Identification

Roman

Ceux qui appartiennent au jour, Emma Doude Van Troostwijk (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Mardi, 11 Juin 2024. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Les éditions de Minuit

Ceux qui appartiennent au jour, Emma Doude Van Troostwijk, éditions de Minuit, janvier 2024, 174 pages, 17 € Edition: Les éditions de Minuit

 

Celle qui appartient au Livre

Lire Emma Doude Van Troostwijk s’impose. Son nom sera vite dans nos têtes et entre nos lèvres même si dur à articuler parce qu’issu d’une autre langue.

En l’éditant, les éditions de Minuit renouent avec un passé de bribes, de voix, une littérature des petites phrases, du souffle court qui court de roche en roche et de nuée en nuage. Où tout est clair.

C’est un premier roman, il s’intitule Ceux qui appartiennent au jour.

Pour plusieurs du roman, la nuit approche mais tant que la nuit n’est pas, le jour est leur appartenance. Là qu’ils dansent, là qu’ils se rassemblent, mangent (beaucoup de repas), dorment, surtout se réveillent : C’est l’heure des corn-flakes.

Ton frère, Minh Tran Huy (par Alix Lerman Enriquez)

Ecrit par Alix Lerman Enriquez , le Lundi, 10 Juin 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Robert Laffont

Ton frère, Minh Tran Huy, Robert Laffont, Coll. Les Affranchis, mars 2024, 166 pages, 17 € Edition: Robert Laffont

 

On se souvient avec émotion de son précédent livre, Un enfant sans histoire, publié en 2022, où l’écrivaine française d’origine vietnamienne évoque avec désarroi mais force et courage son parcours de combattante de mère d’un enfant autiste sévère. Malgré des soins incessants prodigués par son époux et elle-même, son fils Paul reste muré dans un mutisme effroyable dont il ne semble plus possible de le défaire.

Avec son dernier livre, Ton frère, elle renoue avec cette histoire douloureuse, mais elle le fait d’une manière originale en adressant une lettre pleine d’humanité et de poésie à Serge, le petit frère « neurotypique » de Paul. À Serge, l’enfant inespéré, elle lui parle avec pudeur de la difficulté de vivre au quotidien avec ce grand frère « un peu spécial », qui semble enfermé dans sa gangue de solitude et de terreur.

La première femme, Jennifer Nansubuga Makumbi (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 06 Juin 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Métailié

La première femme, Jennifer Nansubuga Makumbi, éd. Métailié, mars 2024, trad. anglais (Ouganda) Céline Schwaller, 544 pages, 23 € Edition: Métailié

« L’ethnobiographie constitue, à partir de l’informateur, une méthode de maïeutique sociale qui permet au sujet de se retrouver lui-même et qui lui donne la possibilité de porter témoignage sur son groupe, sa société, sa culture »

Jean Poirier et coll., 1983

La première femme est le deuxième roman de Jennifer Nansubuga Makumbi (écrivaine ougandaise née à Kampala, diplômée d’un Doctorat en création littéraire de l’Université de Lancaster, récompensée en 2018 du Prix de Littérature Windham-Campbell). Et c’est par la voix de la jeune Kirabo Nnamiiro que va se dérouler le continuum de la saga d’une vaste famille ougandaise, partagée entre croyances animistes et monothéismes. Le contexte est celui du post-colonialisme, sous l’ère dictatoriale et sanguinaire d’Idi Amin Dada (1925-2003). Jennifer Nansubuga Makumbi réveille les grands mythes de l’Afrique de l’Est, notamment ceux de l’Ouganda, indépendant en 1962, pays membre de l’Organisation de la coopération islamique.

Persuasion, Jane Austen (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 04 Juin 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Folio (Gallimard)

Persuasion, Jane Austen, Folio Éditions spéciales, novembre 2023, trad. anglais, Pierre Goubert, 432 pages, 14 € . Ecrivain(s): Jane Austen Edition: Folio (Gallimard)

 

Célébrons d’abord l’objet : une couverture cartonnée couverte d’une fine couche de velours gaufré bleu, et un ruban de même couleur en guise de signet. Ouvrir Persuasion dans cette belle édition, c’est s’abstraire quelque peu du monde de l’édition moderne pour retrouver le goût de lire un bel objet – quand bien même on est conscient de l’aspect commercial de cette proposition, qui donne un sentiment de luxe et d’ancien, voire de précieux. Nonobstant, c’est un beau flacon pour une belle ivresse littéraire, celle offerte par le dernier roman achevé par Jane Austen – et pourtant le plus négligé par la critique parmi l’œuvre de l’Anglaise.

L’histoire, comme toujours chez Austen, peut sembler complexe en ceci qu’elle met en présence de nombreux personnages avec des interactions fluctuantes, mais elle se résume comme suit : Anne Elliot, âgée de vingt-sept ans, a autrefois éconduit, sur les conseils de son amie Lady Russell, Frederick Wentworth parce qu’il n’était qu’un jeune officier de la Royal Navy à l’avenir incertain (« Elle avait renoncé à lui pour obliger les autres. Elle avait succombé à la persuasion. Elle avait été pusillanime et timorée ») ;

Histoire de l’Île, Evgueni Vodolazkine (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 27 Mai 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Récits, Editions des Syrtes

Histoire de l’Île, Evgueni Vodolazkine, Editions des Syrtes, janvier 2024, trad. russe, Anne-Marie Tatsis-Botton, 320 pages, 23 € Edition: Editions des Syrtes

Pour raconter son Histoire de l’Île, lieu inexistant et donc ouvert à tous les possibles, l’écrivain russe Evgueni Vodolazkine choisit une forme à la fois éloignée et proche du roman, la chronique. Ce sont donc trois-cent-cinquante années d’une lente évolution du Moyen Âge à l’époque contemporaine qui défilent en quelque trois cents pages, racontées par divers chroniqueurs au fil des siècles, depuis Nicanor l’Historien jusqu’à Innocent, longue lignée de moines qui racontent leurs époques respectives.

Ils racontent ainsi l’évolution politique de l’Île, avec comme constante et fil conducteur le couple princier formé par Xénie et Parthène, tous deux dotés d’une longévité exceptionnelle et non seulement témoins mais aussi commentateurs. En effet, l’Histoire de l’Île se présente comme étant l’édition complète d’une chronique connue et étudiée depuis son origine, édition sous l’égide d’un certain Philippe, qui a proposé à Parthène et Xénie de donner « leurs avis », « notes [qui] insensiblement ont pris le caractère d’un journal ». Par ces « notes », on glisse doucement d’une réflexion sur la chronique à une réflexion sur la longévité et la modernité, au regard posé par deux vieillards tricentenaires alertes issus d’une autre époque sur l’époque contemporaine, la nôtre.