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Poésie

Éphéméride, Valérie Rouzeau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 22 Mai 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Éphéméride, mars 2020, 144 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Valérie Rouzeau

 

De Nevers – cité qui incite à la poésie –, Valérie Rouzeau a tenu pour nous un journal poétique du 11 mai 2019 à fin décembre, mêlant dans un joyeux désordre surréaliste et signifiant, notes, poèmes, menues activités, rencontres, fragments de pairs aimés, chronologie intime et intimiste des événements d’une « vie ordinaire », où le registre des faits, des gestes, des textes sonne comme une victoire contre ce temps chenapan et tapageur, période difficile aussi à vivre, sans espérer un peu que la poésie puisse comme un baume joindre à l’amer un peu de beauté et d’inventivité.

Et en matière d’inventivité, Rouzeau ne manque pas de ressources, se régalant à commettre sur le dos des signifiants, nombre de forfaits poétiques notoires, selon la logique de « l’effet mère ride », Valérie consigne ainsi :

La Bête, son corps de forêt, Perrine Le Querrec (par Jean-Paul Gavard-Perret))

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 18 Mai 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

La Bête, son corps de forêt, Editions Les Inaperçus, juin 2020, 48 pages, 7 € . Ecrivain(s): Perrine Le Querrec

 

 

Les mots de Perrine Le Querrec lorsqu’ils parlent des femmes sont souvent chargés d’ombre. Solidaire de celles qui furent des victimes à diverses époques (femmes tondues à la libération par exemple), elle écrit dans la faille du temps comme dans les espaces d’enfermements en renversant les données de l’asile – il est fait chez elle non pour protéger le dehors de leur dedans, mais leur dedans du dehors.

Pour autant, dans un second volet de son travail, l’auteure quitte les moments de désolation et de dégradation pour oser une écriture de l’éros. Les corps sont là sans fard. Et si Beckett a écrit « Il faut dire des mots », Perrine Le Querrec ramène à la surface de la page non les vestiges mais les vertiges d’un corps qui écrit, et tout tremble.

Le jour du chien qui boite, Werner Lambersy (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 07 Mai 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Henry

Le jour du chien qui boite, janvier 2020, 36 pages, 8 € . Ecrivain(s): Werner Lambersy Edition: Editions Henry

 

Ce nouvel opus de Werner Lambersy est un credo, un livre de prières adressé au monde dans le désir vivant de le voir s’accomplir à hauteur d’humanité, mû par l’amour (« L’amour est l’échelle de secours »), la fraternité, grandi par la beauté. Le constat du poète est lourd de déceptions et d’amers états des lieux mais s’il s’en remet à Celui qui pour certains créa le monde, c’est que l’espoir reste vivace :

« Seigneur puisque tu n’existes pas

Je me confie à toi »

Marginal, désœuvré, sans domicile fixe, après avoir « traversé, brisé ce jour du chien qui boite », l’homme qui s’exprime encore ici a entendu « que le monde n’a pas besoin de poète » et cependant affirme que la beauté a besoin qu’on la voie, « même si ce n’est que son ombre emportée ». Et ce recueil fait entendre l’écho de cette ombre emportée sous le feuillage du retrait qui fait silence pour mieux écouter et faire entendre le monde bruissant alentour qui ne cesse de veiller et de nous mettre en tension pour se sentir vivre.

L’écorce rouge, Murielle Compère-Demarcy (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 04 Mai 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Z4 éditions

L’écorce rouge, Murielle mars 2020, 166 pages, 15 € . Ecrivain(s): Murielle Compère-Demarcy Edition: Z4 éditions

 

Le livre des heures naturelles

Ouvrir un recueil de poésie et écouter la voix d’un poète, c’est abandonner pour un temps l’utilitarisme étriqué et mettre à distance le monde pragmatique dans lequel nous oublions trop souvent l’essentiel de nos vies. C’est aussi écouter une musique singulière, partager l’originalité d’un regard et encore suivre « la magnifique et sauvage déraison » selon le mot de Nietzsche dans Le Gai Savoir. Tout cela, nous le ressentons en abordant le recueil de la poétesse Murielle Compère-Demarcy, L’écorce rouge.

L’ouvrage se présente comme un triptyque. Les textes de L’écorce rouge sont suivis de Prière pour Notre-Dame de Paris (texte de circonstance, s’il en est) et de Hurlement (ce dernier étant dédié à Patti Smith). Il y a dans les poésies de Murielle Compère-Demarcy, qui publie également sous le nom de MCDem, une force d’écriture, une ardeur et une volonté entêtée de marquer sa présence, ce qu’elle appelle le « Vivre » et « l’Ecrire » face au monde. « J’écris, rai de lumière vacant battant des ailes / sur le seuil de la porte obstruée du jour ».

Cahiers des chemins qui ne mènent pas, Jean-Louis Bernard (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 27 Avril 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Cahiers des chemins qui ne mènent pas, éditions Alcyone Coll. Surya, 2019, 64 pages, 17 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Bernard

 

 

Le nouveau recueil que nous livre aujourd’hui Jean-Louis Bernard se compose de 54 poèmes qui sont à vrai dire des textes en prose dont certains, au nombre de 10, abritent en leur sein un poème proprement dit. Faisant fi des distinctions traditionnelles pour aller à l’essentiel, là où se nouent énergie et rythme, images et sons, le poète, par ce recours à la prose, loin de diluer la concentration et la puissance de ses mots (telles qu’elles apparaissent dans ses précédents titres, A l’ordre de l’oubli, et Ce lointain de silence, dont on trouvera ici la critique), au contraire les déploie dans un nouvel espace. Car, si l’on y retrouve, comme dans toute œuvre élaborée, ses thèmes récurrents, l’absence, le silence, le paradoxe du langage qui dit et ne dit pas, ils se trouvent cette fois pris dans une perspective plus large qui les propulse, les enrichit, et les consacre.