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Roman

Ton père pour la vie, Antoine Silber

Ecrit par Arnaud Genon , le Mardi, 13 Octobre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arléa

Ton père pour la vie, août 2015, 152 pages, 18 € . Ecrivain(s): Antoine Silber Edition: Arléa

 

Au nom du père

On gardait du premier livre d’Antoine Silber un souvenir ému. Dans Le silence de ma mère, qui paraît ces jours-ci en édition de poche (1), l’écrivain avait brossé le portrait tendre de cet être mystérieux et fragile qu’était sa mère. Après nous avoir emmenés sur l’île de Patmos qui lui est chère (2), il offre dans son troisième livre un magnifique et bouleversant récit autofictionnel qu’il consacre cette fois-ci à son père.

Ton père pour la vie, c’est un peu le livre que chacun d’entre nous voudrait écrire sur son propre père, pour peu qu’on l’ait aimé. C’est un livre sur Michel Chrestien – Jacques Silberfeld de son vrai nom –, le père du narrateur-auteur, mais aussi le roman des amours filial et paternel réunis, de ce qui se joue au cœur de cette relation, de ce qu’elle implique dans la construction de soi. C’est un roman sur la famille, sur les racines, qu’elles soient géographiques ou religieuses. Sur ce qu’il reste de l’histoire des autres dans notre propre histoire.

Six Jours, Ryan Gattis

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 12 Octobre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Fayard, La rentrée littéraire

Six Jours, septembre 2015, traduit de l’anglais (USA) par Nicolas Richard, 432 pages, 24 € . Ecrivain(s): Ryan Gattis Edition: Fayard

 

Avant même d’ouvrir Six Jours (All Involved : A Novel of the 1992 L.A. Riots, titre autrement plus significatif), le premier roman de Ryan Gattis traduit en français, de multiples indices mènent à l’idée qu’on va être confronté à quelque chose de costaud. Il y a le soutien d’autres écrivains, et pas des moindres : Joyce Carol Oates, David Mitchell et Dennis Lehane ; mais on sait que pareil soutien peut se monnayer, ou s’échanger… Il y a plus concret : la chaîne HBO et le producteur Alan Ball ont acheté les droits en vue d’une adaptation télévisuelle, ce qui laisserait à penser que le matériau narratif proposé par Gattis est à tout le moins solide. Et puis il y a l’argument ultime, le gage d’authenticité parfait pour tout qui s’intéresse à la culture populaire nord-américaine : sur le site de l’auteur, à la page dédiée à Six Jours, se trouve la playlist du roman, et là, on se dit que s’il y est bien question des Supremes, des Temptations, de Bill Haley, de Toots & The Maytals, de Cypress Hill et bien d’autres encore, en ce compris des bandes originales de films signées John Williams (plus particulièrement sur la « bombing mixtape » de Freer, l’une des voix du roman – on y reviendra), ce roman va parler de vrais gens, de ceux qui vivent avec de la musique en fond sonore constant, pour qui elle signifie quelque chose, et sans laquelle manquerait une part essentielle de leur personnalité.

Tout ce qui m’est arrivé après ma mort, Ricardo Adolfo

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 12 Octobre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Métailié

. Ecrivain(s): Ricardo Adolfo Edition: Métailié

 

Tout ce qui m’est arrivé après ma mort est une farce sur l’exil, aussi drôle que pathétique, dérangeante aussi, car l’auteur brouille un peu les pistes, ce qui lui permet de montrer comment chacun de nous, quel qu’il soit, bien installé dans sa peau de lecteur-voyeur-ricaneur, pourrait lui aussi un jour basculer et devenir le clown de sa propre histoire. Car à vrai dire notre identité, notre assurance, nos certitudes, ne tiennent qu’à un fil et si ce fil est coupé, quand tous les repères disparaissent, que l’on ne comprend plus personne et que personne ne nous comprend, et que l’on devient quantité négligeable, un immigré donc, une statistique, une ombre, alors on peut se perdre très facilement. Se perdre dans une ville étrangère et surtout se sentir étranger à soi-même. Un exil plus pernicieux encore.

Brito est un personnage clownesque. Doublement perdu avec son épouse et son tout petit garçon, dans une ville sur l’île, et on devinera au bout d’un moment qu’il s’agit de l’Angleterre, et loin du pays, qu’on sait être le Portugal, où Brito était postier.

Mā, Hubert Haddad

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Jeudi, 08 Octobre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, Zulma

Mā, septembre 2015, 256 pages, 18 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

« Toute richesse n’est que rosée sous le vent… »

Si l’auteur ne fait référence qu’une seule fois dans son ouvrage à son titre, Mā, sur une feuille de papier blanc, écrit d’un geste élégant par une radieuse et belle jeune fille, couvrant ainsi chaque ligne d’encre et ouvrant l’espace bien au-delà de l’intuition immédiate de la totalité, ne faut-il pas y voir pour l’auteur l’impermanence de la singularité du savoir au regard de la réalisation simple des choses de la vie ? Ne suffit-il pas d’un geste, un regard, une pensée, l’éventail des intervalles dans l’intimité de l’être pour unir ce qui sépare, comme pour mieux comprendre que la forme n’est que vide et que le vide n’est que forme, n’est-ce pas alors cela le pur éveil ?

Mais la vie, à quoi peut-on la comparer ? : « À la goutte de rosée secouée du bec de l’oiseau aquatique et sur quoi vient luire un reflet de lune… Si blancs que soient ces champs, si pur que soit un cœur, nous agissons toujours à tâtons, dans d’insondables ténèbres.

Où trouver la vérité ? La neige tombe et tourbillonne ».

La barbe ensanglantée, Daniel Galera

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 08 Octobre 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Gallimard

La barbe ensanglantée, mars 2015, traduit du portugais (Brésil) par Maryvonne Lapouge-Pettorelli, 512 pages, 24,90 € . Ecrivain(s): Daniel Galera Edition: Gallimard

 

Fascinant ce roman, et puissant, il se déroule de façon un peu heurtée parfois, ou bien cela vient peut-être de la traduction, mais très vite on se retrouve comme hypnotisé par son mouvement, un balancement entre ressac océanique et l’ondulation du serpent.

Le personnage principal n’est pas le narrateur et on ne connaîtra pas son nom. L’auteur use de la troisième personne pour en parler, mais pourtant très vite on a vraiment l’impression d’être à l’intérieur de sa tête. Déboussolé par la perte de sa petite amie qui l’a quitté pour son frère, à qui il ne veut pas pardonner cette trahison, puis par le suicide de leur père, dont lui seul a été prévenu par le père en personne, qui l’a fait venir juste avant de passer à l’acte, pour lui faire promettre de faire piquer sa vieille chienne, pour qu’elle ne souffre pas de son départ. Et qui a remis aussi sur le tapis le mystère de la disparition de son père à lui, le grand-père donc du personnage principal, qui aurait été assassiné dans une petite commune au bord de l’océan au sud du pays.