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Poésie

Nuit de foi et de vertu, Louise Glück (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 04 Mai 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Gallimard

Nuit de foi et de vertu, Louise Glück, mars 2021, trad. anglais (USA) Romain Benini, 160 pages, 17 €

 

Au sein de cette Nuit de foi et de vertu, la plupart des poèmes s’ouvrent comme d’apparents récits, ont l’air de se dévoiler avec une narration traditionnelle. Mais la forme du vers, bien souvent, prédomine ; et même quand cette forme n’y est pas, un rythme s’impose tel qu’il nous fait entrer dans le courant d’une pensée, ou de plusieurs pensées, comme autant de temporalités, d’images, de tableaux, qui s’entrecroisent, malgré soi, qui se brouillent dans un même flux, cherchant à nous faire atteindre – peut-être – un sens à nos émotions. Cela voudrait-il dire que Louise Glück (ou l’énonciateur du poème) tend à un but ? Probablement moins qu’on ne le croie. Il semble plutôt que la poétesse tienne à exposer : on part d’un fait somme toute banal, qui, au fur et à mesure du déroulement continu du poème, prend des dimensions de plus en plus larges sur l’existence confrontée au temps, sur les questionnements et événements qui ont bouleversé une vie. Et tout ceci sans l’once d’une grandiloquence, mais plutôt en ayant l’air de passer, telle une ombre glissant devant une fenêtre ensoleillée, et en étant toujours relié au quotidien.

Hormis la joie, Pierre Andreani (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 03 Mai 2021. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Hormis la joie, Pierre Andreani, éd. Sous le Sceau du Tabellion, février 2021, 96 pages, 13 €

 

Fouillement

Mon travail critique a le mérite de me faire ressentir de la joie et bien souvent de la curiosité pour des textes nouveaux qui me parviennent. C’est le cas ici avec ce livre de Pierre Andreani, où la difficulté non pas de trouver une clé dans ce mystère, mais un surcroît d’intensité en découvrant la personne, le poète derrière ses lignes, est devenue au cours de ma lecture justement cette clef-là que je cherchais. Ainsi, je crois avoir compris où la signification rationnelle venait buter, grâce à une expérience de la langue profonde et énigmatique. Cette double compréhension – moi lisant un texte feuilleté par un divorce entre l’épithète et son explication – s’est révélée une gymnastique dans laquelle ce qui est intervallaire a plus de poids que la réalité des sens, que la teneur intellectuelle des définitions et des sèmes.

Amu Sönèya, Bernard Bretonnière, Centre de Créations pour l’Enfance de Tinqueux (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 30 Avril 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jeunesse

Amu Sönèya, Bernard Bretonnière, Centre de Créations pour l’Enfance de Tinqueux, Coll. Petit VA, février 2021, 56 pages, 5 €

 

Très belles illustrations en noir et blanc grisé.

Sous le titre Amu Sönèya, il faut comprendre l’expression soussou « C’est pas facile ». Chaque poème de ce livre à spirales se clôt par « C’est pas facile », euphémisme, certes. La situation est catastrophique pour chaque migrant. Le poète, sensibilisé au sort des populations subsahariennes, demandeurs d’asile, réfugiés, consacre son livre à cette condition d’humains oubliés en plein XXIe siècle. Cette radiographie au plus près des circonstances vécues par ces femmes, hommes, enfants en quête de paix et de sécurité, découvre le pan immense du problème : exil, traversée des déserts, passage ardu des frontières, faim, hébergement dérisoire, quête impossible de papiers, obstacles des administrations, racisme, rejet, acculturation, violence, etc.

Les Chants de l’Enténébré, Georg Trakl (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 26 Avril 2021. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Langue allemande

Les Chants de l’Enténébré, Georg Trakl, éditions Arfuyen, janvier 2021, trad. de l'allemand (Autriche) par Michèle Finck, 144 pages, 15 €

 

Couleurs

Il y a longtemps que je connais la poésie de Georg Trakl. Mais, c’est la première fois que je distingue autre chose que l’expressionnisme auquel on le rattache habituellement. Bien sûr, il y a du vrai dans cette classification, mais cela reste une vérité relative, car on trouve tout aussi bien le Rimbaud des Voyelles que l’influence des avant-gardes des années 10. Je m’appuie sur cette belle idée de Todorov, qui écrit que l’œuvre de génie, capable de changer la compréhension esthétique d’une époque, est feuilletée : des liens avec le passé, pour avancer dans ce maillage des héritages, stigmates qui autorisent la nouveauté, le pas en avant. L’œuvre qui transforme la littérature n’est pas qu’une destruction de l’ancienne littérature.

Lettre au recours chimique, Christophe Esnault (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 19 Avril 2021. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Lettre au recours chimique, Christophe Esnault, éditions Aethalides, mars 2021, 128 pages, 16 €

 

Dans mes clairières, je ne suis jamais seul

J.B. Pontalis

Poème pellucide

L’impression générale que j’ai pu ressentir à la lecture de cette lettre au recours chimique, c’est celle d’une fluidité, d’un certain chant régulier. Ce texte qui graphiquement est centré sur la page (à tel point que j’ai reconnu des calligrammes, ceux d’Apollinaire comme perspective), se lit par souffle. Cette poésie est donc charnelle. Ou encore, en relation avec la phonation, l’élocution orale (très vieux modèle de la poésie occidentale depuis les aèdes). Ici, cette prise de parole devient une expérience de la pensée critique. Surtout comme un discours ironique et violent, et nullement une expression de l’espèce speakers’corner. Les thèmes n’en sont pas moins brûlants, écriture cependant conçue comme un engagement littéraire : la maladie, la déréliction psychologique, la psychiatrie et ses psychiatres.