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Roman

Premières neiges sur Pondichéry, Hubert Haddad (2ème critique)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Lundi, 27 Février 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Zulma

Premières neiges sur Pondichéry, janvier 2017, 192 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

Le récent livre de Hubert Haddad est un hymne à l’amour, dans chacune des formes qu’il peut prendre dans cette vie et sur cette terre.

C’est d’abord l’amour porté à une ville : Si je t’oublie Jérusalem est inscrit en lettres blanches sur le bandeau rouge de la couverture de l’ouvrage, comme un leitmotiv subliminal. Jérusalem considérée comme un paradis perdu, en quelque sorte retrouvé au cours d’un voyage en Inde, de Pondichéry à Chennai. L’Inde comme refuge, « destination privilégiée des jeunes refuzniks de Jaffa et de tel-Aviv ».

Hochéa Meintzel, violoniste virtuose maintenant âgé, a échappé par miracle, avec sa fille adoptive Samra, à un attentat à Jérusalem ; il s’agit d’un drame qui a eu lieu il y a vingt-sept ans et qui l’a marqué à vie.

« Chez nous, au Kerala – lui raconta Naudi-Naudi un jour de verve –, les juifs ont été accueillis à bras ouverts par les rajahs, voici des siècles. […] Les juifs se sont si bien intégrés à la société indienne qu’ils ont adopté ses festivités petit à petit, sa cuisine, ses modes vestimentaires, et même ses castes, Blancs et Noirs bien séparés, les Pardesi et les Malabari ! »

Deuxième chambre du monde, Jean-Philippe Domecq

Ecrit par Stéphane Bret , le Samedi, 25 Février 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Serge Safran éditeur

Deuxième chambre du monde, février 2017, 131 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Jean-Philippe Domecq Edition: Serge Safran éditeur

 

Dans ce roman, Jean-Philippe Domecq nous entraîne dans la métaphysique fiction, genre littéraire tendant vers un enrichissement de la perception du monde aux confins du romanesque et de l’interrogation de nature métaphysique. Deuxième chambre du monde met en scène un homme, qui semble vivre médiocrement, habité par la routine et la répétition mécanique de ses gestes et actes les plus quotidiens. Il semble ne pas avoir d’ailleurs une très grande estime de lui-même. Pour tromper son ennui, ou peut-être rechercher des sensations intenses, il scrute tout : son quartier, les lumières des immeubles voisins, la présence réelle ou supposée de ces derniers. Pourtant, un soir, sa persévérance est sur le point d’être récompensée : il voit le reflet d’une fenêtre qui s’allume, croit-il, au-dessus de chez lui. Il est envahi par cette présence, il en devient obnubilé. Le récit nous révèle, très graduellement, l’idée que le personnage central se fait de lui-même :

« C’est là que la nuit m’a dit, ou elle, l’ombre : Pourquoi avoir honte, c’est regimber contre ton inconsistance, quand telle est ta substance. N’est-il pas doux de se sentir creux au creux de l’air ? »

Le dimanche des mères, Graham Swift

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 24 Février 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Gallimard

Le dimanche des mères, janvier 2017, trad. anglais Marie-Odile Fortier-Masek, 142 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Graham Swift Edition: Gallimard

 

En gros, la pieuvre, c’est une tête et des bras multiples. Le dimanche des mères présente une forme (pas un aspect !) comparable à cela. Le narrateur – écriture limpide, traduction remarquable – se tient en quelque sorte fixement au mitan d’une journée de dimanche et compose un récit qui marie présent, passé et avenir avec un art de la variation focale tout simplement magistral. Le passé et l’avenir immédiats, un peu éloignés ou à plusieurs décennies de distance – d’où l’usage fréquent du futur dans le passé qui est un pur plaisir de lecture. Le corps fixe du propos, le pivot, c’est donc le dimanche ensoleillé du 30 mars 1924. Ça se passe à la campagne, dans le Berkshire, comté bucolique du sud de l’Angleterre parsemé de propriétés aristocratiques. Les employés de maison y sont à demeure ; laissant donc au loin, ailleurs, des parents, en particulier des mères auxquelles ils ne rendent visite qu’un dimanche précis dans l’année, celui donc dit des mères. L’absence pour ainsi dire générale des domestiques pendant cette fameuse journée, pour convenue ou contractuelle qu’elle soit, n’en est pas moins un « désagrément momentané » pour les maîtres. Afin de remédier à cela, les Niven et les Sheringham, voisins, se retrouvent chez les Hobday pour un « jamboree ». De plus, dans quinze jours exactement, Emma, la fille des Hobday, épouse Paul, le fils des Sheringham ; et les Niven sont invités d’honneur au mariage.

La langue oubliée de Dieu, Saïd Ghazal

Ecrit par Zoe Tisset , le Vendredi, 24 Février 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Québec, Moyen Orient

La langue oubliée de Dieu, Erick Bonnier Editions, janvier 2017, 232 pages, 20 € . Ecrivain(s): Saïd Ghazal

 

C’est un livre travaillé par la mémoire. Le lecteur comprend au fur et à mesure des mots et des phrases combien il peut être difficile de se souvenir comme d’oublier : « Wardé, ma grand-mère, avait la hantise de la mémoire disloquée, elle pratiquait le délire obsidional. J’étais l’entonnoir dans lequel son passé se déversait avec un amour mâtiné de haine ».

Aram est le descendant d’un peuple de confession syriaque parlant l’araméen, il est le dépositaire du cahier de son grand-père, personnage à la fois truculent, rempli d’une sincérité et d’un vouloir vivre hors du commun. « J’ai la langue mouillée par le ressac alphabétique d’un syriaque rouillé, d’un arabe trahi et d’un français adopté ».

Il faut qu’il traduise ce cahier, il n’a pas le choix, s’il veut enfin vivre avec lui-même. Rejeton d’une histoire d’amour et de meurtre, il vit avec une prostituée qu’il honnit, entre autre pour le rôle qu’elle a joué dans cette histoire qui le hante. « Didon, inconnue multiplicatrice de toutes coordonnées dans l’équation de mon existence. Ton émergence a fait chavirer l’opération d’addition simple de ma vie familiale et amicale ». Le style de l’auteur est flamboyant, il force l’admiration tant il est travaillé par une poésie du corps et des émotions :

Mon amie Nane, Paul-Jean Toulet

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 23 Février 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Mon amie Nane, janvier 2017, 187 p. 7,10 € . Ecrivain(s): Paul-Jean Toulet Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Il faut loyalement avertir tout lecteur de ce joyau littéraire : il sortira de ce livre éperdument amoureux de Nane et pour longtemps. Nane c’est Paris, la beauté, l’esprit, la joie d’être jeune et adulée par les hommes. Nane c’est l’insouciance des fêtes, des salons, des spectacles, du tout-Paris bourgeois du début du XXème siècle. Mais Nane c’est, d’abord, une jeune femme issue du peuple et qui s’est hissée dans le monde avec ce que la nature lui avait donné de mieux, sa beauté. Elle fait commerce de son corps mais en demi-mondaine, comme on disait alors. Aujourd’hui on utiliserait sûrement « call-girl » mais en tout cas jamais putain. Nane a trop de charme et d’intelligence pour ce terme brutal et jamais, le narrateur – Toulet sûrement – ne se permettrait son usage.

Ce roman, est-ce un roman ? Pas vraiment. On a une succession de tableaux mettant Nane dans diverses situations, devant son miroir, chez sa mère, à Venise, lors d’un apéritif mondain. Une succession qui, irrésistiblement, fait penser au théâtre, si prisé alors sur les boulevards parisiens. Qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit point d’un « théâtre de boulevard » balourd et souvent trivial tel qu’on le connaît aujourd’hui. Non, nous sommes plutôt du côté de Labiche, avec des dialogues pétillants, un humour souvent très drôle, des personnages décalés et toujours étonnants.