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La Une CED

Au plus près du jour, Jacquy Gil (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 20 Février 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Au plus près du jour, Jacquy Gil, Éditions Encres Vives, Coll. Encres Blanches, janvier 2025, 32 pages, 6,60 €

 

« J’allais sous le soleil la tête enflée de lumière. Le vent écartait les herbes ; je m’étonnais d’être presque aussi vif que lui.

Trop belle était l’échappée pour n’appartenir qu’à la réalité ; je rêvais en courant, je courais en rêvant. Cela en ignorant tout de mon bonheur d’être.

Où que je me tourne, des prés venaient emplir mes yeux. C’était là comme un ciel dont on ne sait ni où il finit ni où il commence, pareil à celui que l’on voit à l’oculaire d’un télescope et qui multiplie les étoiles (p.15).

Au plus près du jour, c’est, ni plus ni moins, le programme de vie et d’action de notre poète.

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, Jean-Paul Dubois (par Jeanne Ferron-Veillard)

, le Mercredi, 19 Février 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

 

Vivre ?

Lis Son odeur après la pluie, de Cédric Sapin-Defour, paru aux éditions Stock en 2023. Ajoute-le à ta quête et assieds-toi pour Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon. Il faut savoir s’assoir pour vivre. Il faut du lien pour tenir. Pour Dubois, ça passe aussi par la présence d’un chien. Sa figure sur la tienne. Et la mélancolie comme collier. Il faut et il ne faut pas. Entre terre et Canada, une ville aussi, Toulouse, Dubois joue avec ton nerf optique. Tes nerfs. Et toujours cette urgence entre les mots, pas pour les faire avancer plus vite, ou que l’histoire s’emballe ou tout autre effet pour te maintenir sous pression, non, rien de tout cela chez Dubois.

Dubois est là, il est honnête, sincère et élégant. Il ne s’écoute pas écrire. Le lien. Le cordon. L’espace entre les êtres. C’est cela qu’il fixe pour toi. Le reste, c’est du maquillage et ça coule toujours sous la pluie. Ce n’est qu’une question de temps.

Bénie soit ma langue, Journal intime, Gabriela Mistral (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 18 Février 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques, Amérique Latine, Poésie

Bénie soit ma langue, Journal intime, Gabriela Mistral, éditons des femmes-Antoinette Fouque, octobre 2024, trad. espagnol (Chili), Anne Picard, 270 pages, 23 €

Rencontre

Avec ce livre que publient les éditions des femmes-Antoinette Fouque, je me suis trouvé dans la position amie d’une rencontre, lecture provoquant une amitié littéraire immédiate et forte à propos, et d’une grande densité. Je dis ami avec toute la force de l’épithète, au sens presque littéral, rencontre de l’Autrui évangélique, découlant d’une connivence tacite avec l’œuvre de ces cahiers qui balaient l’existence de l’autrice de 1905 à 1956. Une fois cette confession faite, il reste à m’expliquer comme à moi-même comment je suis rentré dans ce texte.

Ces 18 cahiers proposent une découverte kaléidoscopique du travail de la poétesse chilienne, Prix Nobel 1945. Avec eux, nous sommes à mi-chemin du journal et de l’autobiographie, ce qui rend saisissants tous les détails d’une vie passée à devenir une poète. La durée, en quelque sorte abolie, décrit le récit d’une vie, d’une vie d’écriture, écriture qui se développe avec et pour la vie, énonce sans fard les aléas d’une femme pauvre ballottée entre les pays, la pauvreté et l’acrimonie de l’intelligentsia chilienne – ce qui fut particulièrement dur pour la sensibilité de Gabriela, victime de rumeurs qui la blessaient.

Griffes 17 (par Alain Faurieux)

Ecrit par Alain Faurieux , le Lundi, 17 Février 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

 

Ce que je cherche, Jordan Bardella, Fayard, novembre 2024, 324 pages, 22,90 €

Un livre rassurant, normal. Qu’il ne contienne pas la réponse au titre, qu’il ne contienne rien en fait n’est absolument pas grave. La couverture est belle, l’intention noble. L’attrait du vide, l’attrait du regard en arrière. L’auteur nous propose donc un petit livre tout à fait dans l’air du temps. Reste à s’interroger sur la qualité de l’air. Quelque chose de particulier ? Non. Un petit volume à la fois creux et lisse (si, si, c’est possible). Un livre bien conçu, peu importe que Jordan Bardella l’ai écrit seul ou pas, se demande-t-on si Musso écrit 100% de ses livres ? L’objet est bien pensé et bien construit : les va-et-vient temporels créent des liens de causalité là où la chronologie les réfute et permettent un flou narratif sur les étapes de la carrière politique de l’auteur. Un premier tiers de type journal (très poussif) sur les premiers mois de 2024. Censé être quelque chose comme l’irrésistible marche vers la victoire.

Rimbaud est vivant, Luc Loiseaux (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 13 Février 2025. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Rimbaud est vivant, Luc Loiseaux, Gallimard, novembre 2024, 271 pages, 39 €

 

Encore Rimbaud ? Oui. À croire qu’il est devenu une tête de gondole pour les éditeurs. Sans doute parce que la version affadie, commerciale de son mythe, pour reprendre le titre d’un essai d’Étiemble ayant fait du bruit en son temps, séduit nos contemporains et correspond à leur vision de la poésie et d’une carrière de poète.

Un « hôtel littéraire » à son nom (quatre étoiles) s’est ouvert à Paris, il y a quelques années : son chiffre d’affaires est florissant, paraît-il. Tant mieux pour son propriétaire, et tant pis pour lui, Rimbaud, qui a souvent dormi dans des bouges. À Charleville, son souvenir est partout, entretenu avec un sens de la réclame aiguisé. Librairie Rimbaud. Collège Rimbaud. Boulangerie pâtisserie Rimbaud. Coiffeur barbier Rimbaud. Médiathèque « Voyelles ». « Cuvée d’Arthur », même (excellente bière, au demeurant, à déguster, Place Ducale, un jour point trop pluvieux, avec un boudin blanc de Rethel).