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Roman

Los Muertos, Éric Calatraba (par Alix Lerman Enriquez)

Ecrit par Alix Lerman Enriquez , le Lundi, 17 Mars 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Los Muertos, Éric Calatraba, Editions La Trace, 2024, 130 pages, 18 €

 

Un détective privé désabusé, hanté par son passé, Christian Herrera, est chargé d’enquêter par Bianca Ruiz-Cubero sur la disparition, il y a sept ans, de sa petite fille bien aimée Luisa qui a perdu ses parents dans un accident de voiture alors qu’elle n’avait que six ans. Bianca, réfugiée espagnole, déjà âgée et malade qui vit avec Paco, le grand frère handicapé de Luisa, est intimement persuadée que sa petite fille d’une vingtaine d’années est encore en vie : « Je remontai en voiture et dans le rétro, je croisai mon regard ; Tout le monde semblait avoir fait son deuil de la jeune fille après tout ce temps et… non, Pas tout le monde… pas Bianca ».

Ce récit va donc être l’occasion de suivre les méandres du détective Christian Herrera, lui aussi, fils de réfugiés espagnols, au caractère si attachant. À travers le sud de la France et les territoires désolés ou luxuriants de l’Espagne, le détective va à la recherche de Luisa, en même temps qu’il va à la rencontre de lui-même et de ses fantômes du passé :

Mémoire d’éléphant (Memória de elefante), António Lobo Antunes (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 12 Mars 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Points, En Vitrine, Cette semaine

Mémoire d’éléphant (Memória de elefante, 1979), António Lobo Antunes, éd. Points, 2001, trad. portugais, Violante do Canto, Yves Coleman, 207 pages . Ecrivain(s): Antonio Lobo Antunes Edition: Points

 

Premier roman de son auteur, cet ouvrage nous jette d’emblée dans le flot des obsessions qui vont hanter l’œuvre de Lobo Antunes : l’absurdité du monde, la douleur d’être, le cauchemar de la mémoire.

Sombre roman, celui des souvenirs fracturés de la fin d’un monde, Mémoire d’éléphant se lit comme la complainte désespérée d’une âme perdue sous le poids du monde et d’elle-même. Le « narrateur » (il faudrait dire plutôt l’émetteur du discours, car il ne dit pas je), l’itératif psychiatre lisboète qui renvoie, dans les romans d’ António Lobo Antunes, à la vie de l’auteur lui-même, hait le monde et sa vie dont il n’accepte pas l’absurdité, en tant que « médecin des âmes » et en tant qu’individu privé. À travers un flux de conscience obsessionnel, entrecoupé de souvenirs disloqués, l’auteur portugais nous invite dans un dédale de pensées troubles, où la douleur se mêle à l’ironie, où le grotesque se fond dans la tragédie.

Un garçon d’après-guerre, Jean-Luc Marty (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 07 Mars 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, En Vitrine, Cette semaine

Un garçon d’après-guerre, Jean-Luc Marty, Mialet-Barrault Editeurs, janvier 2025, 320 pages, 21 € . Ecrivain(s): Jean-Luc Marty

 

« Le temps restitué par Henri D. renvoie à un garçon d’à peine dix-sept ans incroyablement courageux. Le mien, à un homme que le corps insatiable, le goût pour les marges viriles, les multiples disparitions et l’impuissance au récit absentaient de toute présence familiale ».

Un garçon d’après-guerre est un roman du temps restitué par la mémoire, la photo, la parole, il conjugue tout cela avec une force rare dans l’art français du roman. Le narrateur est photographe, photojournaliste, il cherche le juste équilibre entre deux guerres larvées, la famine et le spectre du terrorisme islamiste qui ravage notamment l’Afrique. C’est à l’occasion d’une exposition de ses photographies à Angoulême, que la machine romanesque à remonter le temps va se mettre en marche, et par la magie blanche du roman, le restituer.

Gens de couleur, Henry Louis Gates Jr. (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 07 Mars 2025. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA

Gens de couleur, Henry Louis Gates Jr., Les Éditions du Canoë, septembre 2024, trad. anglais (États-Unis), Isabelle Leymarie, 368 pages, 24 €

 

Un enfant noir du Comté de Mineral

Gens de couleur est le récit de l’enfant « noir » que fut Henry Louis Gates Jr. (lauréat du Heartland Award du journal Chicago Tribune et du Prix Lilian Smith pour ce livre). Gates grandit à l’époque de la ségrégation raciale aux États-Unis, et se sent, lui et les siens, « comme si nous étions des bateaux se croisant dans une mer de gens blancs ». La couleur de peau est et reste un déterminisme pour celles et ceux porteurs de la couleur noire, catégorisés, figés et abandonnés à une communauté, refoulés tels des parias, et pire, assimilés à une « race ». Ici, le « colored boy » commence son existence à Piedmont, en Virginie-Occidentale, « ville industrielle sur le déclin typique, avec une infrastructure qui se délite et des habitants résignés à sa lente agonie [pourtant au] passé fier et brillant (…) ; ville d’immigrants. Le Piedmont blanc était italien et irlandais, avec une poignée de riches Anglo-Saxons à East Hampshire Street, et, partout ailleurs, des quartiers “ethniques” de gens de classe ouvrière, de couleur et blancs ».

Nightmare Alley, William Lindsay Gresham (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Jeudi, 06 Mars 2025. , dans Roman, Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Nightmare Alley, William Lindsay Gresham, Folio policier, novembre 2024, trad. anglais (États-Unis), Denise Nast, Marie-Caroline Aubert, 464 pages, 10,40 €

Ce livre publié pour la première fois en 1946 a toute une histoire. Porté une première fois au cinéma en 1947, sous le titre Le Charlatan, il fut à nouveau entre les mains d’un réalisateur en 2021, et reçut un accueil chaleureux du public sous l’appellation de Nightmare Alley. Les éditions Gallimard l’ont publié une première fois dans la Série Noire sous le titre Le Charlatan, et viennent de le rééditer en Folio Policier, sous la dénomination Nightmare Alley que l’on pourra traduire par Le Passage des Cauchemars.

Dans son intéressante préface, Nick Tosches nous raconte que l’auteur, William Lindsay Gresham, s’était engagé dans les brigades internationales pour lutter contre Franco, et en attendant son embarquement pour rentrer au USA, aurait bu des verres avec un dénommé Joseph Daniel Halliday. Ce dernier lui aurait raconté l’histoire d’un type que l’on surnommait « le geek », alcoolique au dernier degré qui pour pouvoir gagner sa ration d’alcool arrachait, dans un cirque, avec ses dents, des têtes de poulets et de serpents. Cette histoire hanta Gresham, alcoolique lui-même qui dans les années 1938-1939 écrivit son livre.