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Poésie

A chaos, chaos et demi, Carine-Laure Desguin (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mardi, 05 Février 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

A chaos, chaos et demi, éditions La P’tite Hélène, novembre 2018, 62 pages, 12 € . Ecrivain(s): Carine-Laure Desguin

 

Grattant la matière sociale (dans le sens « société ») en parallèle avec la fouille de mots mouvementés en tout sens, Carine-Laure secoue le cocotier de manière à éparpiller le produit de ses intenses réflexions, l’intention passant par une sorte de tunnel faisant office de révélation chaotique (un peu à l’instar des NDE, ces personnes revenues d’un monde parallèle après un accident).

Le chaos de mots, mêlés ainsi dans un relatif désordre non pas par le style comme les surréalistes, mais plutôt par la construction un peu empirique, devient le prétexte du livre, ceci en dehors de toute provocation gratuite : « Des hochets de sang rhésus O, à jamais rhésus O, dans cet entre-deux d’un état des lieux, éclaboussant l’échelle des gènes, des nervures d’ions positifs et d’ions négatifs, des transgenres de tous les chiffons, des épousailles sur papier glacé d’une armée de poupées barricadées jusqu’aux racines carrées de leurs dents ».

On passe d’« errances éternelles » en langage presque codé comme dans une écriture à la « Dotremont » avec une mise en place d’idées sous-jacentes pourtant claires dans leurs dénonciations, même « si le tombeau des jours d’avant ignorait tout de ces saccages, de ce chaos à chaos et demi ».

Méandres et Néant, Stéphane Sangral (par Claire-Neige Jaunet)

Ecrit par Claire-Neige Jaunet , le Lundi, 04 Février 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Galilée

Méandres et Néant . Ecrivain(s): Stéphane Sangral Edition: Editions Galilée

 

Méandres, néant : deux territoires où l’on se perd également, l’un par excès de formes, l’autre par défaut. Cette opposition n’est qu’une apparence. Stéphane Sangral visite ces deux territoires, les traverse, passe de l’un à l’autre, et les relie sans que demeure visible une frontière. Où est le trop, où est le rien ?… Les mots pour le dire recourent à l’image, pas seulement poétique, mais typographique, et graphique. Pour ouvrir et clore le recueil, une même illustration (de l’auteur) se glisse dans le texte, qui peut se lire diversement : un ciel d’un noir d’encre constellé de nuages qui sont des amas de chiffres, ou bien une page blanche couverte de chiffres dévorée par l’extension du noir – du néant. Deux regards possibles, pour deux forces en présence. A l’un la « nuit éparpillée d’étoiles », le royaume « où chacun est le centre », où « mon esprit se déplie et s’infinise » et peut « voir dans les plis du vent »… A l’autre la puissance « vorace » du temps, le labyrinthe du moi perdu dans des voies qui s’ouvrent et se referment, et la descente sans fin vers le centre de soi où tout se fait « vertige ».

Lumière, doucement, Marian Draghici (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 01 Février 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, L'Harmattan

Lumière, doucement, avril 2018, trad. roumain, Sonia Elvireanu, 114 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Marian Draghici Edition: L'Harmattan

 

La mer, la lumière et puis la présence obsédante qui s’avance sur la pointe des douleurs :

« doucement, viens à moi mot à mot » avec aussi le poids d’une plume passant par « un hibou de dix tonnes » pour faire apparaître, dans cette sorte de rêve, la « chose », la douleur transcendant l’image de souvenirs doux rêvés en cauchemars colorés à l’instar d’un film terrifiant puisque « elle souriait à la fenêtre/ après qu’on lui avait arraché/ mains/ cœur/ cheveux ».

Le souvenir se fait terre, os, cheveux, autant d’images suggérant une sorte d’éclatement de la stupéfaction. Comme une idée se serait jetée contre un mur le souvenir la tête la première. Avec une dislocation à partir de soi éclaboussée sur les éléments tout autour, le texte est pressenti, page après page, de titres improbables annonçant le chaos. J’ai songé à des tableaux de Bosch où toute l’humanité s’éclate en diverses attitudes quotidiennes exacerbées dans une imagination prolifique.

Ailleurs, Henri Michaux (par Marianne Braux)

Ecrit par Marianne Braux , le Vendredi, 25 Janvier 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Voyages

Ailleurs, Gallimard/Poésie . Ecrivain(s): Henri Michaux Edition: Gallimard

 

Envie de voyage, mais vous avez déjà fait le tour de la planète, exploré toutes les cultures du monde sur place ou à distance ? Ce livre est fait pour vous. Regroupant trois récits de voyages imaginaires intitulés Voyage en Grande-GarabagneIci, Poddéma, et Au pays de la magieAilleurs de Henri Michaux, publié en 1948, est un livre surprenant qui à coup sûr vous dépaysera. Et en même temps, vous y reconnaîtrez peut-être des contrées traversées non pas sur terre mais au pays des rêves, où l’insensé devient sensé, l’extraordinaire ordinaire, où rien n’est impossible. Les peuples dont rend compte l’inclassable auteur de Plume et La nuit remue dans Ailleurs font éclater nos cadres de pensée et nos habitudes. Ailleursporte bien son titre : le texte transporte le lecteur très loin de lui-même, tout en se gardant de situer ces pays irréels, de sorte empêcher toute relation avec le monde réel. Tout ce que l’on sait, c’est que le narrateur y a vécu suffisamment longtemps pour connaître et, d’une certaine manière, en comprendre le fonctionnement.

Des lézards, des liqueurs, Joël Bastard (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 25 Janvier 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Des lézards, des liqueurs, juin 2018, 176 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Joël Bastard Edition: Gallimard

Un titre à la Jacques Izoard (tissé d’appositions), une composition en dix-huit sections, une volonté d’inscrire dans le poème sa fabrique (merci Ponge), des injonctions au lecteur, ou à soi écrivant, voilà des textes qui déconcertent.

 

Le désir d’écrire vient de pousser la porte, tant mieux, nous sommes nus

La surprise d’être un homme commença au berceau.

Nous peinons aujourd’hui de ne pas être volants.