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Poésie

Passe aux cerfs dans la brume, Michel Bourçon (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 09 Octobre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Passe aux cerfs dans la brume, Michel Bourçon, Christophe Chomant Editeur, septembre 2020, 138 pages, 19 €

La mélancolie au long cours

Michel Bourçon, que je suis depuis une petite douzaine de recueils, parmi lesquels Ce peu de soi (éd. La tête à l’envers) reste l’incontournable opus, tient un journal poétique en prose de plus de deux années. Il livre patiemment ses observations, ses états d’âme, ses réflexions, poète climatique, apte à saisir « le ciel dans les moindres » mouvements, poète atmosphérique du cœur et des yeux, prélevant au réel scruté et ressenti, des pépites, en dépit de « l’effondrement du jour », et du passage du temps, lui, privé « de s’envoler ».

Le maître de l’interstice, de l’entre, du vide d’espacement, Pessoa, a dû durablement inspirer à notre ami nivernais une bonne dose de désenchantement et le pousser à un indécidable mouvement d’esprit : on hésite à vivre, on ne sait comment, on ignore tant de choses, « on frémit », c’est tout, enfouissant journée après nuit, ce réel impratique devant lequel on est juste impuissant. Une phénoménologie des instants perçus ou désirés, des départs pressentis, assure à ces textes une vibration existentielle inouïe.

Parlando, Dominique Preschez (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 08 Octobre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Z4 éditions

Parlando, mai 2020, 139 pages, 12 € . Ecrivain(s): Dominique Preschez Edition: Z4 éditions

Quand écrire acte une renaissance à la parole (Parlando s’intitule ce numéro 10 de la Collection La diagonale de l’écrivain, dirigée par Philippe Thireau, aux éditions Z4 alias Daniel Ziv, là où Louis-René des Forêts titrait l’un de ses récits liés également au silence retenu du langage, Ostinato…), l’écrivain retranscrit son propre cheminement dans le miroir brisé d’un quotidien qui réajuste ses lignes mot à mot, au cœur d’un chant polyphonique plus proche d’un concerto que d’une symphonie.

« À force d’être toujours vivant », à la suite d’un AVC et d’une mort clinique intervenus en 1992 et 1993, Dominique Preschez nous livre, après la somme mémorielle Le Trille du diable parue chez Tinbad en 2018, un retour aux surfaces ondulatoires du monde extérieur et à ses siphons vertigineux, un retour tenté au pays des hommes, ces « autres » semblables

Retour ? sur le seuil, où accueillir l’étranger

&, ne rompre la chaîne vitale, à ne pas trahir

son prochain…

Arches du vent, et Les bois calmés, Pierre Voélin (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 05 Octobre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Fata Morgana

Arches du vent, et Les bois calmés, Pierre Voélin, juillet 2020, dessins Alexandre Hollan (80 pages/15 €, et 64 pages/14 €) Edition: Fata Morgana

 

En mémoire du passé

L’écriture volontairement précieuse et au rythme subtil de Pierre Voélin permet de faire comprendre comment la vie tue au nom du passé – entre autres, de la Shoah. Il s’agit alors d’avancer avec « à la bouche ce goût de solitude /et sur l’épaule un pâle chandail de cendres ». Existe ainsi dans l’œuvre une extraordinaire beauté marmoréenne : « Visage sous le masque – tombe de calcaire où vient battre la lumière criblée //L’amour impur te cherche dans les ruines », preuve que la poésie ne se tient pas hors du « claptrap » (James McNeil Whistler), et refuse l’art pour l’art. Le goût de la ruine n’est là que pour souligner les émotions et devient en quelque sorte le stimulant de la vie.

Étrange, suivi de Onze kaddishim pour Rose, Pierre Maubé (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 02 Octobre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Étrange, suivi de Onze kaddishim pour Rose, Pierre Maubé, éditions Lieux-Dits, Coll. Les Cahiers du Loup bleu, juillet 2020, 32 pages, 7 €

Dans un double mouvement, ce livre se déploie entre vie et mort, entre mal qui ronge le corps et souffrance terrible imposée brutalement à l’autre. Rose a été tuée, à 97 ans, par un terroriste dans la synagogue de Pittsburgh avec dix autres personnes, pour le seul « motif » d’être née juive : l’horreur radicale, qui remémore tous ces actes nazis et autres !

Étrange, premier volet d’une douzaine de poèmes, incise l’appréhension de la vie, de la douleur, du corps souffrant, dans le double sens du terme : prendre en compte et craindre. Le poème soulage-t-il de la dire cette douleur ressentie au plus nu ? En septains jouant de l’anaphore « étrange vie », le poète dissèque sa « douleur », « mienne » jusqu’au plus dur et incisif du mot : avec l’effort qu’il faut pour baliser la souffrance pour mieux la maîtriser, avec le « ricanement » perçu au plus profond, avec ce lot de déplaisantes manifestations du corps souffrant (vomissement, plainte, « vie maladive », ah ! cette « sœur d’abîme », sublime image d’un soi blessé au cœur de ce corps). Dans une description sans complaisance, le poète se met à la place de tout souffrant, quel qu’il soit, dont il éprouve jusqu’à l’os le malaise de vivre et la lueur qui, quoi qu’on ressente, subsiste, en dépit de tout.

Sèves et chants d’herbes, Delphine Roux (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 24 Septembre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Sèves et chants d’herbes, Delphine Roux, éd. La Chouette Imprévue, 2019, Ill. couverture, Hélène Héniquez, 68 pages, 14 €

Un bel objet déjà en soi que ce livre qui contient des poèmes de Delphine Roux, poète résidant dans les Hauts-de-France dont elle s’est imprégné des paysages naturels et fait des herbiers des chants entendus dans les prairies, dans les pommiers :

À la cime des syllabes

Tu chantes le vivant

Gazouillis gravité

Bel objet littéraire, écrin de poèmes bucoliques, fabriqué avec le matériau naturel qui lui sied, stylé grâce à une infographie en harmonie avec la sève des chants d’herbes de Delphine Roux qui circulent dans cet arbre poétique augmenté de ses couleurs vert tendre, verts saisonniers, rouge fleur sanguine, pastels des champs céréaliers et des ciels remarquables de Picardie.