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Poésie

Des âmes vagabondes, Anthologie de poètes symbolistes bulgares, Collectif/Kavaldjiev (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 15 Mars 2021. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Pays de l'Est

Des âmes vagabondes, Anthologie de poètes symbolistes bulgares, Collectif/Kavaldjiev, éditions Le Soupirail, octobre 2020, trad. bulgare, Krassimir Kavaldjiev, 226 pages, 25 €

 

Qui écrit ?

Il m’est difficile de prendre mon stylographe pour évoquer ce livre très intéressant consacré à une anthologie de poètes symbolistes bulgares. Tout d’abord parce que l’angle du symbolisme est aigu au regard de ce je connais – ou ne connais pas – de la poésie bulgare. Ensuite, d’autres connaissances de la littérature bulgare en général m’auraient été utiles pour distinguer mieux les points éminents et ceux qui le sont moins – à l’exception ici des deux poétesses dans le corpus des quatorze poètes recensés, qui m’ont paru plus remarquables. Cette indistinction relative tient aussi à ce que je cherchais en lisant. J’essayais de trouver un angle, pour décider qui écrivait, qui chantait, qui disait. Et donc à travers ces présentations de poètes et poétesses, assez renseignées biographiquement, et également par un volume important de poésies pour chacun des auteurs, je pensais trouver une ligne commune dans ce que j’appellerais ici la « bulgaricité ».

Quatuor, Emmanuel Moses (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 12 Mars 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Quatuor, éditions Le Bruit du temps, mars 2020, 80 pages, 16 € . Ecrivain(s): Emmanuel Moses

 

Romancier (pensons à l’étonnant Monsieur Néant), poète (voici le 21e opus), Emmanuel Moses, né en 1959, délivre ici « quatre » longs poèmes sur des thèmes qui lui sont chers : l’amour, la rencontre mystérieuse, la mémoire des gens et des époques, Jérusalem (la foi de ses ancêtres, la Shoah). Le titre donc, bien choisi, est aussi musique des mots, instrument poétique pour dire, en de très longues laisses, ce qui lui tient à cœur.

En termes d’amitié, d’amour, la rencontre insolite est un fervent ferment ; elle vivifie toute relation ; elle instaure en soi, en l’autre, le mystère doux de vivre :

L’inconnu avec qui on discute dans le compartiment

la salle d’attente ou le salon de coiffure

Fracture du souffle, François Mary (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Mercredi, 10 Mars 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Fracture du souffle, François Mary, ErosOnyx éditions, Coll. Eoliens, janvier 2021, 74 pages, 13,50 €

 

La poésie ne peut être un exercice de style ou un pur jeu de langage. Elle est bien plus que cela. Elle est mise à nu, exposition d’une vie au tranchant des mots. Epreuve de vérité pour le poète par ce qu’elle dévoile et qu’il lui faut affronter. Il n’y a pas d’échappatoire.

François Mary, qui nous a déjà donné un très beau texte sur son père (« Père », dont on a rendu compte ici), nous livre aujourd’hui un nouveau recueil de poèmes, un ensemble très cohérent, fort, sans concession, aux images souvent crues, dans la réalité de sa vie d’homme. Une vie traversée, bouleversée, piétinée même par la rencontre qu’il fait de « garçons farouches, anges de chair » à la beauté sauvage, puissante, terrible, qui croisent sa route et dont le recueil tout entier, dédié notamment à l’un d’eux, son compagnon d’infortune disparu à trente ans, témoigne. Ses « anges d’orage, toujours en colère » qui surgissent « dans la fracture du souffle ». Pour eux il ressent un désir âpre, violent, dont il ne cache ni le caractère trouble ni la noirceur, et qui l’emporte jusqu’aux limites de lui-même.

Le Fou et la Licorne, Éric Poindron (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 04 Mars 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le Fou et la Licorne, éditions Germes de barbarie, février 2020, postface Pierre Michon, 240 pages, 17 € . Ecrivain(s): Eric Poindron

« Certains poètes n’écriront jamais le moindre vers, d’autres deviendront des météores ou des planètes dans la galaxie littéraire. Chaque destin reste à écrire » (Liminaire de l’éditeur).

« Revues, livres et dictionnaires s’entassent tandis qu’entre crépitement et silence, le sculpteur astronome rêve à Saturne. Il boit un whisky et lit Paul-Jean Toulet, Si tu as peur de la mort, n’écoute pas ton cœur battre la nuit (Le sculpteur du temps, Éric Poindron).

Éric Poindron ressemble à s’y méprendre (heureuse méprise) au cinéaste franco-chilien Raoul Ruiz (1) : même imaginaire foisonnant, même fascination pour les livres magiques, le fantastique facétieux, même passion pour les boîtes à musique, les machines à remonter le temps, les pirates, les magiciens, les collections, les cabinets de curiosité et L’esprit de l’escalier (2), ce qui n’est pas dit, finit par être écrit. Il suffit pour s’en convaincre, de voir ou de revoir les films du réalisateur voltigeur, par exemple : L’Hypothèse du tableau volé, Les trois couronnes du matelot, La ville des pirates, Trois vies et une seule mort, ils ne ressemblent à aucun autre film de cinématographe, par leurs trouvailles, leur originalité, l’effervescence baroque qui les illumine, la croyance qu’ils portent aux images animées, 24 éclats par seconde, comme au tout début du cinématographe.

L’arche inuit, Fragments de l’arche-inuit, Denis Ferdinande (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 24 Février 2021. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

L’arche inuit, Fragments de l’archi-nuit, Denis Ferdinande, éd. Atelier de l’agneau, Coll. Architextes, novembre 2020, 146 pages, 18 €

 

« Et si tout revenait à ne plus savoir écrire ? », interroge le « diariste littéraire » d’entrée, dans l’« Avant-dire », sous « l’arche » du Langage dont, il prévient, la syntaxe (liée à la sémantique) est ici l’objet d’investigation primordial (« de la syntaxe avant toute chose », écrit Denis Ferdinande, où Paul Verlaine écrivit « de la musique avant toute chose » dans son Art poétique). L’auteur évoque bien la possibilité de « ne plus savoir écrire », et non de ne plus vouloir écrire. Nous touchons là à l’articulation de l’être et du monde, dans l’Histoire qui s’écrit, sur le fil linéaire déroulant le parchemin-palimpseste expérimental du Je alias « Personne ». La nuit s’ouvre arche éperdue, porte battante sur le seuil du jour, et « l’écrivant » ne peut que s’autoriser la forme linéaire du journal sauf à rejoindre l’indicible vacuité de ce qui s’écarterait de son expérience même scripturale. L’Écrire tourne ici roue libre sur l’axe d’une pensée itinérante, cadre roulant construisant sa voie tel ce E dessiné sur le frontispice de ces « Fragments de l’archi-nuit » (métal tenant lieu d’armure de la lettre) : AVEC ROTULE CENTRALE EN ACIER par quoi la lettre pouvait être mue, y ajoutant l’accent, XIIIe siècle).