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Roman

Sans Manu, François Mary (par Luc-André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Mardi, 14 Mai 2024. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Sans Manu, François Mary, ErosOnyx éditions, Coll. Eoliens, 2023, 106 pages, 14,50 €

 

Une voix, ici, s’élève, qui nous parle et qu’on entend avant de la lire. Une voix douce, calme, posée, presque lente, pour décrire avec d’autant plus de force un malheur. Elle dit l’épreuve simplement, sans effet, avec une grande sensibilité. Mais devant la brutalité de son irruption, la violence de l’arrachement, les mots viennent à manquer. Car ce dont il s’agit n’est autre qu’une histoire d’amour brisée, l’histoire d’amour exigeante, sauvage, non conventionnelle entre deux hommes dont l’un n’a pas trente ans et l’autre soixante-dix. Et qui s’est fracassée sur la mort soudaine du plus jeune.

La voix est donc celle du plus âgé, de celui qui survit. Elle va raconter cette douleur, cette perte. A travers tous les détails significatifs de la vie quotidienne, tous les moments importants de ce couple atypique, découpés en de très brefs chapitres, au nombre de soixante-quatre exactement, qui sont comme autant de vignettes sauvegardées de l’oubli, elle va, à travers ces évocations parfois déchirantes, explorer ce manque. Elle va parler de Manu.

Honorine, Honoré de Balzac (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 13 Mai 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Honorine, Honoré de Balzac, Folio Poche, novembre 2023, édition Jacques Noiray, 224 pages, 8,30 € . Ecrivain(s): Honoré de Balzac Edition: Folio (Gallimard)

Honorine, comme le féminin d’Honoré, comme un pendant féminin à l’auteur de la Comédie humaine – là où l’on fait dire à Flaubert « Emma, c’est moi ! » (citation apocryphe, n’en déplaise à la légende), pourrait-on faire dire à Balzac « Honorine, c’est moi ! ». Ce serait un peu vain, ce serait fouiller dans les poubelles biographiques pour chercher chez Balzac des traces d’adultère, de tourments existentiels liés à la fidélité à… l’amour. Par contre, on peut inférer de ce choix de prénom féminin l’idée suivante : Honoré refuse de juger Honorine, voire demande à ce qu’on considère sa destinée avec respect.

Cette destinée peut se résumer en quelques mots : Honorine est adoptée par la famille du Comte Octave, ce dernier l’épouse ; après quelques mois, cette demoiselle pure et emplie d’un désir amoureux (« sa rieuse imagination ignorait la corruption, peut-être nécessaire, que la littérature inocule par la peinture des passions ») abandonne le mariage pour vivre une aventure de dix-huit mois avec un amant qui la quittera lorsque le réel, sous forme de la misère et d’un enfant qui ne vivra que sept mois, rattrape le désir ; Honorine refuse alors de rentrer au domicile conjugal, malgré un mari aimant disposé à tout pardonner.

Une famille américaine, Ayelet Gundar-Goshen (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 07 Mai 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Presses de la Cité, Israël

Une famille américaine, Ayelet Gundar-Goshen, Les Presses de la Cité, mars 2024, trad. hébreu, Laurence Klein, 365 pages, 23 € Edition: Presses de la Cité

 

Ne se sentir ni d’ici, ni de là-bas : « Parce que nous, les parents, étions des Israéliens qui parlions aussi anglais, alors que lui, notre fils, grandirait en Amérique et serait un Américain qui parlait aussi hébreu » (p.205). C’est la pensée qui vient à Lilach – Lila – au milieu du gué, au milieu de l’histoire.

Un adolescent meurt au cours d’une fête. D’un côté, un adolescent Noir, au regard doux, au corps musclé de géant dont on apprendra qu’il était homosexuel et appartenait à un groupuscule Nation of Islam. De l’autre côté – d’un autre côté –, un adolescent Juif, dans la même classe, petit, maigre, emprunté, qui se fait racketter. Et au centre, au milieu, en toile de fond, l’interrogation d’une mère tiraillée entre ce qu’elle éprouve et ce qu’elle ressent, entre son appartenance et son déracinement, tout se jouant sur fond de violence et d’incompréhension, de fermeture à l’autre. Une mère désorientée : par où commencer ? Où mèneront ses réserves et ses recherches ? Faire profil bas devant la confusion de ses sentiments, de ses appréhensions, de ses lâcher prise.

Moi, le glorieux, Mathieu Belezi (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Lundi, 06 Mai 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Tripode

Moi, le glorieux, Mathieu Belezi, éd. Le Tripode, mars 2024, 329 pages, 21 € Edition: Le Tripode

 

Baraka, la fin

Moi, le Glorieux sort aux éditions le Tripode qui ont remis toute l’œuvre de Mathieu Belezi sur l’établi.

Il n’y a pas de majuscule dans ce texte, en début de paragraphe ni aux initiales des nom et prénom de l’auteur sur la couverture, mais le titre est en capitales.

MOI, LE GLORIEUX.

Ce livre est fou comme la folie furieuse, de bout en bout. Entre un Louis Ferdinand Céline déjanté, qui racle au fond nos estomacs avec la plume et un Garcia-Marques qui embarque en baroque, Mathieu Belezi nous offre un roman de ouf.

Envoyée Spéciale, Jean Echenoz (par Galien Sarde)

Ecrit par Galien Sarde , le Jeudi, 02 Mai 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Les éditions de Minuit

Envoyée Spéciale, Jean Echenoz, Les Éditions de Minuit, 2016, 320 pages, 18 € . Ecrivain(s): Jean Echenoz Edition: Les éditions de Minuit

 

Court-circuitage et supplément d’âme esthétiques

Entre autres choses, les dialogues d’Envoyée spéciale, de Jean Echenoz, sont spécialement sophistiqués. Une part de leur virtuosité tient dans l’ordonnance des répliques qui les constituent : sans tirets, sans guillemets, pour les fondre dans le récit et le faire pétiller, mais par contre avec des verbes de paroles audacieux ou encore d’étranges substituts d’eux. Un exemple de ce dernier phénomène survient dès l’incipit, quand ce qu’avance le général Bourgeaud : « Épargnez-moi ces réflexions, Objat » n’est pas suivi d’une incise évidente telle que : « a dit le général en se raidissant », mais d’une autre qui fait l’économie du verbe de paroles, éludé, ou plutôt intégré dans un verbe d’action : « s’est raidi le général ».