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Roman

Le Moine de Képhas, Angelo Boschetti, Stepano Brasi

Ecrit par Mélanie Talcott , le Samedi, 09 Janvier 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Italie, Toucan

Le Moine de Képhas, traduit de l’italien par Olivero Garlasseri 283 pages . Ecrivain(s): Angelo Boschetti, Stepano Brasi Edition: Toucan

 

Loin de Michel Houellebecq, Le moine de Képhas nous plonge dans une fiction vs prémonitoire. Assassinat d’un imam de la mosquée de Villeurbanne, rebellions musclées dans les banlieues, chars antiémeutes, arrestations, comparutions immédiates, explosions, attentats, victimes innombrables, gouvernement ahuri et débordé, président mutique au charisme mou, couvre-feu, plan Vigipirate écarlate. L’état de guerre est déclaré. Les politiques et hauts fonctionnaires de l’Etat – vieille école de l’ombre « le seul endroit où l’on peut encore penser avant d’agir contre la génération Sciences-Po, ENA, où l’on forme depuis quatre décennies des bans entiers de squales débridés, sans maître, sans foi, sans loi, qui iront diriger le pays comme on gère une banque, sous les feux de la rampe ; pas de réflexion, juste de l’instinct – pensent fissa et en coulisses d’abord à leur carrière qui file en quenouille, la menace terroriste créant l’opportunisme de leur montée ou de leur rétrocession en grade, avec pertes et profits de leurs passe-droits matériels et sexuels. Les décisions politiques se prennent en fonction de la courbe des sondages. L’équipe gouvernementale fictionnelle en caricature d’autres, récentes ou actuelles.

Conan le Cimmérien, Robert E. Howard

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 08 Janvier 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Aventures

Conan le Cimmérien, Bragelonne, avril 2015, trad. anglais (USA) Patrice Louinet, François Truchaud, 576 pages, 25 € . Ecrivain(s): Robert E. Howard

 

En trois volumes publiés en 2007 et 2008, les éditions Bragelonne ont réédité la partie de l’œuvre de Robert E. Howard dédiée à Conan. De celui-ci, l’adolescent des années quatre-vingt garde surtout le souvenir de films à fort coefficient de testostérone avec Arnold Schwarzenegger dans le rôle-titre ; c’était Conan le Barbare, et une contrepèterie assez facile avait fait donner à ce héros un surnom peu enviable. Quant aux recueils publiés chez J’Ai Lu, dégottés au hasard de grandes surfaces, on en conserve le souvenir de lectures un peu faciles, voire un peu honteuses. La réimpression du premier volume aux éditions Bragelonne, Conan le Cimmérien, semblait une bonne occasion de renouer le contact ; celui-ci fut tellement bien renoué qu’on a une seule envie : lire les deux autres volumes. Expliquons pourquoi.

La première raison est peut-être tout simplement que le lecteur n’a ici affaire qu’à l’œuvre propre de Robert E. Howard, le créateur de Conan et son univers (nous y reviendrons), sans les pastiches et autres continuations signées Sprague de Camp, Robert Jordan et bien d’autres ; entre les nouvelles laissées en plan par Howard et reprises par des écrivains de passage, et les histoires inventées de toute pièce, tout ce qui avait comme personnage principal Conan n’était pas nécessairement d’une qualité homogène.

Une infinie tristesse, Alfredo Bryce-Echenique

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 17 Décembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Métailié

Une infinie tristesse (Dándole pena a la tristeza), février 2015, trad. espagnol (Pérou) Jean-Marie Saint-Lu, 280 pages, 19 € . Ecrivain(s): Alfredo Bryce-Echenique Edition: Métailié

Chronique d’une décadence attendue

Voilà une saga familiale qui tourne bien mal. Qui tient même plus du jeu de massacre que de quoi que ce soit d’autre. Tout commence avec l’ancêtre à l’origine de cette dynastie liménienne (de Lima) au début du siècle dernier, Don Tadeo De Ontañeta, devenu très riche et très vieux. Une vieillesse qu’il accepte assez mal comme il annonce dès l’ouverture de cette « infinie tristesse ».

– Ne vieillis jamais, Alfonsinita… Ne sois jamais vieille, au grand jamais.

– …

– Et encore moins archivieille, Carlita, jamais…

– …

– Et toi non plus, Ofelita… Ne sois jamais archivieille, ce qui s’appelle jamais… Et encore moins archivieux, comme moi. Archivieux, comme moi. Archivieux pour de bon comme moi seul peut l’être. Archivieux, comme moi seul, ça alors non, jamais, jamais, jamais, Elenita…

La Vie volée de Jun Do, Adam Johnson

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 17 Décembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Points

La Vie volée de Jun Do, septembre 2015, trad. de l’anglais (USA) par Antoine Cazé, 696 pages, 8,95 € . Ecrivain(s): Adam Johnson Edition: Points

 

S’il est, en 2015, un Etat qui éveille les phantasmes les plus divers, c’est bien la Corée du Nord. Ce pays est tellement secret et autarcique que, dans le roman World War Z par exemple, la question se pose de savoir si ses vingt-cinq millions d’habitants sont toujours humains ou tous zombifiés dans les tunnels traversant le pays, puisqu’il est impossible d’obtenir la moindre information en provenance de Pyongyang. Quant à James Bond, il y a effectué un séjour des plus déplaisants durant Meurs un Autre Jour. Et nul doute que les références à cet état-voyou, pour reprendre la terminologie états-unienne, doivent pulluler dans nombre de récits d’espionnage, télévisuels, cinématographiques ou romanesques. Mais ce qui intrigue le plus avec la Corée du Nord, c’est ce mélange entre le sérieux, voire l’inquiétant (surtout pour son voisin du Sud), et le grand-guignolesque (même si l’information fut démentie : tuer un ministre à coup de canon, vraiment ?). Kim Jong-Il lui-même a tout du monarque fou, un rien Robert Mugabe, un rien Staline, tout dans l’outrance, avec une capacité fabuleuse à (se) mentir. Bref, ce pays possède toutes les qualités requises pour faire l’objet d’un grand roman ; Adam Johnson (1967) l’a écrit, il s’intitule La Vie Volée de Jun Do et a même valu à son auteur le Prix Pulitzer pour la fiction.

Boulevard Saint-Germain, Gabriel Matzneff

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 16 Décembre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Boulevard Saint-Germain, coll. La petite vermillon, novembre 2015, 224 pages, 8,70 € . Ecrivain(s): Gabriel Matzneff Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

« Jeunes filles, jeunes gens, une règle d’or ; ne reniez jamais les êtres et les écrivains que vous avez aimés et, même si vous ne les aimez plus, même s’ils sont chargés de l’opprobre générale, persistez à les défendre mordicus, ne permettez à quiconque de médire d’eux en votre présence ».

Gabriel Matzneff fait partie de ces écrivains que certains jugent infréquentables, inqualifiables, voire sulfureux, comme, pour d’autres raisons, Richard Millet – le guerrier solitaire – ou encore Marc-Edouard Nabe – le guitariste dissonant –, ils vivraient dans une sorte de Purgatoire, déjà en son temps occupé par Céline, et risqueraient à chaque instant et à chaque livre de glisser vers l’Enfer. La passion affichée par l’écrivain pour les très jeunes corps, ses séjours à Manille, peuvent susciter quelque malaise, ou pour le moins un certain trouble. Trouble récemment accentué par une chronique dans une gazette sur les massacres parisiens, et plus précisément sur les victimes des islamistes armés et déchaînés, cette « génération Bataclan » moquée par l’auteur de La Passion Francesca, et symboliquement détruite par sa plume, en période d’effroi le silence devrait être roi.