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La Une CED

Un palimpseste pour l’oubli !, par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Samedi, 29 Octobre 2016. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

 

La vie est saturée d’histoires fantasmées, de légendes inventées, de rumeurs infondées. Mais il faut reconnaître que celles qui circulent depuis quelques années sur la Casbah frôlent l’incroyable ; elles dépassent l’entendement ; elles bousculent l’ordre des certitudes ; elles étonnent jusqu’à l’incompréhension ; elles flirtent avec la folie, et parfois, elles transcendent l’irrationnel.

Tout d’abord, il y a ma mère qui excelle dans l’art de narrer des histoires à faire dresser les cheveux sur la tête. A chaque fois que je l’ai au bout du fil ou qu’elle vient me rendre visite à Paris, elle passe le plus clair de son temps à me raconter dans le menu détail le moindre fait divers entendu au sujet de ce quartier où j’ai ouvert les yeux sur la vie, cette grande machine qui fait, défait, contrefait et refait les destinées !

Puis il y a mes copines qui n’y vont pas de main morte. A chaque retour du pays, elles ne ratent pas une seule occasion pour me brosser un tableau des plus sombres de ce quartier populaire qui enchanta tant d’âmes !

Et il y a les journaux qui, faute d’organiser des reportages in situ, se contentent de colporter des histoires inventées de toutes pièces qui inspirent la peur et alimentent la terreur.

Une poésie exprimant la mort - à propos du Jouet triste de Ishikawa Takuboku

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 28 Octobre 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Jouet triste de Ishikawa Takuboku, éd. Arfuyen, octobre 2016, trad. Jérôme Barbosa, Alain Gouvret, 104 pages, 14 €

 

Que reste-t-il aux poètes devant la mort ? Rien, sinon l’expression de la mort elle-même, et Le Jouet triste, recueil posthume de Ishikawa Takuboku, le prouve et l’illustre avec éloquence et un raffinement extrême. Oui, une poésie adossée à la mort, aux heures de quelques ultimes instants, les dernières saisons vécues par l’artiste, hantées par la description de son calvaire physique, son témoignage de tuberculeux au temps où la maladie était sans remède. Bien sûr, il est facile a posteriori de dire que la mort était le centre de cette poésie, de dire que la mort était présente à l’esprit du poète avec clarté, mais il y a trop de lucidité du poète tuberculeux pour sa propre maladie, trop de souffrance qui transparaît, pour affirmer que cette action triste était inconsciente. Oui, sans doute Ishikawa Takuboku savait sa fin proche et écrire ces derniers poèmes était sans doute encore un dernier cri.

Mère (7), par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 27 Octobre 2016. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

63 ? N’est-ce pas ?

Oui, en octobre.

Il paraît que les grands peintres sont tous nés entre le quinze et le trente et un.

Tu es encore là ?

Oui.

Cette angoisse.

Ce que l’on ressent quand on quitte l’objet de son obsession, et que l’on retrouve soudain l’impression de liquidité des sentiments, la fluidité des émotions. C’est très fort.

Israël et les dix mille Ismaël, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mercredi, 26 Octobre 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Qu’est-ce qu’enfin Israël pour les « arabes » ? Cela dépend du voisinage et de l’altitude. Autant la Palestine est vécue comme la cause palestinienne, autant Israël est expliqué comme un effet. De quoi ? De la désunion, la faiblesse, la trahison ou « la désobéissance à Dieu ». Aux Israéliens, Israël est un pays à venir depuis mille ans, aux Arabes c’est un pays à récupérer pour qu’il leur ressemble. D’où ce caractère de croisade sans fin que s’est octroyé le « conflit » du Proche-Orient (Lire PO en langage médiatique moderne) et de point de tension entre Occident et Orient Moyen, très Moyen. Donc, pour reprendre l’idée initiale, tout le monde s’est servi d’Israël, comme tout le monde s’est servi des Palestiniens.

C’est notre ennemi de soudure. Sans lui, nous ne serions que des pays arabes, alors qu’avec lui nous sommes « les arabes », entité raciale définie par défaut d’Occident. Israël a donc servi les nationalismes néo-nassériens des Arabes pour se souder ou se disputer. Ce pays a donné chez nous deux fronts : celui du refus, celui de la « harwala », la petite course vers la « réconciliation ».

A propos de "La Cheffe, roman d’une cuisinière", Marie Ndiaye, par Sandrine Ferron-Veillard

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 24 Octobre 2016. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

Chère Marie,

Je voudrais répondre à votre livre sans parler du lecteur que je fus. J’aimerais me mettre à table avec vous, nous asseoir ensemble, l’entrée d’abord puis le plat puis le dessert, discuter lentement de cette cérémonie spirituelle. Un livre et une lecture où le mot est aimant, fade quand d’autres l’utilisent pour louer la cuisine de « votre » Cheffe, elle s’en méfie d’ailleurs des mots qui enferment et ne disent rien que le goût de l’encre et la sécheresse du papier. « Je » votre narrateur, la décrit aujourd’hui, tel un récit posthume, réanime Cheffe : « je » son jeune commis, peut-être même son ultime confident. Votre livre est bien là une longue confidence, pleine et laconique, dont le lecteur perçoit d’emblée l’intime et la mélancolie. Vous mélangez les temps, vous distillez les dates, vous jouez avec mes sens et mon orientation. Cheffe est née d’une famille d’ouvriers agricoles, après la seconde guerre mondiale, au sein d’une petite maison de Sainte-Bazeille. De son enfance, Cheffe n’aurait jamais permis que vous la qualifiassiez de misérable.