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Poésie

Nuit marine, Alain Crozier (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 16 Septembre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Nuit marine, Alain Crozier, Jacques André éditeur, coll. Poésie XXI, 2019, Préface de Jean-Paul Gavard-Perret, 82 pages, 12 €

 

Cette nuit marine de l’éditeur-poète Alain Crozier se lit comme une histoire d’amour, sur l’air du Tourbillon de la vie de Serge Rezvani interprété par Jeanne Moreau dans Jules et Jim de Truffaut. Toute une ambiance… Une histoire d’amour avec ses aléas, son début (partie I : « Histoires corporelles » / « Elle avait des bagues à chaque doigt… »), avec ses séparations, ses retrouvailles (partie II : « La main passe » / « Au son des banjos je l’ai reconnue… »), ses « Éclats » (partie III / « Quand on s’est retrouvé… »), sa fin (partie IV « Nuit noire » / « Puis on s’est séparé… »). Une ritournelle poétique où les mots tournent autour de l’amour, sans badinage ni sentimentalisme, entre grâce et dérision.

Le poète Alain Crozier fait glisser ses mots sur les vagues d’une nuit marine où l’ambiguïté file sous l’eau et fixe quelques escales au bord de la crique d’amour, « d’une nuit à l’autre », entre rêves et réel, là où les corps se réchauffent, transcendés par une « vision d’Éden » ; fait glisser ses mots sur le laps confus, la ligne de crête, où la confusion des sentiments amoureux (« Mélange de plusieurs sentiments, / Parfois opposés ») le rend marin amateur de ces hauts-fonds qui compliquent la navigation

Aquapoèmes, Laetitia Extrémet (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 10 Septembre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Aquapoèmes, Laetitia Extrémet, Editions Le Chat Polaire, juin 2020, ill. Sabine Lavaux-Michaëlis, 84 pages, 12 €

 

Comme détachée de la marée à « son corps défendant », l’auteure, un peu druidique, semble donner du sens à la primauté originelle : « il me faudrait alors à l’aube remonter/ dans sa robe d’airain et son écrin cuivré/ cette lumière liquide des soleils du matin/… ».

Se révèle progressivement quelque chose de la Genèse à vouloir se sentir autre ; « alors je crie entre les lignes/ priant qu’on ne m’entende pas/ je n’ai que le silence à offrir/ et l’odeur des orages ».

Le thème marin, depuis certains poètes antiques jusqu’à Saint-John Perse, est universel, le poète niant rarement cette force originelle.

Chez Laetitia, il s’agit cependant d’autre chose, une expression sans doute plus maternelle dans le sens même de se sentir presque liquide amniotique. On peut même dire, je crois, qu’il y a une sorte de privation, d’arrachement avec davantage de force que de regret et aussi une grande certitude :

« J’excelle dans cet exil/ à n’être que d’écume ».

L’absence intérieure, Thierry Pérémarti (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 09 Septembre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gros Textes

L’absence intérieure, Thierry Pérémarti, 122 pages, 8 € Edition: Gros Textes

 

146 courts poèmes tricotent les pelotes du temps dans ce corpus de Thierry Pérémarti, L’absence intérieure, dont il nous est précisé à l’entrée du livre que « les huit premiers poèmes (…) furent initialement publiés dans la revue Décharge (n°170, juin 2016) », que le poème d’ouverture le fut « également dans la revue Ecrit(s) du Nord des Editions Henry (n°31-32, octobre 2017) et sur le blog du poézine Traction-Brabant (novembre 2017) ». Entre juillet 2015 et juin 2016, ces incises impressionnistes du quotidien se sont écrites, au fil du temps chaotique ou étale modulé selon les inconstances des états intérieurs creusés, parfois, jusqu’à attaquer l’absence. Comme nos navigations nous jettent parfois dans les errances du doute et nous voient à notre insu attaquer la falaise, ici ce qui était au départ « quiétude » attaque « l’absence intérieure » au courant de « l’entassement / des heures en marge », d’une « lumineuse pénombre », dans le « silence pesant » de « l’attente » tendue vers « le foudroiement des certitudes ». Quelque chose s’est rompu de l’éternité augurale de l’amour, « rosée première », qui laisse advenir l’ombre autour du « Je nous » initial

Le chant de la femme source, Estelle Fenzy (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 04 Septembre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le chant de la femme source, L’Ail des ours, juillet 2020, 70 pages, 6 € . Ecrivain(s): Estelle Fenzy

Deux temps du chant ordonnent ce livre, chant d’une femme qui évoque un passé de rivière, d’été, et l’imparfait convoque tout le paysage affectif et souriant de rencontres au bord de l’eau, tissées du bonheur d’être ensemble.

Dans la douceur des mousses

nous faisions des serments

Nos sangs mêlés parlaient

d’un cœur sauvage

de morceaux d’univers

assemblés sous les aulnes

d’abandon de l’enfance (…)

(p.23)

Borne 45, Denis Hamel (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 02 Septembre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Borne 45, Denis Hamel, Éditions du Petit Pavé, Coll. Le Semainier, janvier 2020, 47 pages, 8 €

 

À première lecture, en le feuilletant, ce recueil poétique signé Denis Hamel pourrait sembler être écrit dans la tonalité de cet « abîme de fleurs noires » dont parle le poète sur « une route d’automne pétrie d’angoisse ». Et l’inquiétude – « l’intranquillité qui a donné son nom/ au livre de Pessoa » – traverse effectivement ce road-movie poétique. Mais un autre noir vient recouvrir le premier et diffuser sa lumière sur la page de l’existence notée ici work in progress, avec une spontanéité créative collée au plus près du rythme bringuebalant de la vie quotidienne

noircir page pour échapper au vide

car vide broie vie dans le silence

la vie broyée qui ne peut vivre

cherche lumière en page noircie