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Les Livres

Méridien de sang, Cormac McCarthy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 18 Mai 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Points

Méridien de sang (Blood Meridian, or the Evening Redness in the West, 1985), Cormac McCarthy, Points, 2016, trad. américain, François Hirsch, 463 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Cormac McCarthy Edition: Points

 

Le gamin – nous ne saurons jamais son nom – nous mène dans une traversée hallucinée de quelque chose qui ressemble à s’y méprendre au cœur de l’Enfer. C’est la structure même du roman. Un déroulé d’épisodes, de scènes, de rencontres qui est la marque de McCarthy, cet amoureux des phrases coordonnées, scandées par les et … et … et. Cette scansion donne à tout le roman une musique de litanie funèbre, de thrène cent fois répétée, couvrant ainsi tout le récit de la résonance du théâtre antique. L’ostinato du récit qui se tient entre le Texas et le Mexique – évoque aussi, puissamment, le célèbre et sinistre Deguello mexicain, air de trompette déchirant et infiniment répétitif, joué à l’occasion des grands massacres guerriers (on l’entend, entre autres, dans le fameux Alamo de John Wayne), ceux où on annonce qu’il n’y aura place pour aucune pitié. Et, pendant que nous évoquons le cinéma, il est impossible de ne pas parler des films de Sam Peckinpah qui semblent planer sur chaque scène du roman. Des moments surgissent, tout droit sortis de La Horde Sauvage. Car Méridien de sang est un roman très visuel, les couleurs y jouent un rôle essentiel, à commencer par son titre bien sûr.

Applaudissez-moi !, Philippe Zaouati (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 18 Mai 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Applaudissez-moi !, Philippe Zaouati, Éditions Pippa, septembre 2020, 132 pages, 15 €

Ce livre commence un peu comme le récit d’une dérive situationniste, le personnage central raconte comment le dimanche, souvent ses pas le menaient de son domicile de l’île Saint-Louis au 36 quai des Orfèvres où l’attendait le fantôme de Jouvet. Son ton est presque celui de la nostalgie, il a la couleur des murs gris du bâtiment historique de la PJ. Puis d’un coup, la lumière se fait très dure, elle dessine crûment les contours du décor, et le présent frappe le narrateur de face, l’oblige à dissiper les souvenirs, à affronter le présent, désormais le 36 c’est Clichy, le Bastion avec son imposante façade de verre. « Le temps des petits pas est révolu, une brèche s’est ouverte avec l’épidémie, il est peut-être temps d’y engouffrer nos rêves. On me fait patienter dans une grande salle impersonnelle dans laquelle ont été alignées trois rangées de sièges en résine grisâtre ».

La réalité, c’est que nous sommes en août 2020 au cœur de l’épidémie de Covid 19. Samuel K., expert financier, professeur à Sciences Po, va être mis en garde à vue pour « faux et usage de faux, usurpation d’identité, détournement de fonds, escroquerie en bande organisée et abus de bien social ». Faisant sans doute partie de ces gens qui sont capables d’écrire comme ils parlent, ce qui donne beaucoup de fluidité au texte, le père de notre héros, Philippe Zaouati, va raconter en un long monologue ce qui est arrivé à Samuel K.

Miniature ou Les Mémoires de Miss M., Walter de la Mare (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 17 Mai 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Joelle Losfeld

Miniature ou Les Mémoires de Miss M., Walter de la Mare, trad. anglais, Christiane Guillois, Florence Lévy-Paoloni, 578 pages, 20,30 € Edition: Joelle Losfeld

 

De prime abord, on sera surpris de savoir que ce roman a pour héroïne une naine. Le talent de Walter de la Mare sait pourtant nous la rendre proche, déployant à l’intérieur du personnage une richesse d’esprit et d’émotions qui, même au-delà de sa taille « hors normes », en fait un caractère proprement exceptionnel.

Le roman nous livre les mémoires fictifs de Miss M., légués à Walter Dadus Pollacke (l’un des rares amis qu’a connus notre héroïne) après que celle-ci a été, selon ses propres termes, « appelée ». Ces mémoires s’arrêtent tout spécifiquement sur la période la plus déterminante de son existence, alors qu’elle a vingt ans, « ces douze mois de ma vie les plus mouvementés, les plus heureux, les plus cruels, les plus chers et les plus noirs ». Très tôt, Miss M. connaît l’épreuve de la douleur en perdant, à peu de temps d’intervalle, sa mère et son père. Contre une somme mensuelle perçue sur l’héritage dont elle dispose, elle est logée et nourrie chez Mrs Bowater.

Et pourquoi moi je dois parler comme toi ? Anouk Grinberg (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 17 Mai 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, Le Passeur

Et pourquoi moi je dois parler comme toi ? Anouk Grinberg, octobre 2020, 256 pages, 20,90 € Edition: Le Passeur

 

C’est en puisant, entre autres, dans la Collection de l’Art brut de Lausanne que la comédienne et artiste peintre Anouk Grinberg a pu rassembler tous ces écrits, dits bruts puisque écrits par des personnes internées et considérées comme démentes ou délirantes. Des écrits souvent dessinés aussi car un bon nombre d’entre eux font l’objet d’un graphisme très particulier et c’est pourquoi on trouvera aussi dans cet ouvrage des photos de ce qui forme une œuvre brute complète.

Anouk Grinberg a une histoire avec la folie, avec celle de sa mère dont elle a eu peur et même honte : « Je ne l’ai pas aimée, je n’ai pas réussi. J’étais de la famille humaine qui se détourne ». Ce livre est sa façon de réparer : « Par un grand détour, ce sont ces hommes et ces femmes qui m’ont conduite vers cette mère, cette femme, et si j’ai négligé de son vivant toutes ses lettres affamées, je suis heureuse aujourd’hui d’être passeuse de textes jamais lus ».

Une Épiphanie, Alexis Bardini (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Mai 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Une Épiphanie, Alexis Bardini, Gallimard, mars 2021, 104 pages, 12 €

 

Poème au carré

Le livre d’Alexis Bardini m’a interpellé, autant par le régime poétique de son texte, que par le nombre de réflexions à quoi convie ce recueil. Du reste, l’aspect intellectuel de l’ouvrage prend souvent le dessus, ce qui m’a entraîné, dans ma prise de notes, à revenir davantage sur l’intellection du poète sur son travail, qu’à me concentrer sur une étude musicale de cette herméneutique. C’est en cela que le poème est au carré, multiplié par sa propre substance, sa force. Et dans cette architectonique des vers, il me semble que recueillir le monde dans sa netteté importe moins à A. Bardini que de définir l’acte qui le lie à son énoncé. En un sens, le but latent et supposé en général de l’occupation poétique, celle de rendre acceptable l’univers qui entoure le rédacteur et le lecteur, en passe dans ce livre par une conception du monde comme phénomène de l’écriture, comme si l’écriture enveloppait plus que le simple monde lui-même.