Identification

Critiques

Nietzsche au piano, Frédéric Pajak (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 06 Février 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits, Arts, Editions Noir sur Blanc

Nietzsche au piano, Frédéric Pajak, Les Editions Noir sur Blanc, janvier 2024, 96 pages, 15 € Edition: Editions Noir sur Blanc

 

« À le lire et à le relire, on s’aperçoit que la musique imprègne son écriture : ses phrases sont toujours musicales, ses livres sont des symphonies. Nietzsche est musicien avant tout ; la musique ne l’a jamais quitté. Sa vie se lit à livre ouvert dans les quelques partitions qu’il nous a laissées, et qu’il faut entendre pour ce qu’elles sont : des promesses ».

« Paris, la Provence, Florence, Jérusalem, Athènes, ces noms-là prouvent une chose : c’est que le génie ne saurait vivre sans un air sec et un ciel pur, c’est-à-dire sans échanges rapides, sans la possibilité de se ravitailler continuellement en énergie par énormes quantités » (Friedrich Nietzsche, Ecce Homo, traduction d’Alexandre Vialatte, 10/18).

L’Auteur ! l’auteur !, David Lodge (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 06 Février 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Rivages poche

L’Auteur ! l’auteur !, David Lodge, Rivages Poche, octobre 2023, trad. anglais, Suzanne V. Mayoux, 528 pages, 12 €

Pour L’Auteur ! l’auteur !, publié en 2004, David Lodge se fait romancier du réel d’un… autre romancier. En effet, il s’appuie, pour raconter essentiellement la frustration d’Henry James par rapport au succès littéraire, en particulier théâtral, sur « des sources factuelles », mentionnées en fin de volume, et tous les personnages de ce roman ont bel et bien existé, certains ayant été voire étant toujours renommés. Lodge, ainsi qu’il l’écrit en préambule, a « usé d’une licence de romancier en relatant ce qu’ils pensèrent ou ressentirent et les propos qu’ils échangèrent », d’où un fort travail sur des dialogues enlevés, à la teneur et au rythme plausibles, et une grande profondeur psychologique globale offerte à tous les personnages principaux, qu’il s’agisse de James, ses amis, sa famille ou même ceux à son service, secrétaires ou domesticité. Le travail romanesque est aussi lié à la structure du roman, remarquable parce qu’elle permet un aperçu de la carrière et la vie privée d’Henry James tout en restreignant la narration à son agonie et sa mort (première et quatrième parties, les plus brèves, de décembre 1915 à février 1916), et à son désir de devenir un auteur dramatique reconnu, de 1880 à 1897, année où il emménage à Lamb House, son refuge idéal trouvé après des années de villégiatures diverses et même un vague projet vénitien.

Le meilleur de l’Europe pour les femmes, Collectif coordonné par Violaine Lucas (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 02 Février 2024. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Le meilleur de l’Europe pour les femmes, Collectif coordonné par Violaine Lucas, Préface de Gisèle Halimi, éd. Des femmes Antoinette Fouque, novembre 2023, 9 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Hommage à Gisèle Halimi : questions juridiques, Europe des femmes

Cet ouvrage collectif, Le meilleur de l’Europe pour les femmes, est la poursuite actualisée du texte La Clause de l’européenne la plus favorisée, publié sous la direction de Gisèle Halimi en 2008, laquelle avait cofondé l’association Choisir la cause des femmes avec Simone de Beauvoir en 1971.

Défendre une Europe équitable avec la pleine participation des femmes a été le but et le combat de la grande avocate, militante féministe, députée et ambassadrice de France à l’UNESCO franco-tunisienne Gisèle Halimi (née Zeiza Gisèle Élise Taïeb en juillet 1927 à La Goulette, dans une famille juive d’origine modeste, et morte en 2020 à Paris). Droit à l’avortement, à la libre disposition de son corps (sans stigmatiser les « femmes prostituées », ce qui ne fait pas l’unanimité chez les féministes), pour l’abrogation de la peine de mort, « contre la loi de la jungle, celle de l’égalité et du respect de tous », fut et reste le leitmotiv du discours de cette forte personnalité.

Le fruit le plus rare, ou La vie d’Edmond Albius, Gaëlle Bélem (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 01 Février 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Afrique, Roman, Gallimard

Le fruit le plus rare, ou La vie d’Edmond Albius, Gaëlle Bélem, Gallimard, août 2023, 256 pages, 20 € Edition: Gallimard

Gaëlle Belem, écrivaine réunionnaise inspirée nous transporte dans le contexte quotidien de cette île intense de l’Océan Indien au XIXe siècle en reconstituant, de sa naissance en 1829 à sa mort en 1880, la vie mouvementée, bouleversée et bouleversante, d’un des plus célèbres esclaves noirs de l’histoire coloniale française, le génial inventeur de la pollinisation manuelle de la fleur du vanillier, Edmond Albius.

Orphelin dès sa naissance de parents esclaves qu’il ne connaîtra donc jamais, le négrillon est, chose en soi exceptionnelle, adopté par son maître, Ferréol Beaumont, veuf, âgé de trente-sept ans, propriétaire de la plantation et des dizaines d’esclaves y faisant partie des meubles.

Ferréol, piètre exploitant de sa plantation sise à Sainte-Suzanne, se passionne pour la botanique, passe le plus clair de son temps à entretenir un espace entièrement dévolu à la fascination qu’il éprouve pour les orchidées et, depuis qu’il a eu connaissance de la découverte de la vanille en Amérique, est obsédé par le mystère, que personne n’a encore pu percer, de la fécondation de cette merveille, dont la production de gousses parfumées, ce « fruit le plus rare », pourrait faire sa fortune, celle de son île, voire celle de son pays.

Sentences, Ménandre (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 31 Janvier 2024. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Les Belles Lettres

Sentences, Ménandre, éditions Les Belles Lettres, 2022, trad. annotée, Janick Auberger, Michel Casewitz, XLIV + 254 pages, 35 € Edition: Les Belles Lettres

 

Ménandre (342/1-292/1 avant Jésus-Christ) fut longtemps un grand écrivain que plus personne ne pouvait lire. Au long d’une trentaine d’années de carrière dramatique, il composa une centaine de pièces de théâtre, suffisamment appréciées du public athénien pour qu’on lui érigeât, seul auteur comique aux côtés des trois grands tragiques, une statue dans le temple de Dionysos. Ménandre n’était cependant plus qu’un nom, puisque le texte de ses pièces avait disparu et n’était plus accessible que grâce à des citations de seconde main ou des adaptations latines. Au début du XXe siècle, la découverte de papyri dans le désert égyptien permit de retrouver plusieurs comédies complètes, ainsi que de larges fragments.

Dans un monde antique où les livres étaient rares et chers (ils le resteront pendant la plus grande partie de l’histoire humaine et même l’invention de l’imprimerie n’entraîna point une baisse rapide des coûts), la mémoire jouait un rôle cardinal, que nous avons du mal à apprécier aujourd’hui, alors que toutes les connaissances du monde sont accessibles instantanément par l’intermédiaire d’un téléphone portable.