La vie volatile, Jacques Demarcq (par Jean-Paul Gavard-Perret)
La vie volatile, Jacques Demarcq, Editions Nous, août 2020, 397 pages, 30 €
Jacques Demarcq : filles et fils de l’air
Jacques Demarcq sait que chacun bat les cartes avec ses ombres et se perd dans son propre désert – il n’a même pas besoin de celui des autres. Bref, chacun va avec sa bougie. Flamme flotte avec un petit panache de fumée. Mais pour sa part il avance avec ses Zozios dont il donne une suite après son premier tome apocryphe (2008).
Son autre monde (mais il est aussi d’ici) est fait d’aventures avec les oiseaux et autres animaux. Il passe désormais par des voyages aux Amériques, en Afrique et Asie et se complète par un tour du monde des arts traditionnels et modernes de tous les continents.
Se crée un body building animalier, un bestiaire immense, et c’est une manière de nous réjouir de tout ce qui nous dépasse par ce qui nous fait chavirer et envoyer en l’air. C’est une manière aussi de persévérer la sérénité, en se déplaçant du nid glacé des hommes pour le remplacer par ceux – plus chauds – des animaux et des arts en suivant notre poétique « professeur » d’art et de sciences naturelles. Pour lui, « Les oiseaux sont une chance à saisir, à l’égal de l’amour ».
Le livre est aussi solide que farcesque, drôle que sage, riche de ses images iconoclastes à souhait. L’auteur ne répond pas de la gêne que ses écrits pourraient occasionner. Et il a raison car le lecteur pourra toujours se tenir pour satisfait de ce livre. D’autant que celui-ci ne répond pas aux règles admises selon les docteurs de la loi poétique : il ne recèle pas les effets de style et de vocable que tout poète digne de ce nom doit respecter.
Demarcq préfère au besoin le vernaculaire, les choses simples qui vont mieux à une époque où il n’est pas jusqu’aux zozios d’Aristophane d’enterrer « dans leurs propres têtes les cadavres de leurs parents ». Pour notre poète, les oiseaux n’ont rien de cimetières volants. Bien au contraire. Et c’est ainsi que la farce humaine va bon train. Tout est désopilant et burlesque – du moins de plus en plus souvent et en surface. Feignant un matérialiste qui ignore la transcendance, le poète s’amuse. Le livre finit par un « Dans nos airs, prenons du champ et dansons légers ». C’est une contre-escarpe à tout ce qui nous fait plier.
Jean-Paul Gavard-Perret
Jacques Demarcq est poète et traducteur. Il a publié, entre autres, Les Zozios (2008), Avant-taire(2013), et le génial Phnom Poèmes (2017).
- Vu : 1201