jeunesse est le roman d’un génie, l’enfance romanesque d’une aventure qui va transformer le monde, ou, pour le moins, le regard que ses contemporains et leurs descendants vont porter sur lui. Ce roman est celui de l’enfance d’une pensée en mouvement – un trait continu (…) efficace et incontestable – qui va très vite sauter aux yeux de son père et de ses amis mathématiciens. Cette jeunesse est l’enfance d’un mouvement, le geste ample de Blaise Pascal, qu’éclairent les phrases souples, vives et élégantes de Marc Pautrel. Cette jeunesse est aussi celle de l’absence, de la perte, d’un trouble profond, Baise Pascal ne cessera de se demander où se trouve sa mère, pourquoi est-elle morte, quel mal l’a traversée et terrassée, pourquoi n’était-il pas là pour la sauver. Cette douleur habitera sa jeunesse, comme celles qui ne cesseront de l’assaillir, jusqu’à la dernière qui fécondera ses Pensées.

Fonds perdus, Thomas Pynchon

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 15 Janvier 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, USA, Seuil

Fonds perdus, trad. Nicolas Richard, 441 pages, 24 € . Ecrivain(s): Thomas Pynchon Edition: Seuil

Avec Fonds perdus (Bleeding Edge), « l’auteur reclus », Thomas Pynchon, signe l’un de ses meilleurs livres, un « thriller policier » où se mêlent comme dans ses opus précédents absurde et érudition. Situant son roman dans NYC (New York City) 2001, Pynchon transpose ici les anciens codes du polar dans l’univers des nouvelles technologies. Dans un décor de Web profond se pratique, au travers de l’enquête de l’héroïne Maxine Tarnow, une radiographie des bas-fonds de la vie new-yorkaise. La vie newyorkaise telle qu’elle se déroulait, juste après l’éclatement de la bulle Internet (The Bubble dot-com), juste avant les événements tragiques du 11 septembre 2001 – dans une interzone trouble, troublante. Une problématique sert de fer de lance à l’intrigue : comment se fait-il que la start-up hashslingrz du très louche Gabriel Ice, société de sécurité informatique downtown très active dans l’Alley, n’ait pas bu le bouillon au moment de l’éclatement de la bulle ?

Un « thriller policier » vraiment ? Le genre est plus difficile à fixer. Le nom de la collection aux éditions du Seuil, Fiction & Cie, suffit sans doute et sonne plus juste. Certes le rythme haletant et la visite des bas-fonds très troubles où nous entraîne l’ère dot-com flirtent avec le genre du thriller. De même que l’enquête que nous fait suivre ce roman nous rapproche du genre policier. Mais – et cela ressemble à son auteur – tenter de définir ici avec justesse le genre de Fonds perdus est plus compliqué que cela.

Embruns, Bernard Pignero

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 14 Janvier 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Embruns, Encretoile, novembre 2015, 162 pages, 17 € . Ecrivain(s): Bernard Pignero

 

Embruns… entre brume et bruine. Océan dans les yeux et bien plus sur les lèvres. Embruns, ligne floutée de partage entre rêve et réalité, douleur et presque plaisir, et bien sûr, vie et mort… Accessoirement, nom aussi que porte le Centre d’Aide par le Travail du livre. Beau titre, en tous cas, qu’illustre la magnifique photo de couverture, pour le dernier opus-réflexion de B. Pignero. Livre fort, comme d’habitude avec cet auteur, plus philosophique pour autant que les autres.

Livre qu’on n’écrit pas à vingt ans – n’est-ce-pas ? Porteur de pas mal de gens, paysages, tourments, et pourquoi pas, choses. Livre-besace, mais allégeant son poids à chaque pas-page. Parce qu’itinéraire, et pas n’importe lequel.

Quelque part, sur l’Atlantique, en province (entre le bas de Bordeaux et les Landes, dira-t-on), dans des lieux où Chabrol posait parfois ses films. Eloi, la quarantaine – maladie orpheline, suffisamment grave pour borner déjà sa courte et douloureuse vie – fait le tour de sa chambre, en attendant « l’angoisse crépusculaire » que des lignes particulièrement fortes de Pignero nous donnent à ressentir, à vivre, à palper : « …comme si tous les enfants souffraient tous les soirs d’un mal qui leur noue les nerfs et les muscles et les tord dans la poitrine en un écheveau inextricable ».