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Roman

Monarques, Sébastien Rutes, Juan Hernandez Luna

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 04 Décembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel

Monarques, août 2015, 384 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Sébastien Rutes, Juan Hernandez Luna Edition: Albin Michel

 

Voilà un récit étonnant, riche en rebondissements, d’une puissance d’évocation rare ; et qui pose des questions essentielles au-delà de l’apparente superficialité de la trame.

Cette dernière s’appuie sur un échange de correspondances entre Jules Daumier et Augusto Solis. Ce dernier, homme du monde des arts mexicains, travaille pour le cinéma ; il est fasciné par une certaine Loreleï Lüger, actrice de son état, mais dont les suites du récit vont faire de plus en plus douter de son rôle et de son identité véritables.

C’est Jules Daumier, garçon de course au journal L’humanité qui lui répond en lieu et place de cette Loreleï pour lui indiquer son absence de Paris et promettre dans la foulée à cet interlocuteur épistolaire de la retrouver, de lui donner des informations sur son égérie dès que Jules Daumier le pourra. Il s’ensuit un échange de correspondances passionnantes : on y découvre ainsi le Paris des années 30, celui de la préparation du Front populaire, celui du Vel d’Hiv, lorsque ce lieu sportif n’était encore qu’un stade dans lequel on pouvait assister à des courses cyclistes, des matchs de catch qui font apparemment vibrer notre coursier :

Meyer et la catastrophe, Steven Boykey Sidley

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Jeudi, 03 Décembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Belfond

Meyer et la catastrophe, octobre 2015, trad. anglais (AfSud) Valérie Bourgeois, 350 pages, 21 € . Ecrivain(s): Steven Boykey Sidley Edition: Belfond

Meyer ou la catastrophe est le troisième roman de Steven Boykey Sidley, et le premier publié en France. Ce sud-Africain a été ingénieur informatique comme son héros et scénariste à Hollywood, avant de tout plaquer pour l’écriture.

Meyer ou la catastrophe est un grand roman qui emprunte un humour à la Woody Allen, pour les questions autour du sexe, de l’angoisse et de la psychanalyse, un style incisif et drôle à la Philippe Roth ou Joseph Heller, offre un réel divertissement dans la manière de traiter les questions difficiles des différentes étapes de la vie et nous fait vivre à travers la vie mouvementée de Meyer, toutes les émotions de celui-ci pris entre drames et passions.

Saxophoniste raté et ingénieur en informatique, Meyer va consécutivement se séparer de sa petite amie, perdre son ex-femme avec laquelle il envisageait justement, vingt ans plus tard, de se remettre, voir son fils pris dans la drogue puis lui échapper sur un autre continent (celui des origines de sa mère, le Zimbabwe), sa fille d’un autre mariage tomber gravement malade, un père vieillissant disjoncter et se retrouver en prison après avoir tiré sur des gens et finalement mourir et, en toute fin, perdre son travail, un travail dont il aura à plusieurs reprises mesuré combien il n’était que servitude alors qu’il était le seul à avoir de vrais pouvoirs sur son patron.

A toi, Claudia Piñeiro

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 02 Décembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Actes Sud

A toi, avril 2015, trad. espagnol (Argentine) par Romain Magras (Tuya, 2005), 176 pages, 18 € . Ecrivain(s): Claudia Piñeiro Edition: Actes Sud

 

Il suffira d’un petit mot griffonné avec un bâton de rouge à lèvre qui dit « à toi » pour qu’Inès découvre que son mari Ernesto a une aventure extra-conjugale. Une aventure qui ne doit pas être la première et qu’elle s’efforce de trouver bien compréhensible, excusable même, car il ne l’a pas quittée pour autant. Tant que les apparences sont sauves et qu’il n’y a pas de drame spectaculaire… L’autre, c’est apparemment la secrétaire de son mari. Poussée par une irrésistible curiosité, Inès va cependant suivre celui-ci sur l’un de ses rendez-vous nocturnes… pour assister au meurtre accidentel de sa rivale !

Dans une famille exemplaire de la bourgeoisie aisée de Buenos Aires, il va falloir cacher les choses. Disparition des preuves, à commencer par le corps, fabrication des alibis… heureusement qu’Inès est là pour sauver ce couple et cette famille si convenable. Une épouse et mère « modèle » dont on découvre petit à petit le peu d’estime dans laquelle sa fille et son époux la tiennent. Un couple bien convenable qui est aussi passablement égoïste et centré sur lui-même. Un couple qui semble plutôt bien désuni malgré les apparences et qui ne voit rien de ce qui arrive à leur fille, Laura dite Lali. Lali qui se retrouve bien seule pour faire face à ce qui lui arrive et qui va radicalement transformer sa vie.

Les voleurs de sexe, Janis Otsiemi

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 01 Décembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Jigal

Les voleurs de sexe, septembre 2015, 200 pages, 18 € . Ecrivain(s): Janis Otsiemi Edition: Jigal

 

Chaque nouveau roman de Janis Otseimi est l’occasion pour le lecteur éloigné du Gabon de découvrir de nouvelles plaies qui rongent comme un cancer ce pays aux multiples richesses naturelles. Le patchwork amorcé dans ses précédents romans (cf. les critiques publiées dans La Cause Littéraire) se complète ici de deux affaires très liées aux croyances locales et de l’évocation au travers d’un fait divers d’une réalité socio-économique qui contribue à accentuer les écarts entre les riches et les pauvres.

La première affaire qui donne le titre à l’ouvrage se réfère à la croyance relayée par le « radio-trottoir » que des hommes en serrant la main, ou en frôlant un autre mâle, lui volent son sexe. Crime odieux dans un pays où la virilité masculine est plus sacrée que les couleurs du drapeau national et où l’impuissance est maudite. Crime le plus souvent imputé à des étrangers de préférence de confession musulmane, réglé sommairement par une séance de lynchage à mort perpétrée par une population à très grande majorité chrétienne, gagnée par la psychose et prompte à relayer toutes sortes de rumeurs. Sexe, maraboutage, superstition et religions. Risque d’éclatement de la cohésion sociale.

1984, George Orwell

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 28 Novembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Science-fiction, La Une Livres, Iles britanniques, Folio (Gallimard)

. Ecrivain(s): George Orwell Edition: Folio (Gallimard)

 

La réédition de 1984 (1948, toujours dans la très bonne traduction d’Amélie Audiberti) est l’occasion de relire l’ultime roman de George Orwell (1903-1950), l’un des plus grands penseurs anglais du XXe siècle, auteur de romans et d’essais, dont certains sont de toute première importance. De le relire, parce que tout le monde, censément, l’a lu, étant donné le nombre de références qui y sont faites quotidiennement dans la presse, de la télé-réalité à l’affaire Snowden en passant par l’omniprésence des caméras de surveillance en Grande-Bretagne : régulièrement, l’actualité semble l’occasion de faire une référence à ce roman que l’on qualifie volontiers de visionnaire.

Rappelons brièvement l’histoire : dans un futur qu’Orwell envisage proche (l’année est 1984), la Terre est divisée entre trois grandes puissances en guerre perpétuelle, Océania, Estasia et Eurasia, avec des alliances fluctuantes. A Londres, dans l’Océania, Winston Smith est employé au Ministère de la Vérité, où sa fonction consiste à réécrire entre autres des articles de journaux en fonction des fluctuations de l’actualité, ou plutôt de la réalité :