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Poésie

Jusqu’à présent je suis en chemin Carnets 2016-2018, Pascal Boulanger (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 28 Mai 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Jusqu’à présent je suis en chemin Carnets 2016-2018, Librairie Editions Tituli, janvier 2019, 188 pages, 16 € . Ecrivain(s): Pascal Boulanger

 

 

« Aragon a été rimbaldien : Je ressentais vivement l’espoir de toucher à une serrure de l’univers : si le pêne allait tout à coup glisser. Rimbaud : J’ai seul la clé de cette parade sauvage. Et puis Aragon a renoncé, il est tombé dans les bras de maman Triolet et du Parti communiste (à l’inverse Artaud n’a jamais cédé, mais au prix de la folie) ».

Les chemins de Pascal Boulanger ne sont jamais de charmants layons ombragés et odorants, il goûte plus profondément les sentiers escarpés, les chemins caillouteux où à chaque pas on risque la chute. Les à-pics, les falaises, l’océan en furie au pied du tombeau de Chateaubriand. Il s’y aventure sans complaisance, comme il s’aventure sur les plages près de chez lui en Bretagne, écrire c’est aussi entendre le silence du vieil océan.

Méta Mor Phose ?, Alain Marc (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 21 Mai 2019. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Méta Mor Phose ?, Alain Marc, Z4 Éditions, février 2019, 280 pages, 17 €

 

 

Arrêtons-nous sur le titre : « Méta » constitue l’élément du grec « meta » signifiant « ce qui dépasse, englobe » (un objet de pensée, une science). En l’occurrence il désigne dans « Méta Mor Phose ? » d’Alain Marc le processus créatif qui transcende l’existence emportée dans le flux de l’Écrire. « Mor Phose » ressortit à la forme de/d’une existence transfigurée ici par la création en cours, scripturaire. Méta Mor Phose : le mot est formellement décortiqué : pesé et relèvera/révélera la puissance de son sens dans la lecture à voix haute. La route entamée sur le chemin du cri par Alain Marc se poursuit dans la traversée intarissable d’un chemin de l’Écrit/de l’Écrire dont la quête est douloureuse (« douleur/de l’inaccompli ») mais « vitale » (cf. Il n’y a pas d’écriture heureuse, Alain Marc, Éd. Le Petit Véhicule, Revue Chiendents n°109, septembre 2016, Cahiers d’arts et de littératures).

L’Etrangère, Florence Noël (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 20 Mai 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

L’Etrangère, éditions Bleu d’encre, 2017, dessins Sylvie Durbec, 82 pages, 12 € . Ecrivain(s): Florence Noël

 

Pas de demi-mesures pour évoquer l’acte d’écriture pour celle qui, sans doute, parle un peu d’elle-même quand « elle n’écrit que dans l’insondable tristesse ou l’insondable joie ».

Florence converse avec les mots et les mots la font rebondir dans une sorte de joie naturelle, habitante, à l’aube « d’un royaume impossible à combler ». C’est que la poète sort assez facilement des clous à se poser les questions essentielles de son passage avec aussi une certaine conscience de la vanité : « écrire sec/ en un petit tas/ puis craquer l’allumette » dit-elle.

Le recueil nous apprend que le doute de soi fait partie de la permanence, permettant même une certaine continuité (« elle avait beaucoup écrit/ sur la nature/ qui n’en gardait/ aucune trace »).

Quelques parenthèses servent, pour l’auteur, d’aparté à ses propres dires devenant ainsi une sorte de miroir à mots suscitant un écho de répétitions avec aussi « ce festin de lectures/ vives/ servi par des poètes/ morts ».

Les Loups, Sophie Loizeau (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Jeudi, 16 Mai 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions José Corti

Les Loups, mars 2019, 80 pages, 16 € . Ecrivain(s): Sophie Loizeau Edition: Editions José Corti

 

L’entrée dans les bois se fait in medias res, sans la moindre lisière, sans le moindre seuil – la frontière qui se manifeste habituellement entre notre monde ordinaire (comprenez le monde humain) et un monde extraordinaire (comprenez le monde animal) n’existe pas ou nous l’avons déjà franchie. Mais si l’usage d’un geste d’invitation vers d’autres contrées nous a échappé, encore que nous ayons eu affaire à la « sainte femme » qui « jette de l’eau sur les pierres » et « impose sa voix », nous saurons assez vite ce qui nous relie à notre pleine humanité. Car assez vite, nous lisons : « la raison qui m’a conduite ici – dans les bois – est la perte / que je ressens / de moi l’usure et le chagrin / le doute » [p.11], ce à quoi succèdera un peu plus loin, presque logiquement : « mon cœur est un concentré de vie sauvage » [p.15]. Aussi, malgré nous, nous suivons Loizeau (quoi de plus naturel ?) vers les retrouvailles de cet état sauvage et primitif qui, contraire à l’idée de régression qui pourrait apparaître chez les plus mal lunés, est bel et bien une volonté de retrouver l’essentiel et le précieux, à défaut de retrouver les personnes qui ont été parmi les plus chères de notre vie.

Enfin le royaume, François Cheng (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 13 Mai 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Enfin le royaume, Quatrains, février 2019, 224 pages, 7,40 € . Ecrivain(s): François Cheng Edition: Gallimard

 

Les poèmes de François Cheng sont autant de raccourcis de temps où s’invitent la permanence et la continuité : « A l’apogée de l’été/ Retient ce qui a été : / Tous les fruits suspendus/ Toute la soif étanchée ».

Avec son éternelle soif de l’attente, quel que soit le moment et quelle que soit l’attente, le poète est à la fois dans l’expectative et l’émerveillement nourri d’optimisme incité par une source initiale coulant en filigrane : « Toi, tu entends le bruit des étoiles qui passent ».

C’est que ce poète de stature a besoin de cet écho multiplié pour se rendre à l’évidence de sa plénitude qu’il compte bien transmettre à autrui : « Tout d’ici t’est offert, offre, toi à ton tour ! ».

Si parfois le crépuscule « s’exténue », c’est pour mieux se rendre à l’évidence d’un matin tournant la page à l’appui de « l’habitable étincelle » puisque « Ici/ Nous avons tracé le trait/ Nous avons laissé vacant/ Afin qu’un jour advienne ».