Météores, Stéphane Barsacq (par Didier Ayres)
Ecrit par Didier Ayres le 16.11.20 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie
Météores, Stéphane Barsacq, éditions de Corlevour, septembre 2020, 196 pages, 15 €
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D’emblée, ce que l’on ressent à la lecture de Météores de Stéphane Barsacq, c’est la qualité brillante de l’expression. Son écriture relève du travail et de la finesse d’une phrase légère mais profonde, lumineuse mais grave, éclatante, dense. Cette luminosité – qui ne renonce pas à l’ombre toujours nécessaire au lecteur pour qu’il cherche en lui-même cette parole inquiétante, ombrée, intrigante, que l’obscurcissement détient en lui comme un secret palpitant – accorde assez d’intellection au texte pour y déceler la pensée de l’auteur, clarté où tournoie, plonge cette littérature, ainsi qu’en un milieu aqueux. On pérégrine dans ce livre à la manière d’un voyageur embarqué sur un petit esquif, muni d’un lamparo. On ajoute pour soi une phrase à tel aphorisme, conduit vers des auteurs ou des musiciens pour reprendre souffle avec sa propre connaissance des textes ou des musiques, se dédoublant un instant du contenu pour ajouter le sien propre. Et c’est là pour moi une réussite dans la mesure où l’énonciation reste meuble, s’adapte, se dilate et grandit la pensée.
Mais gagnons maintenant la matière compositionnelle de l’ouvrage. Construit sur le principe d’un abécédaire et par entrées successives a priori aléatoires, fabriquées non comme un dictionnaire, mais comme une porte vers un monde plastique, l’on chemine lettres par lettres dont on suit la pérégrination alphabétique, où l’on ressent une continuité que chaque fragment poursuit.
Les météores, petites pierres brûlantes qui descendent avec violence dans les ciels de la nuit, sont une belle image pour accompagner le déploiement des idées, les nœuds, les fils tissés entre l’auteur et sa pensée, entre l’auteur et les autres auteurs, entre l’auteur et son livre. Ici, dans ce chant d’étoiles, l’art semble la seule issue, le souffle, la fenêtre ouverte sur une force qui nous parle d’un sentier spirituel, une embarcation qui fend les flots.
Ce livre est inspiré, en un sens, lyrique, épris en tout cas de l’œuvre d’art et, pour poursuivre à ma manière quelques citations du livre, dessine un homme pris dans la double angoisse « de la cathédrale ou du charnier ». C’est pour moi la question essentielle de la nature de l’homme. Ce qui veut dire, par voie de conséquence, que le livre est l’abri, le lieu, le refuge, la seule façon possible d’acquérir le repos ou l’inquiétude. Le livre est patrie.
Une aventure spirituelle fragile et difficile, qui n’est pas l’aventure religieuse, quoi qu’elle se place en parallèle ; une aventure qui se veut enthousiaste, et décidée à repousser avec une égale puissance les démons de la réaction, comme les séductions du nihilisme.
Pour détailler un peu plus mon sentiment, je dirais que j’ai été frappé par le lien biographique de l’auteur avec son grand-père, André Barsacq. En tant que petit-fils de cet homme de théâtre français si important à une certaine époque, l’on devine en lui la passation, la passe, comme disent les lacaniens, d’une estime particulière et tenace, du goût pour les œuvres et les hommes.
Pour compléter ce tableau trop succinct probablement, j’ai pensé que l’origine orthodoxe de Stéphane Barsacq ou ce qu’elle représente pour lui, peut aider à rentrer dans cette tentative vive de rendre visible une forme de spiritualité, où au sein du livre, l’on pourrait déceler une relation à dieu. Le dieu vivant dans l’image de l’icône à l’égale de l’écriture du livre. L’icône devenant page. Cette présence de l’écriture, jetée dans le sein infini de croire, style qui supplée à l’or de l’icône justement, fait le passage, le bouillonnement tranquille de la barquerolle de Böcklin. Donc vers des îles noires, illuminées simplement de comètes dorées.
Didier Ayres
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A propos du rédacteur
Didier Ayres
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Rédacteur
domaines : littérature française et étrangère
genres : poésie, théâtre, arts
période : XXème, XXIème
Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen. Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.