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Roman

Plus la neige tombe sur le divan, Marie-Philippe Deloche, Julie Fuster

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 02 Juillet 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Plus la neige tombe sur le divan, Editions Mains-Soleil, 2018, 13 € . Ecrivain(s): Marie-Philippe Deloche, Julie Fuster

 

Ce qui sépare ouvre à tous les vents.

Il existe dans ce livre à quatre mains les émerveillements de nouveaux paysages par effet de déplacement d’une des correspondantes qui a rejoint le corps allongé de l’Islande « dont l’âme inspire l’ombre portée / comme les poissons des gyotakus /aux peintres pêcheurs japonais ».

Peu à peu les jours s’allongent, le temps aussi. Deux vies de (mère et de fille) se tissent en parallèle. Si bien que le silence n’est jamais vraiment présent : un poème (et son « répons ») par mois le cassent. Il y a des mots sur la neige, sur le ciment pour dire – mais à peine, à peine – juste ce qu’il faut afin que la vie se fraye un passage.

Se sentent l’odeur de l’eau et le parfum des violettes. Attendre encore attendre : car la déliaison n’est pas ; le monde avance. Les deux correspondantes aussi dans le pacte biographique qui devient chant d’amour pudique comme on l’est entre une mère et sa fille en âge de le devenir.

Hommage à Philip Roth (5) : Le rabaissement

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Juin 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard)

Le rabaissement (The humbling), trad. de l'anglais (USA) par Marie-Claire Pasquier, décembre 2011, 122 p. 13,90 € . Ecrivain(s): Philip Roth Edition: Folio (Gallimard)

 

Un livre de Philip Roth n’est jamais un livre parmi ses autres livres. C’est un polygone de plus dans la toile tissée par le maître, une pièce de plus placée dans le puzzle – l’unique puzzle – bâti, pièce après pièce, depuis des décennies. Avec, comme tous les grands obsessionnels que sont toujours les grands écrivains, des thèmes récurrents, des « idées fixes » : ici, dans « le rabaissement », celui probablement qui domine l’œuvre de Roth, la boucle fatale du corps. Autour de l’Arc d’Héraclite : « l’Arc porte le nom de vie, mais son œuvre c’est la mort ».

Aussi « ne pas aimer » un livre de Roth, ou trouver – ça s’est lu à propos de « le rabaissement » - que « c’est un livre moins fort que les autres », c’est simplement passer à côté du projet, de la vie, de la passion littéraire de Roth. C’est aussi et surtout passer à côté de l’unicité d’une entreprise esthétique. Dans un tableau de maître, on ne trouve pas que le coin en bas à gauche est plus faible que le reste : le tableau est un discours indissociable, indivisible. Il en est de même de l’œuvre de Philip Roth : chaque élément constitue le sens esthétique de l’œuvre entière. Chaque élément est synecdoque.

La Confession, John Herdman

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 27 Juin 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Quidam Editeur

La Confession (Ghostwriting), avril 2018, 184 pages, 20 € . Ecrivain(s): John Herdman Edition: Quidam Editeur

 

Léonard Balmain, journaliste écossais, écrivain sans succès est contacté par Torquil Tod, un personnage trouble, qui le charge contre rétribution de rédiger sa biographie.

Tod raconte sa vie, Léonard prend des notes puis en fait un récit, dont il soumet à intervalles réguliers le déroulement à Tod, ce qui donne lieu à d’intéressantes discussions et interrogations sur les statuts respectifs d’auteur, de narrateur, de personnage, sur leurs interrelations, sur ce qui est dicible et ne l’est pas dans un récit biographique, sur ce que l’individu sujet de la biographie veut bien dire et ce qu’il cherche à cacher, sur les raisons pour lesquelles il décide de mettre sa vie en narration, sur la distance entre le dit et le non-dit, sur les omissions, volontaires ou non, sur les mensonges, sur ce que le narrateur voudrait savoir pour donner à son personnage toute l’épaisseur qu’il considère littérairement nécessaire, sur la limite entre biographie brute, biographie romancée, autobiographie, roman biographique…

La Pension Eva, Andrea Camilleri

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 27 Juin 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Métailié, Italie

La Pension Eva, mai 2018, trad. italien Serge Quadruppani, 144 pages, 9 € . Ecrivain(s): Andréa Camilleri Edition: Métailié

 

Pour ses quatre-vingts ans, le romancier sicilien d’Agrigente s’inventa une enfance en plein conflit mondial. Le livre paru en français en 2007 est réédité pour notre plus grand bonheur. Ici s’allient humour, truculence, joie de raconter, découvertes propres à l’adolescence, éveil à la sensualité, à la sexualité…

Nené – double sans doute du romancier – et ses copains Ciccio et Jacolino, pour qui la maison de passe « Pension Eva » devient un terrain de jeu, traversent cette période troublée – on gagne souvent les abris – à l’ombre des jeunes femmes et filles en fleurs. La Pension change de filles comme de chemises : tous les quinze jours, dans les belles semaines et beaux jours, une nouvelle « fournée » et ça fait le bonheur des locaux, des militaires, des jeunes oisifs, vitelloni siciliens, futurs étudiants palermitains.

Faux-Miroir, Bernard Alteyrac

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 27 Juin 2018. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Faux-Miroir, mai 2018, 215 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Bernard Alteyrac Edition: Gallimard

 

Peut-on effacer ou à tout le moins atténuer les différences de classe ? C’est à cette question que s’attache Bernard Alteyrac dans son roman Faux-Miroir. Adrien est un paysan de Provence, dur à la tâche, soucieux de la prospérité de sa terre, avec pour tout espoir d’ascension sociale le mariage avec une femme de sa condition. Il est au service du marquis de Villecroze, dont il est l’intendant des terres, ce qui le distingue, un peu, du reste de la paysannerie locale. Henri de Villecroze, le fils du marquis châtelain, a connu dans sa prime enfance Adrien Juvénal, et s’est même lié avec lui, en dépit des différences sociales. Un événement, cependant, a éloigné les deux hommes : une promenade près d’un lac qui s’est très mal terminée et les a dissuadés de se revoir.

Colombe, le village natal d’Adrien, en ce début d’août 14, voit ses enfants partir au front : Adrien, bien sûr, avec ses camarades Lucien Vidal d’Arles, Victor André, Gaspard Brunet, avec lesquels il s’est lié pendant son service. Pourtant, quelque chose de troublant se produit : sur le quai de la gare de départ, Gabrielle, sœur jumelle d’Henri, s’avance vers Adrien, visiblement émue et bouleversée : elle crie, mais ses mots sont couverts par le vacarme du train qui démarre…