Le mariage de Pavel, Jean-Pierre Milovanoff
Le mariage de Pavel, octobre 2015, 202 pages, 17 €
Ecrivain(s): Jean-Pierre Milovanoff Edition: Grasset
Le mariage de Pavel est un roman sur l’exil : ses motivations d’origine, ses conséquences attendues ou imprévues, ses conditions de survenance, ses traces sur les vies des individus un jour ou l’autre concernés par cet acte. Pavel, personnage principal, est un russe blanc ; il a fui à l’âge de quinze ans sa famille et son pays pour échapper à une mort quasi-certaine, lui le jeune bourgeois issu d’une école militaire tsariste et à ce titre « ennemi de classe ». Après avoir traversé l’Ukraine dévastée par la guerre civile, il parvient à Sébastopol, gagne Constantinople et parvient enfin en France, où il devient ingénieur dans les Cévennes. Il y rencontre deux sœurs, Rénata, institutrice, et Odine, danseuse chorégraphe. Il épouse Renata. Un soir d’été, il décrit à son fils Jean-Pierre ce qu’il a ressenti, vraiment, depuis son départ de Russie. Et c’est toute une série d’impressions, de réflexions, de constats que nous livre Pavel, pour arriver à un état des lieux de l’exil presque complet. Ainsi, il examine les conditions de décision, les circonstances qui déclenchent ce choix :
« On doit faire vite quand on vit sous la menace. Il n’y a pas de place pour les tergiversations. Ni pour les regrets. On s’exile par nécessité, souvent dans l’urgence, quelquefois avec enthousiasme ».
Pourtant, au-delà de la confrontation immédiate au drame et à la nécessité, Pavel trouve d’autres motivations à l’exil plus irrationnelles :
« Il y avait une part d’illusion, naturellement. D’enthousiasme, si tu préfères. Je me croyais capable de toutes les métamorphoses que l’exil exigerait ! J’ai lu Voltaire, Victor Hugo, Zola ».
Pavel fait également le récit des circonstances qui l’ont poussé à quitter Berdiansk, en proie à la fièvre révolutionnaire, aux exécutions des individus devenus indésirables, dont Pavel apprend incidemment qu’il fait partie, en raison de ses origines. On pense, à la lecture de ce passage du roman, à Isaac Babel dans son Journal pétersbourgeois, décrivant froidement les scènes de la guerre civile.
On revient à l’histoire personnelle de Pavel par le bilan qu’il fait, des conséquences du changement de langue et de la persistance du souvenir de la Russie :
« Où que je me trouve (…) je suis rattrapé par mes souvenirs de la Russie (…) Je peine à décrire mes anciennes émotions dans cette langue française que je parle mieux que beaucoup mais qui me paraît froide et abstraite par rapport au russe ».
Le mariage de Pavel est un roman pudique, apportant un éclairage significatif sur l’exil, comme condition de l’être humain, comme catalyseur d’une vie individuelle. A recommander.
Stéphane Bret
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