Identification

Roman

La souris qui rugissait, Leonard Wibberley

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 28 Mars 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Contes

La souris qui rugissait, trad. américain JM. Daillet éd. Héros-Limite, Genève, 2017, 256 pages, 12 € . Ecrivain(s): Leonard Wibberley

 

Héros-Limite a la bonne idée de rééditer un des livres les plus improbables et désopilants du XXème siècle. L’auteur est comme Joyce et Beckett, un Dublinois. Les trois forment un « trio du fantôme ». Son père anticipa de 100 ans le Brexit. Professeur d’agronomie à l’University College de Cork, il défendit l’idée d’un Royaume-Uni auto-suffisant et sans Empire. A sa mort, Leonard doit abandonner ses études et travailler très vite comme journaliste au Sunday Dispatch puis au Daily Mirror et devient rédacteur en chef dans un journal à la Trinité-et-Tobago… puis correspondant de guerre aux États-Unis pour L’Evening News et à l’Associated Press de New-York. Il s’installe enfin en Californie en 1947, travaille au Los Angeles Times et commence une œuvre de romancier.

Avec la parution de La souris qui rugissait (1955), il devient célèbre et 4 ans plus tard le film (avec Peter Sellers) qui en est tiré connaît lui aussi un immense succès. Wibberley va écrire plusieurs suites, des livres pour enfants narrant les déboires d’un soldat anglais en lutte contre les insurgés américains (la série John Treegate), et sous le nom de jeune fille de son épouse il entame les aventures policières d’un moine franciscain de Los Angeles (Father Joseph Bredder). Boulimique, l’auteur fut aussi animateur de radio.

La vie magnifique de Frank Dragon, Stéphane Arfi

, le Mardi, 28 Mars 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

La vie magnifique de Frank Dragon, janvier 2017, 272 pages, . Ecrivain(s): Stéphane Arfi Edition: Grasset

 

 

Ce premier roman de Stéphane Arfi détonne par son ambition : raconter à nouveau ce qui l’a déjà été mille fois, parfois jusqu’au trop-plein mémoriel, la France de Vichy, la Libération et le début des années 50 avec une population éreintée qui ne se remet pas d’avoir voulu Pétain quelques mois plus tôt… Oui, le Vel d’Hiv, Drancy, Auschwitz, Oradour, tout cela a été dit, et très bien. Les Juifs cachés par des voisins, des amis, des inconnus, des Justes, tout cela a été documenté, filmé très souvent et tout aussi bien. Alors comment dire à nouveau cette histoire ? Comment reposer des mots sur ces sommets de l’horreur qui nous semblent si lointains mais ne cessent de nous hanter ? Et surtout, pourquoi dire à nouveau cette Histoire ? D’abord, comment raconter ce passé qui ne semble toujours pas vouloir passer ?

Monsieur Han, Hwang Sok-Yong

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 27 Mars 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Zulma

Monsieur Han, octobre 2016, trad. coréen Choi Mikyung, Jean-Noël Juttet, 133 pages, 8,95 € . Ecrivain(s): Hwang Sok-Yong Edition: Zulma

Roman du déchirement d’un pays, la Corée, et de la déchirure pour la plupart des Coréens, exprimés par le cours de l’histoire chaotique d’un homme que le tsunami de l’Histoire du monde emporte dans ses lames dévastatrices.

Le roman commence par le portrait d’un vieil homme solitaire, Monsieur Han, pauvre et peu communicatif, employé comme croque-mort subalterne dans une petite entreprise de pompes funèbres, locataire d’une chambre misérable dans un immeuble délabré d’un quartier défavorisé d’une ville de Corée du Sud au début des années soixante-dix, soit près de vingt ans après la signature de l’armistice de Panmunjeom en 1953.

Atmosphère sombre de roman réaliste (on pense irrésistiblement à la maison Vauquer et au Père Goriot), voisins d’immeuble tantôt méprisants, tantôt hostiles, tantôt charitables, tous à l’affût de la vacance prévisible et souhaitée de la chambre sordide occupée par Monsieur Han et ardemment convoitée par les résidents obligés, en conséquence de la crise du logement qui a suivi la signature de l’armistice entre les deux Corées et l’afflux de réfugiés du Nord vers le Sud, de vivre entassés les uns sur les autres dans une promiscuité difficile à supporter.

Car si l’on nous sépare, Lisa Stromme

Ecrit par Stéphane Bret , le Lundi, 27 Mars 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques

Car si l’on nous sépare, Lisa Stromme, éd. HarperCollins, traduiction de l'anglais collective, mars 2017, 321 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): Lisa Stromme

 

La réécriture de la vie d’un peintre, y compris sous l’angle purement romanesque est un exercice malaisé. Lisa Stromme, auteure de Car si l’on nous sépare, se sort avec brio de cette embûche. Nous sommes en 1893, en Norvège, patrie d’Edvard Munch, peintre le plus célèbre de ce pays, dans le petit village de pêcheurs d’Asgardstrand. Johanne Lien, fille d’un fabricant de voile, est embauchée le temps d’une saison chez les Ihlen, famille bourgeoise. Elle se lie avec l’une des filles de la maison, Tullik Ihlen, qui va lui présenter bientôt Edvard Munch, et l’introduire dans le monde de la bohème et des artistes, univers inconnu de cette jeune fille promise à Thomas, un martin-pêcheur du village qui envisage de l’épouser.

Le roman de Lisa Stromme est articulé par chapitres, chacun traitant d’une couleur ou d’une technique de l’art pictural. Ces titres de chapitres sont inspirés de l’œuvre de Goethe, Traité des couleurs. Au-delà de ce découpage, c’est la découverte par les deux principales héroïnes du roman, Johanne et Tullik, qui nous est offerte par Lisa Stromme. Ainsi, de la perspective de l’émancipation, de l’exercice du libre arbitre que Johanne pressent en écoutant son amie évoquer Hans Jaeger, peintre norvégien :

A coups de pelle, Cynan Jones

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 23 Mars 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Joelle Losfeld

A coups de pelle (The Dig), 23 mars 2017, trad. anglais (Pays de Galles) Mona de Pracontal, 168 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Cynan Jones Edition: Joelle Losfeld

 

Cynan Jones sait de quoi il parle quand il écrit car il écrit du cœur même de ses œuvres. Il est paysan au Pays de Galles. Déjà, dans Longue sécheresse, il avait fait de la campagne galloise, âpre et ingrate, le sujet de son roman. Ici encore, ce court roman est un choc littéraire et humain. C’est un chant rude et poignant sur la perte et la solitude. Jamais la campagne galloise ne fut aussi sombre. Le style dépouillé, minimaliste, de Cynan Jones, construit une tragédie rurale glaçante.

Daniel est fermier. Il est le seul personnage à porter un nom dans le roman, pour mieux souligner son absolue solitude. Les autres, le grand gars, le policier, la mère, ne sont que des ombres rencontrées au hasard. Daniel vient de perdre sa femme, l’être de sa vie. Elle est morte sous le sabot d’un cheval qu’elle soignait. Depuis, il n’est que dévastation intérieure, terreur, souvenirs écrasants. Sa vie, à peine sa survie, ne tient qu’aux obligations de la ferme, les bêtes à nourrir, les naissances d’agneaux. Il ne laisse plus à personne le soin d’accompagner le travail des brebis. Il y trouve la vie à sa source, dans le ventre même des mères.