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Critiques

Sanctuaire (Sanctuary, 1931), William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 05 Septembre 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

Sanctuaire (Sanctuary, 1931), William Faulkner, Folio, trad. américain, R.N. Raimbault, Henri Delgove, 376 pages . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

 

William Faulkner a déclaré dans une interview de 1951 qu’il avait composé ce roman violent en 1931 comme un simple gagne-pain. On pourrait, au premier abord, y croire : un mélodrame criminel glauque et brutal, loin de la veine moderniste des autres ouvrages du Faulkner de l’époque, The Sound and the Fury (1929) et As I Lay Dying (1930), Sanctuary pourrait bien n’être rien de plus qu’une tentative de best-seller, un livre bien ancré dans l’air de son temps, de l’époque « dure » de la littérature américaine. Et ça a marché : ce roman a rapporté à Faulkner plus de renommée et d’argent que toutes ses œuvres publiées jusqu’alors. Même la noirceur du tableau social du Sud pauvre et arriéré pourrait entrer dans l’intention d’offrir au public ce qu’il voulait alors, les lecteurs des villes – qui sont évidemment les plus nombreux – étaient alors friands de récits graveleux issus de ce « Tiers-Monde » des USA que constituait le Sud, avec ses viols, ses incestes et ses meurtres sauvages, tout en gardant la conscience nette, comme si leur intérêt pour ces histoires était une forme de charité.

Sur la voie abrupte, Jean-Claude Caër (par Marie-Hélène Prouteau)

Ecrit par Marie-Hélène Prouteau , le Mardi, 05 Septembre 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Sur la voie abrupte, Jean-Claude Caër, éditions Le Bruit Du Temps, avril 2023, 60 pages, 17 €

 

Jean-Claude Caër ou l’art du rhapsode

Le dernier recueil de Jean-Claude Caër Sur la voie abrupte est une traversée d’instantanés, de souvenirs de voyage, de notations sensibles, de réminiscences du cœur – s’agissant en particulier de l’émouvante évocation de la mère. Cette approche poétique est déjà présente dans ses précédents recueils Alaska ou Devant la mer d’Okhotsk. Qu’y a-t-il de nouveau dans ce recueil ?

Suscité par le confinement et le retour en sa maison familiale de Bretagne, le flux de conscience s’affranchit très vite du cadre de la circonstance. Serait-ce parce qu’il touche à une vérité intérieure aux accents testamentaires ?

C’est en tout cas avec une acuité parfaite que le poète déploie ici et approfondit les thèmes qui lui sont chers.

La Jolie Madame Seidenman, Andrzej Szczypiorski (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 04 Septembre 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman, Editions Noir sur Blanc

La Jolie Madame Seidenman, Andrzej Szczypiorski, Les Éditions Noir Sur Blanc, mai 2023, trad. polonais, Gérard Conio, 272 pages, 23 € Edition: Editions Noir sur Blanc

 

Le titre choisi pour l’édition française du septième roman d’Andrzej Szczypiorski (1928-2000), le plus connu avec Messe pour la ville d’Arras, est malheureux, La Jolie Madame Seidenman (1986), bien que permettant d’articuler un réseau d’interactions après son arrestation dans la Varsovie de 1943, n’est au fond qu’un prétexte pour l’auteur destiné à montrer l’état d’esprit de cette Varsovie au travers du sort et des réflexions d’une poignée de personnages, certains récurrents, d’autres passagers clandestins, la narration oscillant entre le point de vue d’un narrateur omniscient et celui des différents personnages. Le titre polonais est Le Commencement, comme celui d’une Pologne qui doit continuer après la Seconde Guerre mondiale, écartelée, perdant peu à peu sa polonitude, si l’on permet ce barbarisme. Même si le texte de quatrième de couverture présente Irma Seidenman, devenue Maria Magdalena Gotomska afin d’échapper aux persécutions allemandes, comme le personnage auquel le lecteur va s’attacher, au fond, le vrai personnage central de ce roman, c’est la Pologne.

Monsieur Nostalgie, Thomas Morales (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 31 Août 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Monsieur Nostalgie, Thomas Morales, éd. Héliopoles, juin 2023, 192 pages, 17 € . Ecrivain(s): Thomas Morales

 

« Tout ce que j’ai aimé disparaît peu à peu ; tous mes repères se désagrègent, je ne reconnais plus mon pays aigri et vengeur. Alors, inlassablement, par souci d’équilibre, je mélancolise le passé ».

« À 30 km/h, la vie défilait sur un mode primesautier. Trenet chantait et Cerdan boxait. Mi-vélo, mi-mobylette, le Solex brouillait tous les genres ».

Depuis plus de dix ans qu’il nous offre ses livres, Thomas Morales est devenu l’un des chroniqueurs littéraires français des plus brillants, des plus piquants, des plus gracieux, et des plus inspirés qui soient. Un chroniqueur qui, à chaque livre, révèle son talent de romancier. Il y a chez Thomas Morales des graines de Hussard qui ne cessent de germer, une façon toute française, donc profondément stylée, de célébrer des hommes et des objets qui ont marqué un temps qui avait tout de déraisonnable, autrement dit un temps qu’il était heureux de fréquenter, c’était au siècle dernier, une fin de siècle, qui nous enchantait et nous faisait chanter des chansons que tout le monde connaissait sur le bout des lèvres, nous passions du Solex à la 4L dans une grande jubilation, et goûtions avec délectations aux films de Claude Sautet et les dessins de Sempé – (il a) tapissé notre imaginaire de facteurs, de kermesses, de banderoles et de galurins.

Pays perdu, Pierre Jourde (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 30 Août 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Pocket

Pays perdu, Pierre Jourde, Pocket, 2005, 192 pages Edition: Pocket

 

Le frère du narrateur vient d’hériter. Leur cousin Joseph, « qui vivait en sauvage, dans sa ferme, tout au bout d’une route égarée dans les montagnes » (p.19), est décédé. L’héritage consiste en des terres, une ferme et, les deux frères l’espèrent presque comme des enfants, le vieux trésor caché, le pactole. Pourtant, ce qui les conduit vers ce village extrêmement retiré, difficile d’accès, à l’image d’une excroissance ayant poussé lointainement en regard d’un paysage sans hommes, ce qui les y conduit sera vite rangé de côté au profit de réflexions et d’observations déterminantes.

Il ne se passe que peu de choses dans ce récit fixé sur des instants-clé : l’une des habitantes du village, la très jeune Lucie, meurt d’une leucémie. S’engage alors le défilé des voisins dans la maison de François et Marie-Claude, ses parents, venus pour adresser un dernier au revoir à la défunte. C’est dans ces circonstances austères que le narrateur s’attarde (ou se souvient, dans ce qui forme des images revivifiant les sensations de son enfance) sur la rudesse de ces personnages, le silence qui enferme l’âme, l’alcool qui assoit une soumission à la solitude, quand celle-ci n’est pas désirée, les mains gigantesques et impénétrables qui ont sans cesse manipulé le bois ou dépecé des bêtes…