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Poésie

Inventions, suivi de Notes sur des pivoines, Philippe Denis (par Jean-Charles Vegliante)

, le Mardi, 30 Mars 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Inventions, suivi de Notes sur des pivoines, Philippe Denis, Le Bruit du temps, mars 2021, 88 pages, 11 €

 

Inventions, d’une pivoine à l’autre

Qui a lu Philippe Denis – la poésie ardente et austère de cet auteur, toujours aimable par son humour fraternel – ne sera pas autrement surpris de ses Inventions de formes brèves japonaises, pour l’essentiel approchées à travers les versions anglaises de Reginald H. Blyth, chez Hokuseido Press (1949-1952). La « voie du haïku », poétiquement suivie en constant rapport avec la nature, exigeant le moins d’émotion possible sans être intellectuelle (ni morale, ni esthétisante), n’est pas très éloignée des intérêts de ce poète, tendant à l’épure et à l’élagage, autant dans sa production propre que dans son travail traductif (en particulier, on l’a vu ici même, à partir de l’œuvre d’Emily Dickinson). Cette sorte d’effacement du je relevant plus du pas de côté que de quelque ascèse spirituelle, est visible par exemple dans ce pur objet de sa poétique :

Nuit close, Philippe Leuckx (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 25 Mars 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Nuit close, Editions Bleu d’Encre, février 2021 (sizains poèmes), 30 pages, 10 € . Ecrivain(s): Philippe Leuckx

 

D’emblée, avec son titre court, Philippe concise la nuit en une sorte d’évanescence très présente à l’état brut, tel un ciseleur ou un tailleur de pierre :

« On se rempare/ comme on peut/ on taille dans le noir/ la limite du cri/ l’offrande à peine sûre/ de ses poumons blessés ».

Là où la respiration se fait prise sur la matière à vouloir restituer les choses, les rendre prenantes, l’auteur saisit « à plein sang » la tourmente à l’affût d’un cœur qu’il écoute « en recel de visages ».

Philippe a cette intention de clore la nuit pour protéger le jour malgré qu’il ne sache « presque rien/ des promesses de l’aube ».

33 poèmes en forme de nouvelles (ou l’inverse), Jean-Louis Rambour (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 19 Mars 2021. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

33 poèmes en forme de nouvelles (ou l’inverse), Jean-Louis Rambour, Éditions Les Lieux-Dits, Coll. Cahiers du Loup bleu, 2019, 39 pages, 7 €

Deux évidences s’imposent pour qui revient toujours à l’œuvre de Jean-Louis Rambour (car il s’agit bien d’une « œuvre ») : quelque chose du fleuve coule dans cette poésie comme dans celle de Jacques Darras, mais différemment. Sans doute, déjà, parce que le fleuve y coule sans arrêt dans sa fluidité et force dynamique, dans une transformation de lui-même ajoutée à celles qu’il provoque, porte, emporte. L’écriture protéiforme de Rambour atteste ce dynamisme des fluides à l’œuvre, qui roule dans le lit du Langage pour y déposer des alluvions typiques du cours de son fleuve, qui emporte dans son débit le charroi de nos émotions et interprétations. L’infini où chaque texte ou livre du poète se jette nous fait à chaque fois les navigateurs livrés aux métamorphoses de ses eaux poétiques. Nous n’embarquons pas sur le fleuve de la poésie de Jean-Louis Rambour, c’est bien son cours/son flux sans cesse renouvelé qui nous prend dans son voyage. Deuxième évidence marquant l’œuvre du poète : sa poésie révèle la profondeur de la vie dans son miroir, là où les reflets disent au-delà des sens qu’ils émettent. Le premier texte des 33 poèmes en forme de nouvelles (ou l’inverse) publiés dans les Cahiers du Loup bleu aux éditions Lieux-Dits nous ramène d’entrée à cette évidence :

Les Papillons de Kracov, Quand nous ne lirons plus les livres sous la mer, Sylvie E. Saliceti (par Marie-Hélène Prouteau)

, le Jeudi, 18 Mars 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Les Papillons de Kracov, Sylvie E. Saliceti, Éd. du Canoë, mars 2021, 63 pages, 14 €

Ceux qui ont lu les précédents recueils de poésie de Sylvie E. Saliceti connaissent l’étonnante inventivité qui caractérise l’écriture de cette poète. Les Papillons de Kracov confirment cette spécificité. Ces huit chants en vers libres et proses brèves se déploient à partir de l’évocation des derniers pêcheurs de corail répartis entre la Corse et l’Italie.

« Quand le corailleur descend le long de la corde à singe

il accomplit le geste

grave

des enfants

qui entrent dans la ronde

il descend

rejoindre l’humanité

des grands fonds »

Élise ou l’abri de lettres, Isabelle Pouchin (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 15 Mars 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Élise ou l’abri de lettres, Isabelle Pouchin, Gaspard Nocturne, 2017, 180 pages, 19 €

 

Le titre de ce livre nous met sur la voie de la musicalité : comment ne pas penser à la Lettre à Élise devant cet abri qui nous est proposé ?

C’est d’abord dans sa forme que ce texte s’affirme : il suffit de feuilleter quelques pages pour découvrir qu’il s’articule autour des lettres de l’alphabet, ce qui donne à penser qu’on cherche là à retrouver le sens ou l’essence de certains mots, voire à leur donner un nouveau sens. Et pourquoi une telle intention ? Par-delà cette forme qu’on pourrait apparenter à un dictionnaire intime, nous sommes bel et bien confrontés à la situation d’un roman : depuis cinq ans, plusieurs hommes et femmes survivent tant bien que mal dans un endroit des Cévennes, après une Catastrophe (systématiquement écrite avec une majuscule) qui a décimé un grand nombre de leurs congénères. Ils sont passés par des étapes de cruauté qui les ont subjugués eux-mêmes. Revenus à un âge de pierre qu’ils assument comme ils peuvent, ils n’en ont pas moins le souvenir de la civilisation passée : c’est parce qu’elle a retrouvé un dictionnaire qu’Élise se met à écrire un journal à partir des mots qu’elle croise.