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Poésie

Solombre, Florence Noël (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 10 Mai 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Solombre, éditions Le Taillis Pré, avril 2019, 96 pages, 14 € . Ecrivain(s): Florence Noël

 

Il existe une force de persuasion comme il existe une force de dissuasion. C’est ce que révèle, notamment, Florence Noël activant le soleil et l’ombre dans la même idée jusque dans le titre de son évocation.

La maturité de cet auteur touche au sublime dans l’entrechoc des idées, exactement à la charnière où tout pourrait basculer dans un sens ou dans un autre, avec, en direct, des images suggérant une humanité très immédiate : « tes murs sont peints au café froid/ grande table, une seule chaise/ personne/ n’a l’adresse de ta demeure ».

Ainsi « faudrait-il (il faudrait) de la blancheur/aux lèvres soudoyées à l’ange/ annonciateur de faim ».

Le corps se fait vertige à rejoindre ainsi les grandes œuvres humaines (« crisse le papier de soie sous la voûte du pied »).

L’Anneau de Chillida, Marilyne Bertoncini (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 03 Mai 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

L’Anneau de Chillida, L’Atelier du Grand Tétras, mai 2018, 80 pages, 13 € . Ecrivain(s): Marilyne Bertoncini

 

« Mes anneaux de souvenance » guident le lecteur vers le centre de l’entreprise poétique de Marilyne Bertoncini, vouloir dans l’esprit d’une « genèse » de soi, rameuter comme le ferait l’éclair de magnésie les ombres et les profils, et les reliefs de ce qui s’est perdu. Ainsi en va-t-il de Leyla, lors d’une quête insensée. Ainsi en va-t-il des marques de l’été, au coin des terrasses, pour s’appesantir sur les moindres changements, tropismes de l’âme de celle qui peut écrire :

 

Le matin s’avance masqué dans l’ombre

des nuages

Lente l’aube s’étire dans les ramures grises (p.46)

Le jour fait l’adieu, Zohra Mrimi (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 03 Mai 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Maghreb, Z4 éditions

Le jour fait l’adieu, mars 2019, 114 pages, 12 € . Ecrivain(s): Zohra Mrimi Edition: Z4 éditions

 

Chez Zohra Mrimi, la solitude se conçoit de façon artistique : « Je blanchis ma solitude comme un tableau de maître » dit-elle. Fondante sur les lèvres, suggérée aux anges, cette solitude parfaitement apprivoisée, évoquée dans des jeux d’ombre en noir et blanc, inversant d’ailleurs les couleurs dans leurs rôles « normaux », se fait davantage sentir « quand un poète s’absente ».

La poète avance avec sa déclaration d’Amour à la boutonnière, multipliant la progression émotive de ce qu’elle dit : « Je t’aime/Je double mes pas/double mes jours ».

Comme dédoublée d’une absence, l’auteur a ce recul nécessaire pour prendre conscience, se servant sans doute d’un paysage familier, que « l’Amour ne passe pas vers telle sécheresse ».

Vulnérable, la protagoniste énoncée à la troisième personne, semble être une projection de celle qui écrit, une sorte de miroir : « Elle est libre/Elle est nue/Elle est invisible aux couteaux qui la tuent/Le rythme de l’agonie est visible ».

… commence une phrase, Michaël Glück (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 02 Mai 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Lanskine

… commence une phrase, février 2019, 63 pages, 13 € . Ecrivain(s): Michaël Glück Edition: Editions Lanskine

Au commencement du Langage le souffle du silence rumine/malaxe la phrase, avant l’articulation du mot, avant toute énonciation. Ici le titre est ponctué de ce silence de la Langue, avant toute manifestation textuelle : …commence une phrase. L’ante-sémantique, l’ante-syntaxe vont puiser le souffle dans le corps enfoui de la lettre et de l’esprit, la chair du Dire sera extirpée/modelée par le regard entier respirant en soi et au-dehors de soi, par une totalité de l’être qui en émettra les bribes brassées d’un univers total intégré. Ainsi… commence la phrase : par sa propre articulation, par sa propre énonciation et les prismes de l’écriture diffusés dans la blancheur expérimentale, tels corps nus âmes mises à nu, de l’Écrire ausculté en abyme dans la danse poétique. Sur le rythme d’une « ritournelle » entonnée très doucement sur le bord des lèvres du murmure :

« Comme une simple ritournelle, une chanson douce, un manège

des jours, en un lieu, devant une fenêtre, une phrase commence

sur les lèvres et très vite je sais, qu’elle a commencé

depuis longtemps… et me tourne la tête ».

Ce lointain de silence, Jean-Louis Bernard (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 29 Avril 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Encres vives

Ce lointain de silence, octobre 2018, 16 pages, 6,10 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Bernard Edition: Encres vives

 

Le nouveau recueil de Jean-Louis Bernard se déploie comme sur un fil tendu dans l’espace, un fil de silence considéré à son horizon, comme projeté à son « lointain ». Fil suspendu entre un point de départ et un point d’arrivée si l’on veut les appeler ainsi, entre les deux premiers poèmes et le dernier. Parti d’une sorte de bilan, d’un constat (au temps de « nos stridences », nous n’avons rien fait pour prévenir « l’arche de solitude »), comme un regret des occasions manquées et qui « fixe » la situation du poète lui-même (« à terre perdue / je compte les collines »), le recueil aboutit dans son dernier poème à une sérénité nouvelle, une forme d’apaisement : un autre silence s’ouvre alors, un « silence des mots / échappés de leur cage », où « la parole s’absente ». Un passage du « silence diluvien à recoudre » au « silence étiré », jusqu’à ce point d’aboutissement que constitue l’amnésie, qui se fait au prix d’une tension, d’une évolution en tout cas, peut-être d’une transformation.