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Roman

Tant et tant de guerre, Mercè Rodoreda

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 12 Juillet 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espagne, Gallimard

Tant et tant de guerre (Quanta, quanta guerra), trad. catalan Bernard Lesfargues, 252 pages, 8 € . Ecrivain(s): Mercè Rodoreda Edition: Gallimard

 

Etonnant récit et jeu d’emboîtements littéraires que ce Tant et tant de guerre (Quanta, quanta guerra) de la catalane Mercè Rodoreda (1908-1983) ! Il s’agit du dernier récit publié par l’auteure de son vivant, à l’issue d’une carrière littéraire de cinquante années (inaugurée en 1932 avec Sòc una dona honrada ?) et qui compte nombre de romans ou pièces de théâtre, dont La Place du Diamant (La plaça del Diamant, 1962) ou Rue des Camélias (El Carrer de les Camèlies, 1966). Une œuvre qui s’est construite depuis la France au lendemain de la Guerre d’Espagne et sous l’occupation, puis depuis Genève à partir de 1954, ne retrouvant finalement la Catalogne qu’à partir de 1972.

Emboîtement car l’auteure explique que l’idée de Tant et tant de guerre lui est venue à partir d’un film, lui-même adaptation d’un roman. Un film du réalisateur polonais Wojciech Has, Le Manuscrit trouvé à Saragosse, adaptation magnifique, d’un noir et blanc baroque assez unique en son genre du roman éponyme, Manuscrit trouvé à Saragosse (1794-1810), œuvre toute aussi unique, écrite en français par un autre polonais, le comte Jan Potocki (1761-1815) (1).

Casse-gueule, Clarisse Gorokhoff

, le Mardi, 10 Juillet 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Casse-gueule, mai 2018, 240 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Clarisse Gorokhoff Edition: Gallimard

 

Ava s’est fait agresser par un inconnu qui lui a ravagé le visage à coups de poing américain. Son joli minois qui faisait la fierté de Nicole, sa mère, et de son compagnon, Marius, n’est plus qu’une horrible gueule difforme et cauchemardesque. Bien sûr, elle souffre le martyre : ses muscles faciaux sont tétanisés, sa chair est à vif, suintante, ensanglantée. Elle décide toutefois de ne pas porter plainte, ni même de s’ouvrir, un tant soit peu à sa mère, de sa toute récente agression. Encore plus surprenant, eu égard au milieu social fortuné dont elle est issue, Ava refuse catégoriquement de passer sous le scalpel d’un chirurgien esthétique. C’est que d’emblée, ou à peine passé le choc initial, elle prend conscience que cet événement, bien que revêtant tous les atours d’une innommable tragédie, sera déterminant quant à son désir d’émancipation : là où elle fut toujours considérée comme un trophée, un faire-valoir, que ce soit dans les soirées « ultra bobos » de son partenaire ou dans le cercle mondain de sa richissime mère, Ava exhibe sa laideur avec une férocité jubilatoire, qu’elle accompagne d’une parole médisante, voire d’un discours haineux, puisqu’elle se sent désormais libre d’éructer une vie qu’elle déteste, un milieu qu’elle exècre. On aura vite compris que son entêtement à rester laide relève du règlement de comptes. Pour autant, l’intrigue ne se cantonne pas à la mise en pièces du beau monde parisien.

Delikatessen, Théo Ananissoh

Ecrit par Fawaz Hussain , le Lundi, 09 Juillet 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Delikatessen, 2017, 186 pages, 18 € . Ecrivain(s): Théo Ananissoh Edition: Gallimard

 

 

Enéas est Togolais et vit depuis de longues années au Canada où il mène une vie paisible partagée entre l’enseignement et sa passion pour la poésie. Dévoré de nostalgie, il est de retour au bercail. Il veut revoir sa mère et se recueillir sur la tombe de son père, dont il tient le nom et les prénoms, Enéas Elliot Andoté. Écrit au présent et à la troisième personne du singulier, le roman s’étend sur trois jours, du jeudi au samedi. Loin d’être omniscient, le narrateur intervient parfois pour attirer l’attention du lecteur et porter certains jugements. Enéas rentrera au quatrième jour dans son autre pays, réputé pour la droiture de ses sujets, le froid de ses hivers et son sirop d’érable, encore faut-il que cette histoire se termine bien pour lui.

Le périmètre de vie, Alexandre Millon

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 09 Juillet 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le périmètre de vie, éd. Murmure des soirs, mai 2018, 132 pages, 15 € . Ecrivain(s): Alexandre Millon

 

« Parler de la vie dans le deuil plutôt que le deuil dans la vie » nous dit Alexandre Millon dans ce « périmètre de vie » qui ressemble à une circonférence puisque les angles de vie de la disparue oscillent dans sa mémoire en continu.

Comment renaître à travers le manque ? Si le sujet est universel, les façons de l’aborder sont multiples et je songe à cette belle phrase d’Yves Montand, questionné après la disparition de Simone Signoret : « On ne refait pas sa vie, on la continue ».

Combien de temps Thomas est-il donc resté ce « veuf sous anesthésie » ? Quitter le lieu du manque sera la première étape pour « faire un deuil » que Thomas, écrivain, pense en mots désincarnés, en mots vrais plutôt qu’en formules utilisées à ne rien dire.

On ne « fait pas son deuil » comme on fait ses courses.

Casting sauvage, Hubert Haddad

Ecrit par Fawaz Hussain , le Mercredi, 04 Juillet 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Zulma

Casting sauvage, mars 2018, 160 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

La rue pullule d’étoiles anonymes

Une danseuse professionnelle était à deux doigts de toucher les étoiles, de concrétiser son rêve suprême lorsque « des meurtriers indélicats ont brisé son élan ».

La vie pour Damya s’arrête le 13 novembre 2015 à la terrasse d’un café. Elle avait un rendez-vous avec le bonheur à l’état pur en la personne d’un « beau garçon au visage franc, sans casier judiciaire » rencontré la veille. Elle ne se doutait pas qu’elle venait de croiser le chemin d’Azraël, archange de la mort, et d’« un tueur potentiel en attente d’un ordre de mission ». Elle mettra du temps à prononcer le nom d’Amir, prince de l’obscurantisme, le salafiste artisan de sa chute. Le mal est irréparable, la victime à la peau blanche comme du lait ne pourra plus jouer Galatée, un rôle mis en scène par Igor, un exilé volontaire de Bosnie et pour lequel elle était faite. Après les attentats, elle avance en exclue, elle dont « la ballerine claudicante donne à rire ».