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Roman

Un certain M. Piekielny, François-Henri Désérable

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 29 Septembre 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, La rentrée littéraire

Un certain M. Piekielny, août 2017, 272 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): François-Henri Désérable Edition: Gallimard

 

« Qui était-elle, cette “souris triste” ? Comment avait-elle vécu ? Qu’était-elle devenue ? Je devais mener l’enquête, je n’avais plus le choix. Il faut savoir s’incliner face à la combinaison de hasards qui gouverne nos vies. Je décidais, peu à peu, de partir à la recherche d’un certain M. Piekielny ».

Un certain M. Piekielny est le roman de cette recherche, le roman d’une enquête placée sous la belle combinaison des hasards objectifs qui enfante parfois de beaux livres. C’est aussi le roman de l’enfance d’un écrivain. Romain Gary, enfant à Vilnius – ce jour-là le soleil faisait grève –, croise un certain M. Piekielny, son regard et ses friandises, il en fait le bref récit dans La Promesse de l’aube. C’est une apparition en forme de promesse, comme devraient l’être les romans : Quand tu rencontreras de grands personnages, des hommes importants, promets-moi de leur dire : au n°16 de la rue Grande-Pohulanka, à Vilno, habitait M. Piekielny. C’est cette promesse, cette phrase. Promets-moi de prononcer mon nom dit-il, et mon histoire leur sautera aux yeux ! L’histoire d’un petit homme disparu, disparu en compagnie de quelques autres millions de Juifs d’Europe, une phrase et une histoire qui vont donner naissance à ce roman voltigeur et éblouissant.

La Princesse de Bakounine, Lorenza Foschini

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 29 Septembre 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, Quai Voltaire (La Table Ronde)

La Princesse de Bakounine, septembre 2017, trad. italien Karine Degliame-O’Keeffe, 224 pages, 20 € . Ecrivain(s): Lorenza Foschini Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

Auteur d’un remarquable essai sur Le manteau de Proust, Lorenza Foschini retrace plusieurs destins russes dans cet essai qui prend la forme d’une enquête quasi policière en plein XIXe siècle.

Les figures de Bakounine, grand révolutionnaire, et de Zoé Obolenskaia, princesse rebelle qui a quitté son mari, gouverneur de Moscou, avec ses cinq enfants pour vivre en Europe occidentale et se livrer à sa passion de la politique, trouvent ici des portraits saisissants de vérité historique.

La recherche minutieuse entreprise par Lorenza Foschini a profité des services de descendants de cette princesse révolutionnaire, grande amie des anarchistes, modèle d’Anna Karénine pour Tolstoï. Zoé Petersen, son arrière-petite-fille, a transmis nombre de documents à l’auteure, ce qui fait de ce livre un ouvrage historique, et tout à la fois romanesque, tant la matière – exil, refuges, poursuites, rumeurs, méconduite, etc. – nourrit le lecteur, comme s’il était plongé dans le roman intime de personnages authentiques. Du reste, aux incertitudes livrées par le manque parfois de sources sûres, l’auteur répond en comblant les lacunes de « récits plausibles » des événements.

La Magie dans les villes, Frédéric Fiolof

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 29 Septembre 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Quidam Editeur

La Magie dans les villes, 105 pages, 12 € . Ecrivain(s): Frédéric Fiolof Edition: Quidam Editeur

 

Voilà un livre aussi magique que son titre. Un livre qui fait du bien et que l’on ne sait pas trop dans quelle catégorie classer. Ce n’est pas grave car de toute façon voilà déjà quelque temps qu’il ne quitte pas ma table de nuit. Ce n’est pas un récit ou roman, même s’il y a un narrateur et des personnages. Ce ne sont pas des nouvelles non plus. Des contes ou des fables ?… Un peu. Mais pas vraiment car il y a bien des continuité d’un texte à l’autre. Ce ne sont pas non plus des poèmes, même si pour certains la tonalité est celle de la poésie ou du merveilleux. Ne cherchons plus. Laissons le souci des catégories et du catalogue au catalogueur et classificateur. Savourons plutôt. Simplement.

Le narrateur nous raconte un homme, ses manies, ses rêves, son quotidien, sa fantaisie. Autour de lui une ville, une femme, une fille, un fils… Mais pas que. Il y a aussi une fée fatiguée. Très fatiguée. Elle est bien gentille, mais si âgée et fatiguée qu’elle n’est plus d’aucune efficacité. Bien sûr, elle a été jeune, mais c’était il y a longtemps. Et puis avec l’âge, elle a gardé des convictions et ne tient pas à faire n’importe quoi. Comme lui est passablement maladroit, toujours un peu à côté d’où on pourrait l’attendre, les choses vont souvent un peu de travers. Parfois insensiblement. Toujours irrésistiblement… Ce qui n’empêche pas une certaine philosophie, un mot qui rime avec ironie comme avec bonhomie.

Zero K., Don DeLillo (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Septembre 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Actes Sud, La rentrée littéraire

Zero K., septembre 2017, trad. américain Francis Kerline, 298 pages, 22,80 € . Ecrivain(s): Don DeLillo Edition: Actes Sud

 

Don DeLillo nous a toujours habitués à ses univers glacés, déshumanisés, saturés de technologie et de machines. Avec Zéro K, le vieil écrivain new-yorkais met une pierre de plus à l’édifice construit par sa vision noire du monde. Et quoi de plus noir que la mort ? La mort, vue par DeLillo, c’est l’assurance d’un roman âpre, terrible, désespérant. Et on n’est pas déçu.

Reprenant le thème connu de la SF du retardement du décès par cryogénisation, ce roman raconte la fin (« provisoire ») de gens qui ont choisi de mourir pour renaître un jour, quand les progrès de la médecine permettront de soigner les maladies mortelles aujourd’hui, de garantir une vie beaucoup plus longue. C’est la décision de Ross Lockhart qui, ne supportant pas la maladie létale de la jeune femme qu’il aime, décide, avec son accord, de la livrer à l’expérimentation.

Le narrateur est le fils unique de Ross. Il a perdu sa mère depuis longtemps. Son père l’a élevé dans le luxe matériel et un grand dénuement affectif et spirituel. Ross est un grand homme d’affaire, qui brasse décisions, pouvoir et argent. Il n’a guère de temps pour les effusions ou les élévations de l’âme.

Sigma, Julia Deck

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 27 Septembre 2017. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La rentrée littéraire, Les éditions de Minuit

Sigma, septembre 2017, 240 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Julia Deck Edition: Les éditions de Minuit

 

Intelligence service

Julia Deck n’est pas publiée aux Editions de Minuit par hasard. Elle est la plus que digne héritière de ce qui fut appelé « l’école du regard ». L’auteur n’est pas sans rappeler pour diverses raisons Robbe-Grillet (pour l’humour), Claude Simon (pour les chausse-trappes). Avec Toussaint, Echenoz, Ravey, Courtade, l’auteur de Sigma prouve que la fiction va de l’avant.

La romancière l’a déjà illustrée avec Viviane Elisabeth Fauville et Le Triangle d’hiver. Ici l’histoire est à la fois une science-fiction astucieuse, un roman d’espionnage et une réflexion sur le monde de l’art (galeriste, réalisateur de films, etc.), ses tenants, ses aboutissants, ses escroqueries et coups de poker financiers. L’énigmatique entité « Sigma opération helvétique » devient le juge suprême d’une suite de messages entre son bureau central et ses cinq agents chargés de l’enquête sur les œuvres indésirables.