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Poésie

Agencement du désert, Carole Mesrobian (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 02 Juillet 2021. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, Critiques, Essais, La Une Livres, Z4 éditions

Agencement du désert, mars 2020, 132 pages, 11 € . Ecrivain(s): Carole Carcillo Mesrobian Edition: Z4 éditions

 

Certains livres sont difficiles à cataloguer, encore faut-il qu’il soit nécessaire de procéder de la sorte. L’essai, sans doute, permet d’être seulement un texte, au sens plein d’une écriture de l’imaginaire. Y entrent de plein droit l’expression autobiographique, les traces de lectures, les rêves enfouis, le désir d’écrire.

Mêlant considérations biographiques, exploration du domaine de la femme, découverte de la Littérature et analyses précises des épigraphes de Stendhal, poèmes de l’auteure, le texte très polysémique de Mesrobian met en lumière le rôle de l’écrit, sa sauvegarde et son effet de catharsis.

Les pages émouvantes de la fille sur la mère (la non-mère), sur les avancées très relatives de la condition de la femme, plongent le lecteur dans une approche humaniste, partageable : l’enfance y a sa fonction (« la pulpe végétale de l’enfance »), « écrire c’est être libre » ou encore « l’Art est un corps qui respire ». Tissant sa recherche sur l’appui d’œuvres comme celles de Huysmans ou de Grünewald, Mesrobian affûte l’outil pour aboutir au travers de Michaux à cette « puissance incantatoire du cri ».

Les féeries profanes, Julien Miavril (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Vendredi, 02 Juillet 2021. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Les féeries profanes, Julien Miavril, Éditions Stellamaris, 2019, 136 pages, 21 €

 

Le titre de ce recueil fait écho à l’expression « féeries profanes » employée par Rimbaud dans son poème Mauvais sang (Une Saison en enfer). La poésie de Julien Miavril a en commun avec celle du célèbre poète maudit d’être d’une extrême intensité, elle remue, secoue, bouleverse les repères de l’ordre établi.

Rimbaud : « Le poète se rend voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens » (Lettre à Paul Demeny dite Lettre du Voyant).

Le poète Julien Miavril annonce dès le début de son recueil, Les féeries profanes, être porté par une quête d’absolu qui côtoie les rivages de l’inaccessible : « J’ai depuis longtemps cessé de chercher ce qui se trouve sans peine ». Cette quête du Graal est menée essentiellement par l’intermédiaire de la poésie que l’auteur considère comme « un éternel feu nourricier ».

Une Couronne d’Orage, suivi de Beauté et de Royauté, Thibault Biscarrat (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 01 Juillet 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Une Couronne d’Orage, suivi de Beauté et de Royauté, éditions Ars poetica, mars 2021, 108 pages, 18 € . Ecrivain(s): Thibault Biscarrat 

« Et l’éternité n’est plus un instant, mais l’essence de l’instant ; le poème n’est plus une parole mais l’essence de la parole. Ainsi se déploie une infinité de pensées, de chants, de gestes et de lueurs » (Une Couronne d’Orage).

« Une distance nous sépare de ce monde, accroît les signes, le silence, les blessures. Nous sommes les témoins, des éclairs, des éclaircies. Une porte s’entrouvre vers cet autre royaume » (III-Beauté).

Une Couronne d’Orage suivi de Beauté et de Royauté, est touché par la grâce, autrement dit par la parole – Au principe était la parole, la parole était chez Dieu et la parole était Dieu (1). Au principe était la parole pour tout écrivain attentif à ce qui l’entoure, à ce qui l’embrase : un parfum de rose, un chant de moissons, la rosée d’une clairière, les éclairs d’un orage, une femme qui danse, une lumière, le soleil, le sable, la foudre et la pierre. Au principe était la parole, et l’écrivain s’en saisit, comme l’on se saisit d’un instrument de musique pour rendre grâce au ciel, à la lumière divine, à la nature heureuse, à un frisson qui trace sur sa peau une mélodie, à une illumination qui éclaire ses pas.

Duende, Jean de Breyne (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 01 Juillet 2021. , dans Poésie, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Duende, Jean de Breyne, Propos Deux éditions, avril 2021, 158 pages, 14 €

Il existe peu de poètes de la timidité, de la réserve psycho-sociale, puisque la timidité est avant tout une hantise de se montrer trop expressif, alors qu’une ardeur poétique craint de ne l’être jamais assez. Et Jean de Breyne (né en 1943) est un poète de la timidité :

« J’attends ce moment de dire

C’est dans la phrase

Il faut l’entendre

Cela n’est jamais facile

Cependant dite » (p.124)

Il existe, de même, peu de poètes du maintien, de la correction posturale, de la juste appréhension par un corps de ce qu’il lui convient de goûter ou éviter, car la même voix qui, dans le maintien, contrôle la tenue d’un corps entre les autres, donne corps (dans la poésie) à l’entre-tenue des mots. « Vous avez raison tous deux » s’empresse de dire Mr Jourdain aux maîtres à danser et de musique qui logiquement s’empoignent. Notre poète est pourtant un poète du maintien :

Ouvrière durée, Gilles Lades (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 28 Juin 2021. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Ouvrière durée, Gilles Lades, éditions Le Silence qui roule, avril 2021, 104 pages, 15 €

Le poème-paysage

Dès les premiers vers du recueil Ouvrière durée, l’on est pris par l’attention que porte le poète à son pays. Je dirais même que l’on y trouve le goût d’une espèce de road-movie à la française, devenant ici un road-poetry. Cette durée notamment signifie la patience qu’il faut avoir pour vagabonder dans les collines et les bois d’un pays que j’ai identifié comme un paysage du Lot. Vagabonder ne voulant pas dire paresse, mais au contraire travail au-dedans du poète en ses images, en son répertoire, en sa vision et son chant (champs devenant contrechamp du poème). Oui, un herbier, mais composé de plantes et de végétaux simples, abordables, pas exotiques, ceux d’une terre sobre et laborieuse. Car il s’agit tout à fait de l’habitation du poète, de celui qui veut habiter le monde en poète.

Cette durée bergsonienne, celle du sucre qui se défait lentement de sa compacité pour infuser dans un liquide, prend, sature, infuse justement la durée du labeur du poète. Écrire le paysage, c’est abandonner son temps pour le temps primordial du poème, de la naissance du texte au milieu d’une colline et de sa fin dans le livre. C’est une question d’infusion.