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Roman

Hermione, Hilda Doolittle (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 29 Février 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Hermione, Hilda Doolittle, éd. des femmes-Antoinette Fouque, janvier 2024, trad. anglais (États-Unis) Claire Malroux, 288 pages, 9 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

La double

II

Dans ce texte daté de 1927, H.D. est tout juste sortie de l’université. Ici, elle se dédouble en Her Gart, en Hermione – un être mythologique, fille de Ménélas et d’Hélène, également reine de Sicile, héroïne persécutée par son époux dans Le Conte d’hiver. Notons l’admirable traduction de Claire Malroux (nommée au grade de Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur).

Hilda Doolittle questionne la nébuleuse partie d’elle-même, elle, l’anticonformiste, la double. Elle donne ici une nouvelle interprétation de l’espace confiné de la famille, un « sanctuaire », un territoire social dense, habité dans la durabilité mais dont les différences entre les membres rendent opaques les relations de proximité. H. Doolittle tente de s’en affranchir pour se libérer de sa sujétion. Son double, Hermione, refait le tour de la demeure des Gart, la décrivant au moyen d’infimes détails :

Les Trois Mousquetaires, Alexandre Dumas (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 27 Février 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Les Trois Mousquetaires, Alexandre Dumas, Folio, édition de Gilbert Sigaux, I. D’Artagnan, mars 2023, 560 pages, 7,50 € ; II. Milady, novembre 2023, 560 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Alexandre Dumas Edition: Folio (Gallimard)

L’adaptation cinématographique récente des Trois Mousquetaires par Martin Bourboulon est une catastrophe, tant au point de vue du casting (Eva Green, brune, en Milady, dont la blondeur est vantée à longueur de roman ; des mousquetaires cinquantenaires, un D’Artagnan trentenaire) que du jeu des acteurs (Lyna Khoudri en Constance Bonacieux est fade au possible, et Louis Garrel joue un Louis XIII plus névrosé que nature), et ne parlons pas des scènes de combat hyperboliques (on croit visionner des scènes inédites du Pacte des loups), ou des arrangements pris avec l’histoire narrée par Dumas, entre autres par l’ajout de détails parfois sidérants (D’Artagnan enterré vivant dès les premières scènes – il y a confusion avec l’œuvre de Poe ou Radcliffe). Le seul intérêt qu’elle présente est la réédition en deux tomes des Trois Mousquetaires et donc l’opportunité offerte par l’actualité éditoriale de se replonger dans les aventures de D’Artagnan, Athos, Porthos, et Aramis – mais notons quand même un bémol, d’importance : cette réédition en deux tomes coûte quinze euros contre huit euros pour le même roman en un seul tome chez le même éditeur ; un soupçon d’arnaque à destination d’un public craignant un seul volume fort de onze cents pages ? D’autant que la belle préface de Roger Nimier a désormais disparu.

Nous les vivants, Ayn Rand (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 08 Février 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Les Belles Lettres

Nous les vivants, Ayn Rand, Les Belles-Lettres, mai 2023, trad. anglais (États-Unis), Élisabeth Luc, 606 pages, 23,90 € Edition: Les Belles Lettres

 

Bien que la France se targue (ou se targuât ?) d’être à la fine pointe du goût et de la modernité, elle ignore coupablement le nom d’Ayn Rand (1905-1982). Née Alissa Rosenbaum, dans une famille juive de Saint-Pétersbourg, d’un père pharmacien, elle fut en sa jeunesse une lectrice assidue des grands auteurs français. La famille perdit ses biens lors de la Révolution de 1917 et, après différentes étapes, dont quelques années en Crimée, la jeune fille s’exila aux États-Unis, travaillant pour Hollywood et publiant en 1936 son premier roman, Nous les vivants. D’autres suivront qui connaîtront le succès, car une des originalités de celle qui avait choisi le pseudonyme d’Ayn Rand fut de couler ses préoccupations philosophiques dans la forme romanesque, son œuvre la plus fameuse (dans son pays d’adoption en tout cas) étant Atlas Shrugged (Le Réveil d’Atlas, publié en France sous le titre de La Grève).

L’Auteur ! l’auteur !, David Lodge (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 06 Février 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Rivages poche

L’Auteur ! l’auteur !, David Lodge, Rivages Poche, octobre 2023, trad. anglais, Suzanne V. Mayoux, 528 pages, 12 €

Pour L’Auteur ! l’auteur !, publié en 2004, David Lodge se fait romancier du réel d’un… autre romancier. En effet, il s’appuie, pour raconter essentiellement la frustration d’Henry James par rapport au succès littéraire, en particulier théâtral, sur « des sources factuelles », mentionnées en fin de volume, et tous les personnages de ce roman ont bel et bien existé, certains ayant été voire étant toujours renommés. Lodge, ainsi qu’il l’écrit en préambule, a « usé d’une licence de romancier en relatant ce qu’ils pensèrent ou ressentirent et les propos qu’ils échangèrent », d’où un fort travail sur des dialogues enlevés, à la teneur et au rythme plausibles, et une grande profondeur psychologique globale offerte à tous les personnages principaux, qu’il s’agisse de James, ses amis, sa famille ou même ceux à son service, secrétaires ou domesticité. Le travail romanesque est aussi lié à la structure du roman, remarquable parce qu’elle permet un aperçu de la carrière et la vie privée d’Henry James tout en restreignant la narration à son agonie et sa mort (première et quatrième parties, les plus brèves, de décembre 1915 à février 1916), et à son désir de devenir un auteur dramatique reconnu, de 1880 à 1897, année où il emménage à Lamb House, son refuge idéal trouvé après des années de villégiatures diverses et même un vague projet vénitien.

Le fruit le plus rare, ou La vie d’Edmond Albius, Gaëlle Bélem (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 01 Février 2024. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Gallimard

Le fruit le plus rare, ou La vie d’Edmond Albius, Gaëlle Bélem, Gallimard, août 2023, 256 pages, 20 € Edition: Gallimard

Gaëlle Belem, écrivaine réunionnaise inspirée nous transporte dans le contexte quotidien de cette île intense de l’Océan Indien au XIXe siècle en reconstituant, de sa naissance en 1829 à sa mort en 1880, la vie mouvementée, bouleversée et bouleversante, d’un des plus célèbres esclaves noirs de l’histoire coloniale française, le génial inventeur de la pollinisation manuelle de la fleur du vanillier, Edmond Albius.

Orphelin dès sa naissance de parents esclaves qu’il ne connaîtra donc jamais, le négrillon est, chose en soi exceptionnelle, adopté par son maître, Ferréol Beaumont, veuf, âgé de trente-sept ans, propriétaire de la plantation et des dizaines d’esclaves y faisant partie des meubles.

Ferréol, piètre exploitant de sa plantation sise à Sainte-Suzanne, se passionne pour la botanique, passe le plus clair de son temps à entretenir un espace entièrement dévolu à la fascination qu’il éprouve pour les orchidées et, depuis qu’il a eu connaissance de la découverte de la vanille en Amérique, est obsédé par le mystère, que personne n’a encore pu percer, de la fécondation de cette merveille, dont la production de gousses parfumées, ce « fruit le plus rare », pourrait faire sa fortune, celle de son île, voire celle de son pays.